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Interview sur France Bleu Breizh Izel

L’indécence des chiffres, l’indécence des faits

Picasso Nu au plateau de sculpteur Il y a trois jours, sur la même feuille de journal, figuraient deux chiffres sans grands rapport, aux premiers abords.

Le premier article traitait du record mondial de la vente aux enchères d’un tableau de Picasso : « Nu au plateau de sculpteur », adjugé à un peu moins de 110 millions de dollars (82 million d’euros). Le second article traitait de la situation grecque et des violences de rue, face aux efforts demandés (plan d’austérité) pour avoir les 110 milliards d’euros d’aides afin de sauver de la faillite un pays criblé de dettes publiques.

Un Picasso reste un bout de tissu, aussi beau soit-il, cela ne reste qu’une peinture. Comment des sommes aussi importantes peuvent encore s’échanger quand des pays finissent par faire faillite et leur peuple devoir rembourser des dettes pour lesquelles ils n’ont, le plus souvent, aucune responsabilité. Comment ses peuples peuvent comprendre ce décalage sans sombrer dans la violence.

Il fut un temps où la rigueur, l’austérité s’entendaient car elles avaient un sens, une perspective et qu’elles soutenaient un projet. Aujourd’hui ses termes n’ont plus de sens et n’ambitionnent aucun projet dans l’esprit de peuples qui croyaient s’émanciper et progresser et qui se retrouvent aujourd’hui trompés et redevables au reste du monde.

La mondialisation et le capitalisme ont mis en place des mécanismes redoutables de concentration des richesses vers un petit nombre de personnes. Ces mécanismes sont assez complexes pour finir par devenir naturels dans l’esprit du citoyen. Ils n’en demeurent pas moins des règles collectives à produire des injustices et à terme de la violence.

Dans le journal du lendemain, le premier ministre français annonçait son plan de rigueur. Tout en baissant le budget de l’état et donc les services de ceux-ci à un moment où le pays vient d’entrer dans une des ses plus graves crises sociales de ces dernières années, il annonçait que la chasse aux niches fiscales était ouverte. Dans notre pays où les plus gros contribuables sont abrités par l’invention présidentielle du bouclier fiscal, ce ne sera bien-sur pas sur les plus riches que reposera donc l’effort supplémentaire, mais bien sur tous les autres. Là aussi l’indécence du propos est manifeste.

Nos pays sombrent sous les déficits et sous les dettes. Qu’il faille faire des efforts est une évidence et même un devoir. Pour autant, cet effort ne pourra se faire dans l’injustice. Tout un pays ne peut s’assujettir à rembourser des dettes quand les plus riches peuvent s’en affranchir et continuer à creuser les inégalités. Pour que l’effort soit consenti et accepté, il doit être général.

Nous sommes au bord d’une crise majeure qui peut très bien se finir dans la violence et dans le sang. Après des années de déraison économique, nos pays se retrouvent au pied du mur, sans avoir réellement réglé nos problèmes structurels majeurs et sans avoir suffisamment préparé l’avenir non plus. L’effort est devant nous, mais il ne pourra se produire dans l’indécence des chiffres et l’indécence des faits.

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