Lip Dub à Brest
Nous sommes tous des Madoff !

Nous sommes tous des Madoff !

Prahalad & Stuart 2002 Il y a déjà plusieurs années, je m’étais essayé à décortiquer mathématiquement le système de « l’arnaque pyramidale ». L’exercice m’avait paru instructif et après analyse, je n’étais pas loin de penser que ce modèle était finalement plus proche du monde réel qu’il n’y paraissait.

Avec une arnaque de 50 milliards ayant dupée des investisseurs avertis et des cabinets d’audit, il nous faut oser questionner ce modèle et peut-être entrevoir une réalité qui fait mal : si rien n'a été vu, n'est-ce pas simplement parce que le modèle pyramidale est le cœur stratégique de notre système économique libéral mondialisé ?

Je vous laisse lire l’article que j’ai envoyé sur le site du Monde (ici) et qui tente de faire le lien entre l’affaire Madoff et les raisons profondes de la crise dans laquelle nous sombrons.

 

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Nous sommes tous des madoffs !

Au beau milieu d'une crise économique mondiale sans précédent, l'affaire Madoff nous offre une clé de lecture décalée, mais non moins instructive des contradictions de nos modèles.

La mécanique globale d'une fraude pyramidale tient d'abord sur une illusion. Celle-ci place chaque acteur volontaire de la pyramide dans la double posture « d'investisseur » et de « bénéficiaire », à la seule condition de participer soi-même à une partie de la construction de l'ensemble. La réalité mathématique de cette mécanique n'est autre qu'une concentration des profits faits sur les « investisseurs », vers le sommet de la pyramide, au détriment des rangs les plus bas. Les acteurs intermédiaires ou de rang bas étant tenus dans l'expectative d'un retour sur investissement... qui ne viendra jamais complètement dans les faits.

De façon plus complexe mais non moins réelle, le système économique mondial actuel repose aussi sur cette illusion. Il place chaque acteur individuel dans une posture où il croit pouvoir tirer profit de son investissement personnel, mais l'ensemble agit comme une énorme machinerie à concentrer les profits vers quelques uns.

Un travailleur français payé 1 500 €/mois gagne envions 10 € par heure travaillée, quand la moitié de la population mondiale vivant en dessous des 2 $/jour verra, son temps de travail valorisé 50 fois moins. Pour un cadre moyen français, le ratio passe à 100, pour un cadre supérieur à 200 et pour le directeur général de Valeo qui tente de partir avec son golden parachute, le ratio passe à plus de 25 000 ! Une heure travaillée de ce brave homme équivaudrait au travail de 25 000 personnes en parallèle ou alors, de plus de 12 années de travail d'un autre ! Evidemment que non. Comme Bernard Madoff, Thierry Morin est simplement au sommet d'un système pyramidal, dont nous sommes tous les couches intermédiaires.

Il existe une différence fondamentale entre ces deux systèmes pyramidaux. Dans le cas de Madoff, la fraude est purement financière, alors que dans le système capitaliste mondial, cette mécanique s'esquive derrière les échanges de biens et de services intermédiaires et transactionnels dans le fonctionnement du système pyramidal, renforçant à la fois l'illusion d'un système raisonné, mais aussi la légitimité de chacun des acteurs à y appartenir.

Des commentateurs disent aujourd'hui du système Madoff : « aucune stratégie d'investissement au monde ne peut générer ce genre de performances » (Charles Gradante, fondateur du consultant Hennessee Group). Mais n'est-ce pas aussi vrai pour la rémunération horaire du l'ex-DG de Valeo et de quelques autres ?

Le 24 mars dernier, Nicolas Sarkozy nous dit dans son discours de Saint Quentin : « Une société égalitaire, c'est le contraire d'une société de liberté et de responsabilité. » Ne se pose-t-il pas lui-même en défenseur d'un vaste système pyramidal ?

La crise est là, bien là, avec son lot de souffrances et de malheurs. Mais que s'est-il passé depuis un an ? Y a-t-il eu une guerre mondiale, un cataclysme, un tsunami ? Rien de tout cela. Dans le monde réel, il ne s'est rien passé. Une banque est tombée et le système, une partie de la grande illusion s'est effondrée avec une perte de confiance généralisée, puis une discontinuité dans les comportements qui affecte de façon tragique l'intégralité de notre économie.

Bernard Madoff et sa fraude pyramidale iront en prison. Nous devrions tirer les mêmes conclusions quant à l'illusion de notre modèle économique et de son système pyramidal déguisé. Chaque être humain doit œuvrer, à égalité, pour son propre développement et non pour faire fructifier outrancièrement le développement d'une minorité, assise en haut d'une vertigineuse pyramide. Cela doit être la leçon de l'après-crise... et de l'après-Madoff !

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