Bonheur et autonomie
Bonheur, croyances et sens

Appel à une République apaisée

Je suis un défenseur du mariage et de l’adoption pour tous, tout comme je fus un défenseur du PACS, en son temps. Je ne vois pas ce que cela retire aux autres que d’élargir le droit et la reconnaissance du mariage ou de l’adoption à des couples du même sexe. Cela étant dit, ce que je lis et entends aujourd’hui me questionne.

Après l’appel au sang ou à la guerre civile de « responsables irresponsables », nombre de personnes souhaitant voire aboutir cette loi s’offusquent ? Sauf que l’histoire de cette loi est depuis le début un champ de bataille entre pro et anti. Aucun des deux camps n’a tenté d’apaiser le débat, bien au contraire, chacun à fait monter la tension, pour en arriver aujourd’hui à des prises de positions tout à fait inacceptables, dépassant largement le sujet initial.

Je pourrais faire comme de nombreux camarades et m’offusquer contre les propos déplacés des antis. Vu le délire de certains, tout nous est finalement servi sur un plateau. Mais ce serait la facilité. Nous oublions un peu vite que nous sommes aux responsabilités et faire preuve de responsabilité, c’est aussi d’abord savoir balayer devant sa porte.

Alors que nous sommes arrivés au pouvoir il y a 11 mois, nous avons proposé cette loi sur le mariage et l'adoption pour tous qui était clairement une des propositions du programme de notre candidat. Où était l’enjeu ? On peut comprendre que les opposants à cette loi descendent dans la rue pour manifester leur désaccord. L’histoire et le vote des français leur donnent tort, mais ils ont le droit à une expression. Ne l’a-t-on pas fait en notre temps contre Sarkozy ? Mais j’avoue avoir eu beaucoup plus de mal à saisir la logique des manifs de soutien à la loi, la première, puis la seconde. J’avoue aussi avoir eu du mal à comprendre la logique visant à accélérer le calendrier sur la PMA, en allant à l’encontre de toutes les annonces précédemment faites et en tentant de faire passer cela par le débat parlementaire, au lieu de rester dans le cadre des lois sur la bioéthique comme annoncé initialement.

Ce comportement, venant de responsables politiques, m’interpelle sur le fond comme sur la méthode.

Quand il n’y a juste qu’à dérouler une loi annoncée à l’avance, quel intérêt a-t-on à vouloir en découdre avec les opposants ? Quel intérêt à braquer ceux que la question insécurise et questionne ? Quel intérêt à traiter d’homophobe tous ceux qui ne sont simplement pas de notre avis, sur une question complexe qui peut être une évidence pour certains (dont je fais partie), mais qui fut un des grands sujets tabous de la société et de la République depuis des décennies ?

Il y a probablement deux raisons, paradoxalement assez éloignées de la cause que nous sommes censés défendre.

La première est une sorte de revanche de tous ceux qui ont souffert de cette forme d'exclusion sociale. Elle pourrait se comprendre, au regard du comportement de la société sur la question des sexualités différentes. Elle n’a cependant pas sa place dans une bonne politique qui traite l’intérêt général et non l’intérêt particulier de groupes ou de communautés. L’angle choisit pour la loi était d’ailleurs le mariage pour tous, pas le mariage homosexuel en particulier.

La seconde est plus politique et s’apparente à une forme de domination idéologique : une prise de pouvoir dans le débat, au travers d’une posture politique, en posant comme présupposé que l’on ne peut s’y opposer sans passer dans le coté adverse (c.a.d basculer dans l’homophobie, dans le cas présent). C’est paradoxalement la mise en place d’un ordre moral (nouveau), par ceux-là même qui critiquent l’existence de celui hérité du passé. Ce type de positionnement se retrouve souvent sur des thèmes tels que le social ou l’écologie et il témoigne bien souvent d’une volonté de radicalisation des postures. Cette façon d’aborder un sujet mène plus à l’affrontement (logique révolutionnaire) qu’à un débouché politique, constructif et durable.

Des citoyens ont le droit d’être contre le mariage pour tous ou la PMA. Laissons-les faire leur propre chemin sur cette question et puisque nous avons la majorité, montrons-leur par l’exemple et en toute humilité qu’ils font fausse route et que leur craintes ne sont pas fondées, comme ce fut le cas pour le PACS. Nous n’avons rien à gagner à tordre la réalité et à les mettre dans le même sac que les extrêmes, politiques ou religieux. Une société démocratique n’avance pas à marche forcée. L’évolution des mentalités est un travail lent, qui se nourrit des échanges et non des crispations.

Qui sème le vent récolte la tempête dit un dicton populaire. Nos responsables politiques feraient bien de se le remémorer, car ce n’est pas faire de la bonne politique que de tendre les esprits et les postures lorsque nous sommes au pouvoir, y compris sur des combats légitimes. C’est ce que nous critiquions tant au mandat précédent et c’est ce que nous reproduisons aujourd’hui. Il est d'ailleurs probable que la situation d'aujourd'hui se révèle contreproductive pour la cause que nous souhaitions défendre.

Au travers de notre candidat, notre programme politique promettait une « République apaisée », nous serions bien avisés de nous en rappeler et de mettre en œuvre les comportements qui vont avec cette société que nous appelions de nos vœux.

Commentaires