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Les partis politiques sont-ils en crise ou en évolution ?

Wordcloud 3Dans une démocratie, le rôle historique d’un parti politique est triple. Il doit d’abord être un contenant : il rassemble des personnes partageant une même vision du monde, de la société. Il doit ensuite définir un contenu : il est le creuset d’un travail en commun pour élaborer une ligne politique commune à ses membres. C’est le programme politique qu’il souhaite mettre en place. Il doit enfin porter ce programme politique au travers de candidats aux élections, afin que ses ambitions puissent un jour se décliner en actions concrètes.

Cette réalité théorique vient aujourd’hui en confrontation avec celle que l’on observe de l’activité des partis politiques. Deux éléments sont venus bousculer cet édifice.

Le premier facteur d’évolution est probablement l’accélération et l’élargissement de la société. Notre monde va de plus en plus vite, tant dans la production que dans la communication. L’individu est aujourd’hui en capacité à capter très rapidement l’information qu’il souhaite et est aussi capable de la faire circuler, de l’échanger avec d’autres et donc d’interagir sur les évènements. Ces informations mettent en lien le très local avec le mondiale, ce qui donne une lecture tant partielle que complexe des enjeux et des propositions à mettre en face.

Bien utilisées, cette diffusion de l’information et cette capacité à interagir sur le présent sont plutôt des évolutions positives dans un fonctionnement démocratique. Toutefois, elles rendent aussi plus difficile la construction de programmes politiques sur le moyen ou le long terme, en vue d’une élection. Comment prédire l’avenir dans 5 ans, dans un monde en perpétuel changement ?

L’exercice est d’autant plus risqué que nous sommes arrivés dans une société qui n’oublie plus. Tout est enregistré et peut être opposé à ceux qui s’expriment. Cela conduit nécessairement à un affaiblissement d’un discours politique mobilisateur qui souhaiterait donner à voir un horizon désirable. D’autant que l’on pardonne plus facilement aux Cassandres de se tromper sur un horizon catastrophique, qu’aux optimistes d’avoir vendu une trop belle vision qui ne s’est pas réalisée ! Cela conduit à légitimer les oppositions, plus que les propositions. L’exercice prospectif qui constituait historiquement le moteur de la mobilisation politique a quasiment disparu. Il est devenu trop périlleux.

Qu’on le veuille ou non, cet état de fait conduit à ce qu’une plus large part des décisions politiques se prennent en temps réel et non plus sur la base d’un programme co-élaboré quelques années plus tôt. Cela préempte donc le second rôle des partis politiques, celui d’élaborer des contenus politiques pouvant être appliqués.

Le second facteur d’évolution est la bipolarisation de la vie politique. Celle-ci a conduit à la construction de partis de gouvernement « large spectre » en matière d’idées et de visons de la société, à gauche comme à droite. Ces grands partis, structurés pour donner le maximum d’efficacité dans la compétition électorale sont aussi finalement ceux qui ont aujourd’hui le plus de mal à faire adhérer. La diversité d’opinions en leur sein ne produit pas une image claire dans laquelle il soit possible de s’identifier. Trop de contradictions émergent pour que les citoyens s’y retrouvent. C’est donc au travers de personnes et à proximité d’une échéance électorale que la mobilisation se produit et non plus sur la durée autour d’un parti. Les grands partis voient ainsi s’envoler leurs adhérents, moins par des démissions que par un manque de renouvellement.

On le voit, les partis qui reposaient sur trois piliers ne reposent plus aujourd’hui que sur un. On pourrait leur jeter la pierre, mais je ne crois pas que cela serait juste. Les partis sont pris comme bouc émissaire des problèmes de la société alors qu’ils n’en sont que le reflet. La bonne santé des partis politiques tient autant des citoyens qui sont dedans que des citoyens qui sont en dehors et s’en désintéressent … si ce n’est dans les chroniques judicaires, comme pour mieux s’auto-convaincre de ne surtout pas y mettre les pieds !

Les partis ne sont plus ce qu’ils étaient, mais alors que sont-ils et quel pourrait-être leur avenir ?

Les partis restent des lieux privilégiés de rencontres et d’échanges, où l’on peut exprimer son opinion et en débattre avec d’autres. Le caractère « large spectre » des grands partis aura aussi finalement conduit à une plus grande liberté d’expression en leur sein, puisqu’une plus grande diversité existe. La ligne du parti reste celle qui est tranché à chaque congrès, mais elle repose sur une vraie diversité d’opinions et non plus sur un bloc monolithique idéologique.

Ce qu’apportent aussi les partis, c’est une méthode, une façon de faire, une façon d’échanger sur des sujets clivants. Aujourd’hui, la société admet moins la confrontation. Chacun se réunit plus en fonction de ses affinités et se quittent rapidement en cas de désaccord. On n’aime pas les sujets qui fâchent et on ne cherche plus vraiment en parler ensemble. Or savoir parler des sujets sur lesquels tout le monde ne partage pas une même opinion, c’est justement cela faire société. Savoir débattre ardemment sur un sujet puis se retrouver pour un enjeu plus grand, c’est cela le sens de la Fraternité. Dans un parti politique, à l’appui des plus anciens, on observe d’abord puis on apprend cela, et croyons bien que ce n’est pas inné !

Mais s’il n’y a plus de programme politique, alors les partis ne sont plus que des machines électorales sans moteur idéologique pour les faire tourner me direz-vous ? Les partis sont encore largement des lieux de discussion sur les valeurs, le sens et les propositions. Si les partis ne produisent plus la feuille de route opérationnelle des élus politiques, ils les nourrissent, ils en construisent l’ADN, c’est-à-dire un espace de pensée dans lequel ils prendront leurs décisions.

La dernière fonction des partis politiques est clairement aussi d’être un espace apaisé de rencontre entre des citoyens et leurs élus. Si les partis ne décident plus des programmes électoraux, ils nourrissent l’action publique, ce qui est très important. Un grand nombre d’élus participent à la vie de leur parti. Ce sont des lieux d’écoute, de feedback sur les politiques menées qui conduit parfois à infléchir des politiques. Mais ce sont aussi des lieux où le citoyen peut observer et comprendre la réalité du politique. Les élus peuvent y faire part de leurs positions, de leurs doutes ou de leurs questionnements, dans un cadre maitrisé et plus serein que l’espace public surmédiatisé. Cela permet plus facilement l’échange.

Aujourd’hui, le talon d’Achille des partis politique est celui de la société tout entière. C’est un risque de fracture. Trop peu de personnes participent, avec le risque d’un politique hors sol vis-à-vis des citoyens, mais aussi le risque que les citoyens ne comprennent plus ce qu’est vraiment la politique. Il est donc important que les partis de gouvernement élargissent leur rencontre avec les citoyens. Il faudra pour cela que les partis s’autorisent à changer certaines façons de faire, mais aussi que les citoyens acceptent ce que sont les partis politiques : des lieux imparfaits où se discutent les sujets en tension sur lesquels reposent notre société tout entière.

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