Repenser la gauche
Repenser la gauche, et son unité

Repenser la gauche, face aux deux droites

Nous assistons à une tripolarisation de la sphère politique. A la droite et la gauche républicaines vient aujourd’hui s’ajouter le FN. Ce virage est clairement en lien avec la crise. La droite comme le FN ont choisi leur doctrine d’action, on ne peut pas en dire autant de la gauche. A nous de retrouver nos fondamentaux.

Difficile de dire ce que ferait exactement le FN s’il arrivait au pouvoir. Toutefois, le discours du FN est bien ancré dans deux schémas : la stigmatisation de groupes sociaux en réponse à des peurs existantes ou développés, mais aussi un repli sur soi comme réponse à un environnement local ou international vécu comme dangereux. C’est évidemment un discours qui colle particulièrement bien aux temps de crise, où les plus faibles n’ont plus d’horizon et subissent plus que les autres la dureté d’un monde qui ne s’est pas organisé pour anticiper cela.

De son côté, la droite républicaine1 a fait rapidement sa mue en début de crise. Elle a trouvé ses propres réponses durant le mandat de Nicolas Sarkozy. En 2008, d’une doctrine très libérale (le rêve américain montré en modèle, souvenons-nous : Sarko l’américain !), la droite française a fait un virage fort vers une doctrine conservatrice. Ponctuellement, la droite s’est même osée à critiquer le libéralisme qui avait conduit à cette crise financière, tout en continuant à soutenir largement le pouvoir économique en place. En complément et de façon à tenter de garder le contrôle sur la population, elle a emprunté du bout des lèvres puis de façon décomplexée le discours du FN, sur la stigmatisation et la fragmentation du corps social. C’est tous les discours sur les étrangers, les Roms, mais c’est aussi tous ceux sur l’assistanat et la fraude aux droits sociaux (oubliant bien volontairement la fraude fiscale, alors que celle-ci est plus de 10 fois plus importante). C’est la grande escroquerie de Patrick Buisson qui finalement, portera plus de fruits au FN qu’à la droite.

Droite républicaine et droite extrême finissent par utiliser un même moteur de mobilisation, la peur de l’avenir et le transfert des problèmes dans la stigmatisation de la figure de l’autre, de l’étranger. C’est une ficelle politique largement utilisée au cours de l’histoire pour prendre le pouvoir ou le conserver, face à une population qui souffre (volontairement ou involontairement).

Par contre, toutes deux diffèrent dans leurs objectifs. La droite républicaine le fait au non du maintien d’un ordre économique, au service de ceux qui ont le pouvoir et l’argent. L’argument sous-jacent étant que les riches tirent économiquement les pauvres (ce qui reste à démontrer). C’est surtout un modèle très conservateur de société qui bloque l’ordre social dans l’état où il est et creuse les inégalités quand le gâteau économique diminue. Du coté de l’extrême droite, il s’agit plus d’assoir un régime plus ou moins autoritaire, où l’expression et les choix politiques d’un petit nombre d’individus (eux en l’occurrence) prévaut sur ceux des autres. Evidemment, l’accaparation du pouvoir n’est que la première étape vers l’accaparation des richesses et souvent, comme l’histoire l’a montré, leur gaspillage.

On le voit, les deux droites sont aujourd’hui positionnées pour affronter idéologiquement la crise face à un électorat désorienté. De son coté, la gauche républicaine reste sur son logiciel d’avant « crise ». Elle reste crispée sur un modèle où sa politique s’appuie, tant pour l’investissement que pour la solidarité, sur un modèle économique qui génèrerait toujours plus de gains. Or, force est de constater que ce système n’est plus, déjà depuis plusieurs années. Le maintien de notre politique s’est fait à force d’endettements. Aujourd’hui, faute de résultats significatifs, la coupe est pleine, tant au niveau de la dette que des prélèvements fiscaux, et la gauche peine à trouver son nouveau modèle.

Pourtant la droite et l’extrême droite nous montre la ligne à tenir, en creux de leurs propres orientations. Trois axes peuvent être proposés.

  • Face à une droite qui pense d’abord à sauvegarder ceux qui ont le pouvoir et l’argent, nous pouvons réaffirmer notre attachement à la lutte contre les inégalités. Nous devons nous soucier à nouveau du vécu des oubliés de notre société, justement ceux qui aujourd'hui se refugient dans le vote FN, faute d’alternative crédible à leurs yeux. Ces « oubliés » prennent des formes diverses. La notion d’ouvrier a probablement moins de sens aujourd’hui, il n’en demeure pas moins qu’une partie de la population vie dans une extrême difficulté, face à une société qui les ignore et qui ne leur donne plus les moyens de s’en sortir et de se construire humainement. Qu’un quart des SDF ait un emploi sur Paris donne un exemple concret de la dimension du problème à résoudre. Nous devons mieux analyser ces situations de vraies difficultés et poser des réponses qui permettent de retrouver dignité, autonomie, sécurité et perspectives.
  • Face à une droite et une extrême droite qui jouent des peurs pour assoir une forme de mobilisation vide de sens, nous devons redonner une boussole, un cap compréhensible à la population. Il nous faut arrêter de parler d’économie comme une fin en soi. La population ne comprend pas et c’est d’autant plus incompréhensible que la situation économique ne va pas bien. Nous devons revenir aux fondamentaux et plus parler d’objectifs de bien-être, de bien vivre de tous et moins de croissance, de chômage ou de taux d’intérêt. On nous fait croire que tout est lié, il n’en est rien. C’est nous-mêmes qui nous enfermons dans ces modèles. La question du bien-être de tous au sens large draine l’ensemble des sujets de société, elle est politique et doit devenir une clé de lecture pour nos arbitrages. Il nous reste beaucoup à inventer là-dessus. La gauche étant historiquement ancrée dans une culture de résistance, elle regarde naturellement plus les bouteilles à moitié vides qu’à moitié pleines … et la question du bien-être n’est jamais posée, alors qu’elle est probablement au centre d’un projet humaniste.
  • Enfin, les deux droites misent sur la compétition et l’autoritarisme comme moteur de la société. Nous devons développer un nouveau modèle porté par la coopération, aux différents niveaux et aux différentes échelles de la société. Là aussi la gauche s’est laissée entrainée dans une vision qui n’est pas la sienne. C’est par la coopération que nous réussiront le mieux et c’est aussi avec elle que nous retrouverons les marges de manœuvre pour porter un projet de société ambitieux, sans pour autant grever les budgets. La coopération est surement le niveau de maturité qui manque aujourd’hui à nos démocraties. C’est à la gauche de l’amener, de le faire murir et de le développer.

Ces trois axes sont complémentaires. Lutte contre les inégalités, coopération et ambition d’une société du bien vivre pour tous sont probablement indissociables. Ils donnent le cap vers une autre société, vers un autre siècle et aussi sur une ouverture plus sereine sur le monde.

Le défi de la gauche est de redevenir une alternative à la droite. Nous avons trop emprunté au modèle porté par la droite du temps où l’économie permettait à elle seule de prospérer. Il nous faut aujourd’hui revenir à nos fondamentaux sous peine de rester inaudible et improductif, face aux nouveaux défis de notre époque.

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(1)    Le propos est à relativiser en fonction des différentes coloration de droites républicaines (du centre à la droite forte), mais les fondamentaux restent les mêmes.

 

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