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Retour sur la journée Couleur à Brest métropole

4789419881_2cdd85e7ac_zMercredi dernier avait lieu toute une journée sur la couleur au Mac Orlan. Expression de notre volonté politique de placer le thème de la couleur dans la ville au cœur du débat public, cette journée fut l’occasion d’exprimer et d’entendre les différents regards portés sur une question sensible. Cette journée fut aussi l’occasion de tracer l’esquisse de façons de faire différentes, qui pourraient être portées avec les habitants dans les différents quartiers.

La couleur dans la ville n’est pas un sujet politique facile. D’abord parce qu’elle est probablement considérée comme secondaire, plus superficielle que les façades qu’elle habille. Mais aussi parce que sur le thème de la couleur, bienheureux celui qui arrivera à trouver un consensus dans la population sur la bonne méthode pour décider de la bonne couleur, au bon endroit !

Il existe pourtant bien une attente forte de la population pour avancer sur ce sujet. A Brest plus qu’ailleurs, il y a un besoin de couleur qui exprime comme un besoin de lumière (quelque peu contrariée par notre météo préférée). La couleur apporte de la gaieté et de l’identité, elle trace des lignes et de donne du relief. Elle permet aussi, lorsqu’elle est harmonieusement agencée, de créer des quartiers où il fait bon vivre. 

La question de la couleur met en tension deux cultures

Si le sujet est tendu (et il l’est !), c’est que ce besoin de couleur, cette culture de la couleur dans la ville vient souvent en opposition avec une autre culture. Une culture patrimoniale de la ville, une culture qui cherche à respecter et mettre en valeurs les intentions architecturales de l’histoire d’une ville. Cette culture n’est pas moins liée à notre identité, mais elle prend plus appui sur nos racines que sur les nouvelles branches fleuries de l’arbre.

Comme l’a évoqué Daniel Le Couédic dans son intervention, Brest fut une ville détruite par nos alliés et reconstruite sur ses propres ruines. Difficile alors de faire le deuil de l'ancienne ville et d’accueillir la nouvelle qui a pris sa place. L’histoire montre comment Brest a tout les atouts pour plaire, mais a tant de mal à être acceptée par ses propres habitants.

Les regards changent avec le temps et les générations. Les grands travaux du centre ville ont redonné des perspectives. Tout le travail fait par des photographes amateurs comme professionnels sur notre ville témoigne aussi d'images que nos propre yeux oublient parfois de saisir.

Mais même si je ne doute aucunement de leur attachement fort et sincère à leur ville, les brestois restent souvent les premiers critiques. Ce sont eux qui parlent de leur ville avec le plus d’ironie et de cynisme parfois. Comme si celle-ci ne pouvait égaler avec d’autres. Il n’en est rien. Nombre de personnes venant de l’extérieur de Brest ne partagent pas ce jugement et découvre Brest avec un regard émerveillé. Cette ville, accrochée entre verdure et rade, a certes un centre ville plus moderne, plus géométrique, plus homogène, mais reste néanmoins cohérente et attachante parce que reliée à une histoire qui lui donne du sens.*

Ce déficit d’estime de nous-mêmes pour le patrimoine de notre ville renforce probablement l’aspiration que l’on entend pour une ville plus en couleur. Pour autant, je crois que les deux cultures ne sont pas incompatibles et que nous devons à la fois travailler sur le respect de ce patrimoine, correspondant à celui de nombreuses villes reconstruites dans le monde après un conflit, tout en s’autorisant de la couleur.

La journée a montré qu’il existe de très belles restaurations d’immeubles anciens qui jouent avec la couleur pour faire ressortir les lignes, les reliefs, les intentions de l’architecture du bâtiment. La couleur joue alors un rôle de révélateur du patrimoine, met en valeur le bâtiment et probablement lui en donne aussi.

Le difficile traitement de notre espace public vertical

4789846124_463eeaa2c8_zLoin d’être un sujet réservé aux dessins des enfants, la couleur des maisons, des immeubles est un vrai sujet. La façon dont nous habillons nos façades n’est pas moins un élément de l’espace public que la façon dont nous fabriquons le reste : rues, jardins, places, etc … Il y a bien une partie de l’espace public qui est horizontale et une autre verticale. La qualité d’un quartier est le travail sur l'ensemble, en même temps.

La première difficulté vient de la question de la propriété et de la décision. L’espace public horizontal relève largement de la propriété et de la décision publique, quand l’espace public vertical relève majoritairement d’une propriété privée et d’une décision très éclatée (différents propriétaires ou coppro).

Seconde difficulté réelle (et cela n’a pas été démenti par cette journée riche d’échanges), « tous les goûts sont dans la nature ! » Ce qui est beau pour les uns, ne l’est pas forcément pour d'autres. S’il y a des consensus qui se trouvent facilement sur l’absence de beauté de murs sales et non rénovés, il n’y en a pas sur la façon de les rénover et la couleur adéquat. Un intervenant faisait d’ailleurs remarquer que la multiplication des couleurs est un phénomène récent. Historiquement, la palette de couleurs de peintures accessibles pour rénover les murs des maisons était réduite, tout simplement parce que les peintures facilement réalisables par les habitants étaient souvent dans les mêmes tons. La modernité ne nous facilite pas la tache !

Enfin, et comme l’a très bien montré Sébastien Chambres dans son intervention improvisée, face à des réactions d’habitants sur des exemples pris dans leur quartier, une couleur n’est pas absolue. Elle est souvent attachée à une intention, qui varie en fonction de nos propres représentations. Ainsi, certaines maisons jaunes étaient appréciées quand d’autres non, parce que le voisinage analysait d’une autre façon l’intention du voisin. De même, alors que des habitants expriment une demande de verdure dans la ville, un lavoir dont la surface est parfaitement verte du fait de son eutrophisation, est considéré comme laid. La couleur abrite une forme de représentation qui va plus loin que ce que voient nos seuls yeux.

Comment sortir des paradoxes et des contradictions sur la couleur ?

La question est maintenant de savoir comment s’emparer politiquement d’un sujet où il y a une forme de consensus pour dire qu’il faut bouger, mais où chacun imagine son propre point d’arrivé !

Souvent dans le débat a-t-on entendu « c’est aux élus de définir la politique sur la couleur », « c’est aux élus d’améliorer la situation », mais paradoxalement on a aussi entendu : « je ne veux pas que la collectivité m’impose des couleurs », « j’ai le droit de choisir pour ma maison ».

Comme souvent dans le débat public, les élus font l’objet d’injonctions paradoxales et contradictoires ! C’est à eux de régler les problèmes, mais chacun exige de rester libre de son choix … Alors, comment fait-on ?

69ef848239c219936b2d24fcf7c48a36La réponse vient probablement de ceux que nous avons appelé les « frondeurs de Kérigonan », représentés hier par Laure Dosso, une habitante du quartier membre du CCQ. Ces habitants ont discuté ensemble d’une envie de colorisation de leurs façades, avec des couleurs vives qui donnent un coté rue irlandaise à ce quartier devenu très prisé les photographes. Ils n’ont pas demandé d’autorisation particulière pour se lancer dans l’aventure et si le résultat dépends du gout de chacun, force est de constater qu’ils ont donnée l’envie à d’autres de se lancer.

Mais ce que nous apprennent ces habitants n’est pas qu’une question de couleurs, mais une question de vivre ensemble. La réussite de leur projet ne vient pas tant de la peinture que de leur capacité à s’interroger et à discuter ensemble de ce qu’ils voulaient faire. Comme cela a été dit : « lorsque l’on repeint sa maison, celui qui en profite le plus, c’est le voisin d’en face. C’est important aussi d'entendre son avis ». Tout est dit : une maison dans la ville n’est pas isolée et la beauté d’un ravalement tient autant à la couleur choisi qu’à l’association avec celles d’à coté. Pour que les couleurs se parlent, il faut d’abord que les voisins se parlent !

Pour le futur, une belle façon de faire serait que les Conseils de quartiers de Brest (ou ceux des communes de la métropole) trouvent des micro-quartiers où cette question mobiliserait les habitants. Puis qu’un travail soit organisé avec eux, avec l’appuie de la métropole, pour qu’ils choisissent leurs couleurs ensemble. Le service de Conseil architectural et urbain de Brest métropole est disponible pour éclairer leur décision par des éléments de compréhension de l’histoire du patrimoine de leur quartier, pour donner des exemples de ce qui a pu se faire ailleurs et enfin, pour proposer des pistes de réflexion sur des associations de couleurs. Au final, ce serait aux habitants de décider ensemble de leur projet de couleur de quartier.

Contrairement à une rumeur bien rependue, en dehors des zones de protection du patrimoine liées à un monument historique, les habitants sont libres de choisir les couleurs de leur maison. La seule limite est celle posée par la loi qui demande une assez subjective règle « de bonne intégration des travaux à l’environnement existant ». Au-delà d’une loi sur la couleur, il s’agit bien aussi d’une règle de bon voisinage, afin d’éviter les excès et les conflits. Si des habitants sont en capacité à se mettre autour de la table et décider ensemble de ce qu’ils veulent pour leur quartier, il n’y a pas vraiment de limite à l’imagination !

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*Le même jour, une délégation du Ministère de la Culture était d’ailleurs à Brest pour travailler sur le classement de Brest sous le label « Ville d’art et d’histoire ».

Images : Adeupa (ici et ) et BrestLife (ici

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