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Terrorisme : la guerre de la pensée

Keep calm I m muslim not a terroristLe terrorisme n’est pas une guerre au sens propre, au sens historique du terme : entre états et armées, avec un objectif de lutte pour un autre territoire. Le terrorisme est avant tout une guerre de la pensée politique, instrumentalisée par la peur.

Le principe opérationnel du terrorisme, est la terreur. L’objectif est de marquer les esprits pour semer la terreur sur des actions revendiquées comme autant de victoires. Pour cela, tous les codes tombent. Toutes les lâchetés sont possibles voire nécessaires : attaquer les plus faibles, par surprise, pour que personne ne puisse plus se sentir en sécurité. L’objectif du terrorisme est d’atteindre trois objectifs : faire le plus de morts et de blessés, le faire savoir en le revendiquant (si possible avec un maximum d’images produites par les victimes elles-même) et faire que tout le monde se ressente potentiellement comme une cible.

L’objectif de Daesh n’est pas à court terme de conquérir des territoires en Europe. Les terroristes sont peu nombreux et, même si les images sont choquantes et les morts bien réels, ils sont aujourd’hui dans l’incapacité à nous infliger de lourdes pertes qui viendraient atteindre la capacité de la nation à se défendre, comme c’est le cas lors de conflits armés. Sur le fond, la stratégie de Daesh n’est pas de prendre notre territoire (ils ont déjà du mal à défendre le leur), mais de nous convertir à son modèle de pensée, qui est loin d’être que religieux.

La stratégie de Daesh en occident repose sur le concept de « réduction de la zone grise ». La « zone grise » est l’espace de coexistence entre croyants et incroyants, entre « fidèles et infidèles ». Un espace où les musulmans sont intégrés à nos sociétés, y trouvent leur place et s’y sentent chez eux. L’objectif du terrorisme est de réduire cet espace au profit de deux autres, celui de ceux qui les rejoindront dans une guerre du Califat contre l’occident et celui de ceux qui combattront ce Califat et tous ceux qui s'en rapprochent. Comme souvent dans les modèles politiques portés par des extrémistes, le modèle est binaire et tente de réduire tout ce qui ne l'est pas. Pour cela, l'acte de tuer n'est pas une fin, mais un moyen pour nous prendre à nos propres pièges. Il n'y a pas de victoire à tuer des faibles qui ne représentent pas en soi une menace. Il y a victoire des terroristes si cela conduit à produire de la radicalisation, de la discorde, si cela conduit à réduire un peu plus la zone grise. Les terroristes misent sur la préexistence d’un terreau xénophobe dans nos pays et de la fragilité de notre modèle démocratique face aux divisions politiques que la multiplication d’actes meurtriers et aveugles fera naître.

La guerre à laquelle nous faisons face est là, devant nous et en nous même. Elle est d’abord sur notre capacité politique à être résilient face aux chocs passés et à venir que provoquent des actes de terroristes que nous ne pourrons contenir en totalité, de par leur nature même. Elle est ensuite dans notre capacité à produire ce défi qu’est l’intégration réussie et apaisée des populations musulmanes (et plus globalement culturellement différentes), dans nos sociétés. Ces populations qui aujourd’hui partagent le destin national et dont les compatriotes sont les premières cibles et victimes de Daesh.

L’occident, la France a beaucoup d’atouts pour dépasser ce combat : une histoire, une richesse, des valeurs, un modèle d’intégration (avec le régime de la laïcité pour la France, par exemple). Nous avons aussi beaucoup de faiblesses : un modèle d’égalité en crise, une difficulté à se projeter dans l’avenir et à le désirer, une tentation de repli sur nous-même et la monté du populisme et de la xénophobie, dont l’écho est décuplé par nos capacités modernes à faire circuler images et mots.

Cet affrontement se joue aujourd’hui, ici, dans nos vies, dans nos choix, dans nos réactions face à l’impensable d’actes terroristes. Les combattants de Daesh n’attendent qu’une chose : que nous soyons nous-même les fossoyeurs de notre propre modèle. Ils attendent que nous répondions à la violence par la violence et que nous fassions des milliers de français musulmans et des musulmans dans le monde, les boucs émissaires des violences que les terroristes perpétuent.

Si l’État ne doit pas vaciller dans sa détermination à lutter contre la violence terroriste et tous ceux qui l’organisent, nous devons aussi comprendre qu’en tant que citoyens, nous sommes des parties-prenantes de ce conflit, de cette guerre de la pensée, contre celle de Daesh. Nous ne devons pas sombrer dans la radicalité, la division ou une réponse par toujours plus de violence. Au contraire, comme lorsque nous avons combattu le nazisme, nous devons garder l’éthique et les valeurs auxquels nous tenons et qui font ce que nous sommes et voulons rester. Certes, il convient de nous adapter et de protéger les nôtres, mais il convient surtout de réaffirmer nos objectifs d’unité, de concorde, de bienveillance et de paix.

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Sur la question de la zone grise, l'interview du 2 mai dernier dans Libération de Scott Atran est instructif 

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