Contribution : Pour un parti socialiste hors les murs
Bernadette Malgorn : Incantation n’est pas action

Pierre Rosanvallon dans l'émission A voix nue

Images05R9UG5YJe suis tombé par hasard sur cette émission que j’apprécie de France culture : A voix nue. La journaliste recevait Pierre Rosanvallon. Je trouve que son propos (retranscrit ci-dessous) fait significativement écho à celui développé dans la contribution dans ma précédente note.

A écouter en entier ici !

« Les tensions concernant l’univers démocratique restent toujours en place. Il y a une contradiction par exemple dans le principe représentatif, entre la représentation comme ce qui donne de la présence, la « représentation-figuration » du monde social et la représentation simplement comme mandat. Entre le mandat et la figuration, il y a un écart. Parce que l’on peut dire que l’élection est capable de produire du mandat, parce que l’élection nomme des personnes qui peuvent agir pour autrui. Alors que l’élection produit, on le voit aujourd’hui, de moins en moins de la figuration. Donc l’historien peut montrer pourquoi dans l’histoire, alors qu’au moment de la révolution française, ces deux dimensions de figuration et de mandat étaient très séparées, pourquoi peu à peu, elles ont été agglomérées, avec le développement des grands partis politique de masse et de classe et pourquoi aujourd’hui, il y a cette dissociation qui est devenue croissante. Cette dissociation croissante produit des effets explosifs dans l’ordre politique.[…]

Il ne s’agit pas de revenir en arrière. Il s’agit de voir que les partis sont redevenus de purs partis machines. Des partis avec peu d’adhérents, des partis uniquement d’élus et des partis du même coup, principalement tournés sur les mécanismes de la machine et plus du tout tournés vers l’expression de la société. C’est pour cela que je pense que l’heure n’est plus à une institution qui puisse remplir toutes ces fonctions, mais qu’il faut peut-être trouver les moyens de remplir différemment et séparément cette fonction de représentation de la société. Historiquement, les syndicats avaient une fonction très importante sur cette question. […] Aujourd’hui ce projet de représentation de la société peut passer autant, sinon d’avantage, par le récit de vie, par l’enquête sociale, par aussi le roman que simplement par la délégation à l’ancienne. Parce que l’on voit bien que si le langage politique est devenu un langage mort, qui ne fonctionne plus au sens où il ne mord plus sur la société, c’est que les mots qu’il dit ne correspondent pas à l’expérience que vivent les gens. Or, la meilleur définition que l’on peut dire du langage démocratique, c’est qu’il doit donner forme et sens à ce que vivent les gens et ça, c’est aussi une des fonctions de la sociologie, mais c’est aussi une fonction du roman, c’est une fonction de l’enquête sociale. […]

Il faut développer une autre dimension de la vie démocratique. C’est que la vie démocratique elle est intelligibilité de ses problèmes et que la vie démocratique elle est une façon de faire vivre la réalité de la société pour la rendre appropriable.[…]Etre aliéné, c’est deux choses. La première, c’est d’avoir les idées de l’adversaire dans la tête. Mais la deuxième façon d’être aliéné, c’est justement d’avoir le sentiment que l’on vit dans le brouillard, que l’on vit dans un monde opaque, que l’on ne sait pas mettre des mots sur ce que l’on vit. Et ça je pense que c’est fondamentalement un travail démocratique aussi. C’est de contribuer socialement à ce que dans la société, des gens aient l’impression qu’ils comptent pour quelque chose et que leur histoire ne soit pas simplement sur le bord de la route, mais être quelque chose pris en compte, qui est raconté et qui ait une importance pour autrui. »

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