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Énergie, inversons les priorités

EnLiensLe second numéro du journal gratuit En Liens est consacré à l'énergie. Ce nouveau journal finistérien propose des articles afin de mieux comprendre les enjeux du développement durable. J'y ai écrit un article, dans la partie culture d'idées, qui tente de mettre en perspective la place de l'énergie dans notre développement moderne, mais aussi d'appréhender ce qu'elle pourrait-être dans notre développement futur.
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Dans les priorités des grandes nations du monde, la quête de la croissance vient en premier, puis vient la réduction de la pauvreté et enfin, aujourd’hui, les enjeux sur le dérèglement climatique. L’énergie est au cœur de ces trois sujets, mais y répondre réellement nous obligera probablement à inverser le sens de nos priorités.

L’impératif de croissance, grande croyance issue des modèles économiques et entrepreneuriaux, s’est imposé comme garant du bien-être et de la paix des peuples. Dans nos pays développés, la croissance fut étroitement liée à notre capacité à maîtriser l’énergie et à en faire baisser le coût.

Dans une première phase, ce fut la substitution du travail animal et humain par des machines gourmandes en énergie qui engendrèrent les gains de productivité. Le temps libre ainsi dégagé put être consacré aux instruments du développement humain : éducation, santé ou recherche. Lors d’une seconde étape plus récente, les « gains de productivité » furent soutenus par l’externalisation des productions, vers des pays où la main d’œuvre était bien moins chère, grâce à des coûts logistiques faibles. Le faible coût de l’énergie (transport) par rapport au travail humain nous aura permis ainsi de poursuivre notre croissance.

Si l’énergie fut un levier pour le développement de la richesse, elle le fut aussi sur le creusement des inégalités. Le développement ne se fit pas de façon homogène, partagée, mais de façon privatisée.

L’accélération que produisit le contrôle de l’énergie bénéficia principalement aux premiers entrants, à ceux qui purent fixer les règles, au détriment des suivants et sur le dos des derniers. Au lieu de bénéficier à l’ensemble, ce développement fut l’objet d’une domination, d’une appropriation, d’une privatisation.

L’apaisement de tensions nuisibles à l’économie aura conduit les Etats des pays riches à proposer des politiques sociales, mais ils ne s’attaquèrent pas au problème de l’accaparement de la richesse par certains. La logique d’utilité sociale des plus riches, locomotive de la machine économique, ne fut jamais questionnée. Au contraire, la croissance fut entretenue par l’American Dream, le rêve d’une possible ascension sociale pour les classes moyennes.

Aujourd’hui, le pouvoir d’achat et la sacro sainte consommation ne contribuent plus au bien-être. Publicité et marketing ont pour finalité d’alimenter un flux permettant de transformer des ressources collectives en profits individuels, pour le compte d’un petit nombre d’individus. Une consommation trop souvent hors sol, produite par des travailleurs exploités à l’autre bout du monde, pour le compte de fortunes hébergées aussi ailleurs, dans des paradis fiscaux !

Mais le rêve des pays développés s’arrête là. Nous appartenons à un monde fini. Consommation d’énergie et développement humain mal maitrisés ont conduit à dégrader l’écosystème qui nous abrite : destruction de la biodiversité et dérèglement climatique.

La priorité donnée à la croissance ne vaincra pas la misère et ne réduira pas les inégalités. Au contraire, elle nous conduit inévitablement vers une accélération et une multiplication des crises : sociales, environnementales et économiques.

La sortie par le haut du modèle actuel peut se faire par une inversion des priorités. Si l’objectif devient le plus juste accès aux énergies, dans un monde fini (i.e. un droit égal pour chaque humain à émettre des gaz à effet de serre), alors la perspective change complètement. C’est la croyance en la promesse d’un monde infini qui nous est montée à la tête.

Reprendre pied dans la réalité nous demandera moins de penser à la croissance qu’à la bonne gestion de ce que nous avons, moins à la consommation qu’au bien-être humain et enfin, probablement moins à un développement qualifié de « durable » pour l’occasion, qu’à un développement réellement vivable.

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