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Présentation en conseil du budget 2018 de la ville de Brest

Elargissement de la Métropole : pourquoi, pour qui et comment ?

Pays de Brest 2018Suite à l’interview de François Cuillandre dans Ouest France le 28 février dernier où il expliquait sa vision de l’élargissement de la Métropole, j’ai été interpellé sur les réseaux sociaux par une personne cherchant à comprendre l’intérêt d’une telle opération. Voici en quelques mots ce que j’en pense.

On aurait tort de croire que l’idée de l’élargissement de notre Métropole est avant tout une histoire d’égo et de personnalité politique. Sur le plan politique (au sens des logiques partisanes), l’élargissement de la Métropole est plutôt une inconnue qui apporte de fortes incertitudes, voire des risques de basculement de majorité. Brest et la métropole sont à gauche, quand le reste des EPCI et des communes du territoire du Pays de Brest sont plutôt ce que l’on appellerait des « divers droits » (majorités de droite, non affiliés à un parti). Si on élargissait aujourd’hui d’un coup la Métropole au Pays de Brest, elle passerait probablement à droite. Ce n’est donc pas l’intérêt direct des élus politiques qui tire ce projet puisque les élus de gauche de Brest et de la Métropole sont pour cet élargissement, mais pourraient risquer d’être politiquement perdants lors de prochains scrutins.

Ce qui motive aujourd’hui ce projet, c’est bien une vision du territoire sur le long terme et notre capacité à continuer à exister à la pointe bretonne. Explications.

Le Finistère est un territoire peuplé. Avec ses plus de 900 000 habitants, il est le 24ème département français et si l’on enlève la région parisienne pour rester sur des logiques d’aménagement du territoire, il est le 15ème département le plus peuplé. Pour autant, nous restons à plus de 2h30 de la Métropole la plus proche (Rennes ou Nantes). Il nous faut donc penser une organisation territoriale qui prenne en compte les besoins des habitants de la pointe bretonne.

Depuis maintenant plusieurs décennies, l’aménagement du territoire français ne se fait plus sur la base d’une planification stratégique, mais sur un mode compétitif. On peut être pour ou contre (je suis plutôt contre), mais c’est un fait que nous devons prendre en compte. Aujourd’hui, pour avoir des financements supplémentaires pour des projets, il faut répondre à des « Appels à projets nationaux » et les critères d’acceptation de ces concours entre territoires prennent souvent en compte la taille ou le statut de l’EPCI pour ce qui relève du financement des grands équipements structurants. En clair, si on veut encore avoir des bons financements pour notre CHRU, notre université, notre port, notre gare, notre aéroport ou des voies de liaisons par exemple, il faut dès le départ répondre à certains critères et être dans la bonne case.

Après nous être largement battu contre une façon de penser qui nous excluait d’office, nous avons réussi à avoir officiellement le titre de Métropole dès 2015, ce qui nous a permis de rester dans le lot des grandes agglomérations, alors que notre Métropole n’a que 210 000 habitants. La barre était fixée à 400 000 habitants et de nombreux territoires ont été chercher d’autres communes ou ont même fusionnés pour atteindre ce seuil fatidique. Depuis d’autres collectivités plus petites ont rejoint le statut de Métropole comme Brest.

Nous avons réussi en conservant notre format historique, mais rien n’est acquis. Nombre d’élus de plus grandes villes (notamment l’ancien Maire de Lyon, devenu Ministre de l’intérieur) voient d’un mauvais œil l’existence de « petites Métropoles ». Ils aimeraient se partager les financements nationaux au sein d’un cercle plus restreint. Il nous faut donc avoir une grande vigilance sur l’image que nous donnons à l’extérieur, si nous voulons continuer à bénéficier de financements importants de la solidarité nationale sur les infrastructures lourdes, afin de maintenir notre territoire au bon niveau d’attractivité.

Pourquoi ne sommes-nous qu’à 210 000 habitants ?

Si l’on devait créer une métropole aujourd’hui autour de Brest, sur la base d’une structuration territoriale qui partirait de zéro, nous ferions sans nul doute directement une métropole à plus de 400 000 habitants. Parce que c’est la réalité de notre territoire de vie. Le territoire d’influence de la ville centre et de ses infrastructures (économie, transport, santé, éducation) est à cette échelle-là. D’ailleurs, la façon historique de définir le Pays de Brest, c’est de prendre les communes autour de Brest dont plus de 50% des habitants qui travaillent viennent le faire sur la Métropole. Il y a donc bien une interdépendance du territoire à cette échelle. Il y a aussi une communauté de destin. Si Brest et la Métropole perdent leur statut, c’est toute la dynamique du Pays de Brest qui en pâtira, pas seulement Brest.

Le hic d’aujourd’hui est paradoxalement notre point fort d’hier.

Notre territoire a été très en avance en matière d’intercommunalité et aujourd’hui, nous avons atteint un niveau de maturité et de stabilité sur les communes du Pays de Brest qui ne pousse pas vers la transformation des structures juridiques existantes. Notre CUB (Communauté Urbaine de Brest aujourd’hui devenue métropole de Brest) fut l’une des toutes premières de France, avec ses 8 communes. De même, les intercommunalités autour de la CUB se sont structurées au fils du temps pour donner aujourd’hui un bel équilibre territorial. La CUB a maintenu son avance vis-à-vis des autres grandes agglos françaises en intégrant très rapidement des compétences classiquement restées dans les communes au sein de l’EPCI : Espaces verts, Urbanisme, Voirie et RH sont rapidement montées dans les compétences de la CUB, contrairement aux autres qui sont restées sur les seules compétences obligatoires pour garder leurs statuts. Nous avons aussi créé des outils territoriaux intercommunaux (SEM, SPL, Syndicat mixte, associations) pour la gestion de la qualité de l’eau, les déchets, les Pompes funèbres, l’agence d’urbanisme. Nous avons été les premiers en France à reprendre la distribution de l’eau et de l’assainissement dans une Société Publique Locale (Eau du Ponant) afin d’en faire bénéficier un territoire bien plus large que la Métropole. Nous sommes depuis très longtemps un exemple à suivre en matière d'intégration. D’ailleurs, le jour où nous sommes passés au statut de Métropole, tout était déjà fait, alors que d’autres territoires ont été contraints à devoir transformer en profondeur leur fonctionnement pour accéder au statut de Métropole. Nous, nous étions prêts, depuis longtemps et cela fonctionne très bien.

Notre difficulté n’est donc pas de faire (nous savons faire), mais de bouger un point équilibre stable qui s’est installé avec les années sur le territoire du Pays de Brest. Rester comme nous sommes serait plutôt une situation confortable pour tout le monde, mais il faut s’attendre à ce que notre Métropole redevienne une Communauté Urbaine et qu’ensuite, nous n’ayons plus accès aux mêmes financements pour nos grands équipements. Après, la recette est simple et bien rodée : on baisse les financements, cela dysfonctionne, mieux vaut arrêter alors ! Et par un jeu de petites coupes successives, on perd nos éléments d’attractivité, on perd nos porteurs de projets, nos emplois, etc … On devient un territoire périphérique où cela reste sympa d’aller pour voir en été, mais où l’on ne s’y installe plus (ou moins) et où les entreprises ont encore plus de mal à recruter.

Avec le temps et si l’on ne se démène pas, on observera alors lentement mais surement une rupture au milieu de la Bretagne où les moyens seront concentrés sur l’axe St Malo / Rennes / Nantes, comme cela se préfigure déjà aujourd’hui. Au-delà de cet axe, on aura baissé les bras ! C’est contre cela que l’on se bat, pas pour une question de cloché ou d’égo politique. C’est toujours comme il y a bientôt 70 ans, pour que nos enfants puissent continuer à vivre et faire vivre l’ouest breton, sans être décroché du reste de la France.

Après, sur le comment faire cette grande Métropole à 400 000 habitants, il n’y a pas vraiment d’enjeu. On sait faire avec plus ou moins d’autonomie décisionnelle en fonction des sujets. Ce qui compte pour les élus, ce n’est pas vraiment qui fait, mais qui décide. A nous de nous organiser. Le sujet s’est déjà posé sur la Métropole et nous avons trouvé une organisation territoriale qui fonctionne bien. A nous de trouver la bonne façon de faire qui corresponde à des territoires plus éloignés et cherchant à conserver une autonomie sur certains sujets qu’ils considèrent stratégiques. Pour d’autres sujets plus techniques et moins politiques, ils seront ravis de les mutualiser, j’en suis sûr ! Et sur les questions de mobilité, c’est déjà une évidence de travailler à l’échelle du Pays de Brest. Le département a déjà fait beaucoup avec le car à 2 € (là aussi une première en France !), on peut encore aller plus loin.

Reste l’épineuse question de la fiscalité !

Les territoires autour de la Métropole ont posé leur attractivité historique sur un avantage concurrentiel en matière de fiscalité locale vis-à-vis de Brest et de la CUB, tout en promettant une proximité des équipements du territoire centre. Pas facile de revenir là-dessus, même si cela n’est plus autant vrai qu’avant en matière fiscale du fait de l'augmentation de la demande en service sur leurs communes, mais aussi en matière de proximité de la ville centre : l’augmentation des flux de voitures en entrées d'agglo fait perdre de la proximité au travers du temps de trajet.

Là aussi, il faut savoir avancer avec pragmatisme. On ne va pas augmenter les impôts brutalement, il faudra que la péréquation territoriale s’installe doucement, en fonction des choix collectifs et avec le consentement de chacun. Mais l’augmentation de l’assise fiscale sur les grands équipements est plutôt logique. Aujourd’hui, il n’y a pas que les brestois à venir au stade Francis Le Blé ou à la médiathèque des Capucins. Il n’y a pas que les habitants de la Métropole à envoyer leurs enfants à l’université, prendre le tramway dans Brest, aller au Quartz, à l’Aréna ou dans les piscines, prendre l’avion ou le train où même aller se faire soigner au CHRU. Pour autant, les quelques 200 000 habitants en dehors de la métropole de Brest ne participent pas autant au financement de ces équipements que les habitants de la métropole, alors que les revenus les plus modestes sont statistiquement sur les quartiers de Brest ! Ce n’est pas très logique et dans un contexte de rareté de l’argent public, cela risque de nous conduire à une situation non soutenable.

Ce n’est pas possible que 50% de la population d’un territoire ne participe pas au financement des grands équipements dont tout le monde profite à un moment ou un autre, tout en bénéficiant de la dynamique économique, là aussi soutenu par le territoire centre. Il y a un moment où cela casse, ou alors il faut retrouver de nouveaux équilibres, dans l’intérêt de tous. C’est cela aussi le sens de l’extension de notre Métropole, y compris au niveau fiscal.

Voilà, il y aurait plein d’autres choses à dire mais cette note est déjà assez longue ! Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une belle histoire à écrire et il est heureux que les élus d’un territoire comme la presqu’ile de Crozon osent faire le premier pas avec nous, vers ce futur grand territoire à écrire ensemble.

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En complément : Tribune de D.Moisan et L.Ramoné, respectivement maire de Crozon et président de la Communauté de communes de la presqu'île de Crozon et de l'Aulne maritime (CCPCAM), et maire de Lanvéoc et vice-président de la CCPCAM. 

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