Le Parti Socialiste est mort. Vive le Parti Socialiste !
Sept nuances de gauches

Loi d'habilitation : un travail bâclé

ImageDès le début de son mandat, Emmanuel Macron met en place la mesure phare du programme de JF Copé en réformant par ordonnances pendant l’été suivant son élection. Au travers de la loi d’habilitation nous ne pouvons qu'observer avec impuissance les contours de la réforme du travail que le gouvernement déroulera pendant la période de repos estival.

La méthode n'est pas sans rappeler les plans de licenciements fait durant l'été et pour lesquels les salariés se retrouvent bloqués devant les portes en revenant de leur repos annuel. Bien qu'autorisé par la loi, cette méthode et la période choisie est en soi une faute lourde de la part du gouvernement. Nous pouvions l'attendre des plus réac de Les Républicains, c'est finalement de Les Républicains En Marche que cela vient. Comme je le lis dans la nombreuse littérature syndicale que je reçois ces derniers jours sur ce sujet, la rentrée risque bien d'être caniculaire sur le plan social !

En tant que délégué syndical central et secrétaire d’un CE de mon entreprise, c’est aussi avec une grande vigilance que je regarde cette loi qui mélange des avancées positives, des modifications mineures, mais aussi des modifications majeures qui affaiblissent fortement le rapport de force entre les Représentants des salariés et leur Direction.

Il me semble qu'un point majeur concerne la fusion des instances de représentation du personnel. Des espaces de dialogue social qui sont le cœur opérationnel de l'expression des salariés dans l’entreprise.

« Le projet d’habilitation prévoit la fusion en une seule instance des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT. Cette instance pourrait en outre, sous conditions, négocier des conventions et accords d’entreprise ou d’établissement. […] Le projet prévoit la possibilité de limiter le nombre maximal de mandats électifs successifs. » Extrait Social Pratique du 10/7/17

La volonté initial de ces trois instances est justement de séparer les sujets pour éviter aux élus de tout faire … et donc de ne rien faire à la fin.

Dans les réunions de DP, les Délégués du personnel ont globalement pour rôle de soulever des questions de disfonctionnement ou de non-conformité des pratiques de l’entreprise avec le cadre règlementaire : règlement intérieur, accords, loi. Ils font remonter les problèmes au travers d’un questionnement de la Direction.

Les Elus du CE ont une double caquette puisqu’ils gèrent les activités sociales et culturels du CE, mais aussi assure la représentation des salariés au sein du Comité d’Entreprise. Ce dernier a un large éventail de préoccupation qui vont de l'étude de la marche économique de l’entreprise, aux modalités d’organisations, en passant par les questions de rémunérations. C’est aussi le CE qui étudie tous les rapports : bilan social, bilan égalité, bilan formation, etc … Le rôle du CE est donc très large et vise à s’assurer de la bonne marche de l’entreprise dans sa globalité.

Les Elus du CHSCT ont un rôle très spécifique et ont souvent une formation qui va avec. Ils portent la responsabilité des enjeux en matière d’Hygiène et de Sécurité, auquel se sont rajoutées les questions de Risque Psychosociaux (RPS).

Pour ce qui concerne la négociation en entreprise, elle est aujourd’hui dévolue aux Délégué Syndicaux des syndicats représentatifs de l’entreprise. Elle se fait dans le cadre de réunions de négociations à « huis clos » qui débouchent (ou pas) sur des accords signés par une ou plusieurs organisations.

Quatre instances, quatre fonctions, quatre rôles bien différents pour des salariés souvent aussi au profil différents.

A noté que chacune de ces fonctions est souvent difficile à gérer entre les temps de délégation nécessaire à la préparation et à la participation aux instances et son travail opérationnel dans l’entreprise. Faire une "super instance" conduira soit à professionnaliser les salariés qui y siègeront, soit à saupoudrer les sujets et donc affaiblir le rôle de ces instances.

Il y a aussi un paradoxe à vouloir limiter le nombre de mandat dans le temps, tout en proposant de rassembler les trois mandat dans un seul et donc … de les cumuler !

Rappelons que les mandats dans l’entreprise sont moins long que ceux en politiques. Ils sont de 4 ans maxi mais peuvent être baissés par accord à 3 ou 2 années, en fonction des spécificités de l’entreprise. Limiter le nombre de mandat dans une "super instance" qui ferait tout, c’est assurément tirer une balle dans le pied des salariés qui manqueront de temps pour se former dans une fonction qui n'est souvent pas leur cœur de métier initial et souvent, fait en plus de leur travail.

Comme aujourd'hui, ces salariés devront toujours faire face à des Directeurs et des Responsable RH bien formés à l’exercice. On ne se décrète pas négociateur du jour au lendemain. On ne connait pas tous les accords et texte de loi par cœur. On n’a pas l’œil pour détecter les risques de sécurité dans les différents services de l’entreprise. Et enfin, défendre un salarié dans une procédure de licenciement face à la Direction ne s’improvise pas. Que cela plaise ou non, les représentants du personnel ou syndicaux possèdent des savoir-faire et des savoir-être qu’ils acquièrent par de l’expérience et cela prend du temps. C'est une bonne chose que ces fonctions se répartissent sur un nombre significatif de salariés et c'est aussi une bonne chose d'avoir des représentants du personnel de qualité avec qui discuter.

Enfin, quand une autre partie de la loi va expurger les accords de branche de leur pouvoir d’encadrement des accords locaux (primauté des accords d’entreprises), il parait très contradictoire d’affaiblir ceux que l’on charge de les négocier, sauf si l'objectif est justement celui-là.

Légiférer par ordonnance comme cela s’annonce est clairement une façon de bâcler le travail. S’il ne s’agissait que d’une mesure ponctuelle, cela pourrait se discuter. Mais la réforme du travail semble faire feu de tout bois au profit d'une simplification pour les Directions, sans prendre en considération les effets induits des mesures les unes sur les autres. Les salariés seront globalement les grands perdants de cette loi.

Conforme à l'idéologie que l'on voit poindre au sommet de l'Etat, le gouvernement veut renforcer le pouvoir des Direction et limiter ce qui fut le sens des lois Auroux de 1982 : la capacité d'expression des salariés. L'idée principale visait alors à rendre le salarié citoyen de son entreprise : " les travailleurs doivent devenir les acteurs du changement dans l'entreprise."

Cet été, les salariés seront sacrifiés sur l’autel de promesses de la création d’emplois, mais avec des mesures structurantes pour les rapports sociaux dans l’entreprise qui n’ont pas de lien avec les motifs évoqués. Cette façon de faire n’est pas acceptable.

Commentaires