Lendemain d’élection
Loi d'habilitation : un travail bâclé

Le Parti Socialiste est mort. Vive le Parti Socialiste !

D'après les analystes, les commentateurs ou même certains responsables de notre parti un peu déroutés par les évènements, le Parti Socialisme serait mort. C'est probablement aller un peu vite en besogne. La victoire d'En Marche est une victoire en trompe l'œil, pour au moins trois raisons.

La première est que le parti En Marche a bénéficié d'une OPA médiatique du fait de sa nouveauté et de la personnalité d'Emmanuel Macron, décrite comme la seule alternative aux « vieux partis » et dans un second temps, au Front National. Dans les faits, ce discours seulement porté par de la nouveauté à venir est assez peu ancré sur des propositions concrètes dans l'esprit des électeurs. Il s'évaporera très rapidement avec le temps et l'exercice réel du pouvoir.

La seconde raison est qu'il s'agit d'un vote majoritaire qui concentre mécaniquement le pouvoir dans le parti arrivé en premier. La réalité des votes ne témoigne pas d’une adhésion, mais plutôt d'une fragmentation de l'électorat ayant voté et surtout une large abstention. Cette dernière traduit un manque de confiance vis-à-vis de toutes les propositions, y compris celles d'En Marche.

La dernière raison est que le parti En Marche s'est construit pour une large part sur de la croissance externe, prise sur les partis existants (plus de 45%). Pour gagner, près de la moitié des candidats En Marche ont été pris sur les effectifs des « vieux partis ». Un nombre significatifs des futurs élus de la majorité présidentielle sont donc bien des ex-membres du Parti Socialiste (33% des candidats ayant déjà été élus viennent des rangs du PS1). Preuve que le Parti Socialiste est bien encore une machine productive en matière de renouvellement !

Ces trois constats pour exprimer que l’avenir du Parti Socialiste n’est pas joué, et qu’il ne faut pas le caricaturer aux seules postures parisiennes. Par ailleurs, il ne faut pas continuer à surjouer la réalité du parti En Marche, dont il faut sonder objectivement la nature, quelques mois seulement après sa formation.

 

Si nous devions le définir aujourd'hui, nous pourrions dire qu'En Marche ressemble à un œuf.

La coquille : une belle enveloppe bien fine, bien lisse mais aussi fragile. D’une forme aérodynamique permettant de mieux passer au travers une opinion publique très défiante vis-à-vis du politique et des partis.

Le jaune : un cœur dense riche en calorie, constitué d'élus d'expériences aux dents longues, exfiltrés des autres partis et qui seront clairement demain le cœur de la machine. Avec n’en doutons pas une seconde, des enjeux de pouvoir, des vieilles méthodes : les vieilles ficelles qu'En Marche a tant critiqué pour apparaître différent.

Le blanc : le fameux « #LeRenouvellement », constituant les 2/3 de la masse, matière transparente protégeant le jaune, mais séparé de lui par une membrane invisible ! Le blanc est constitué principalement d'eau et de peu d'éléments nutritifs.

Aujourd’hui, En Marche est un œuf tout beau, tout frais sorti du cul de la poule (!), mais bien seul par rapport à son environnement politique extérieur sur lequel il s'est bâti, en nourrissant son rejet. Au fil de l'actualité, la température risque de monter. Nul doute que le blanc cuise en premier et que la coquille se fendille, si le choc thermique est trop fort. Pour en rire, nous pourrions dire que l'avenir d'En Marche risque fort de se situer entre l'œuf mollet et l'œuf dur, voire peut-être l'omelette ! Mais on peut compter sur la poule pour savoir pondre un autre œuf, si celui-ci se révélait trop peu fécond ... tout ceci n'est qu'un « mouvement », finalement. Au pays des égos, la mobilité est une vertu cardinale !

Si le parti En Marche paraît bien faible aujourd’hui au regard de la responsabilité qu’il s’est assigné, il a néanmoins tous les leviers pour réussir aussi. Il serait injuste de parier sur le seul échec de ce nouveau parti qui a eu au moins le mérite de faire bouger les lignes (ce qui peut être considéré comme un objectif politique en soi !)

Même si on a du mal à les distinguer dans leur discours aujourd’hui, il y a des initiatives qui pourraient être fécondes pour En Marche, mais aussi pour la politique dans son ensemble. Il s’agira pour eux de sortir de la posture qu'ils ont choisie depuis le début : une forme artificielle d'élitisme jeunisme, productive en matière de communication électorale, mais clivante vis-à-vis des autres élus et des autres partis. Ce discours peut trouver une résonance sur une lecture macro de la politique française, mais il n’a pas de vraie réalité lorsque l’on regarde plus localement. Cette attitude fort peu coopérative, basée sur le mirage d’un parti politique qui ne serait pas un parti comme les autres, les tient à l’écart. Il s’agira donc pour eux de s’affirmer comme parti à part entière dans l’écosystème politique. Mais il est clair que cela sera aller contre l'ADN qui les a constitués.

Comme le dit très bien Pierre Rosanvallon, la conquête du pouvoir mobilise des stratégies qui sont à l’inverse de celles qui constituent un bon exercice du pouvoir. Emmanuel Macron et En Marche ont réussi la première étape en s’affranchissant des règles qu’ils auront nécessairement à mobiliser pour réussir dans la seconde. C’est clairement un gros handicap pour eux, mais il n’est pas insurmontable, s’ils veulent s’en donner la peine et l’ambition.

Au final de cette élection, il semblait nécessaire de poser ces quelques faits sur le nouveau pouvoir. Emmanuel Macron n’est pas la réponse politique que nous attendons. Pas plus que Jean-Luc Mélenchon, il n’a une vision moderne et transformatrice de la société. Il a rénové les codes. Il a su tirer le meilleur profit d’une communication très marketée. Mais il n’y a pas de modernisme dans ce qu’il dit. Il se pose plutôt en garant des vieux modèles. Partant de la gauche, il renforce le pôle conservateur en se servant du terreau qu’a cultivé la droite depuis des années : « Penser comme les entreprises et pour les entreprises est plus moderne ». Mais c’est faux ! Faire du copier-coller du monde de l’économie n’est pas la réponse à ce XXIème siècle en crise, rempli de nouveaux enjeux.

Mais c’est facile de faire dans la critique en oubliant de passer par l’autocritique. C’est juste !

Je ne vais pas me lancer ici dans une longue autocritique car là aussi, cela est derrière nous et comme beaucoup, je n’aspire qu’à tourner cette page. Mais pour le dire comme je le ressens, les français ont probablement eu raison d’élire Emmanuel Macron. Nous n’avons pas été au niveau. Nous n’avons pas tenu collectivement la responsabilité qui nous incombait et c’est cela que les français nous ont exprimé (ceux qui se sont déplacés et ceux qui ont décroché dans l’abstention).

On ne peut pas d’un côté se faire porter au pouvoir et de l’autre le bloquer dans une cacophonie inaudible. On ne peut pas ensuite partir en campagne en s'inspirant du programme du candidat à notre gauche, quelque mois avant l’élection. On ne peut pas enfin, suite à l’échec de la présidentielle, repartir dans l’autre sens en se revendiquant du camp du gagnant (la macron-compatibilité n’existe que pour les candidats d’En Marche). Nous sommes devenus un bateau ivre, balancé au grès des vents et des vagues, sans barreur, sans cap et surtout, sans destination collective assumée.

Dans ce paysage sombre, il faut reconnaître l’effort de notre candidat Benoît Hamon à vouloir bouger les lignes et impulser des réflexions qui portaient du sens sur l'avenir. Mais le temps de la campagne n’est pas un temps pour faire passer de nouvelles idées, il est un temps d’adhésion des français à un programme, là où ils en sont. C’est en amont des élections que ce travail de réflexion doit être fait. Les partis ont démissionné de ce rôle d’éducation populaire, mais c’est pourtant bien à ce niveau-là que se trouve réellement la transformation sociale de notre société. Cette vision partagée qui se déclinera dans un second temps en actions concrètes dans un programme, puis une possible adhésion dans les urnes.

Nous avons failli. Nous nous sommes montrés tels que nous sommes aujourd’hui, dépourvus de projet et de vision politique partagée de l’avenir. Sauf à vouloir rester une boulle de flipper, bousculé entre les deux pôles opposés que sont devenus les insoumis et les marcheurs, nous devons faire émerger notre propre projet pour l’avenir. Ce n’est pas un objectif stratégique pour accéder au pouvoir. C’est juste notre raison d’être, notre rôle social, l’attente de notre électorat à notre égard. Nous ne pouvons pas les décevoir, car c’est par nous que la société gagnera en apaisement, en équilibre et pour finir en maturité. C’est cela l’ADN du socialisme. Je crois que c’est beaucoup plus simple qu’on ne le pense, si l’on arrive à se remettre en cause et à commencer par le bon bout.

A nous de choisir notre destin. Nous pouvons faire le choix de chercher des responsables à notre situation présente et continuer dans la division, sans tirer de leçons et surtout sans porter d’espoir en l’avenir. Ou alors, nous pouvons grandir et apprendre à faire coopérer nos diversités comme autant de richesses pour imaginer l’avenir que nous aimerions léguer. Aucun doute que nos pères fondateurs nous auraient guidés dans ce sens !

Nous sommes le Parti Socialiste. Peut-être pour les besoins de l’histoire (et du marketing politique de notre époque !) devrons-nous un jour changer de nom, mais ça c’est un détail. C’est notre identité dans ce XXIème siècle qu’il nous faut redéfinir car personne d'autre ne le fera pour nous. Je crois que c’est une très belle mission que les citoyens attendent de nous, ainsi que les générations à venir.

Alors, en marche derrière Emmanuel Macron ? Non, en route pour changer le monde !

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1/ Enquête du CEVIPOF de juin 2017 : Le profil des candidats investis par la République en Marche : un renouveau limité - Luc Rouban

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