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Nicolas Hulot, retour sur un échec programmé

1151037-hulotDrôle d’oiseau que ce Nicolas Hulot ! A défaut d’avoir impulsé de réelles actions de fond pour l’environnement au sein de ce gouvernement, il aura réussi à marquer les esprits par sa sortie. Une semaine après l’annonce de sa démission en direct sur France Inter, il est intéressant de regarder pourquoi son action n’a pas fonctionné et d’en tirer aussi quelques enseignements.

Je ne me permettrais pas de critiquer la sincérité de l’engagement de Nicolas Hulot. C’est une personnalité engagée qui a ses travers, mais que j’apprécie. Je l’avais dit au début de ce gouvernement, c’était le seul ministre sur lequel quelques espoirs étaient permis. Dans son intervention sur France Inter, je partage une large part de ses inquiétudes et de ses indignations. Mais on a aussi pu sentir l’isolement dont il a souffert et l’incompréhension qu’il a affronté au regard de l’indépassable feuille de route jupitérienne. Je ne crois pas que Nicolas Hulot ait manqué de sincérité dans son engagement, mais de lucidité, certainement.

Une part de son échec tient dans la croyance qu’il a eu de sa capacité à créer un mouvement autour d’une question, certes centrale et essentielle pour notre espèce, mais clairement pas placée au bon niveau des agendas politiques autant qu’individuels. Quand il dit qu’il n’avait personne derrière lui, il n’a pas tort. Est-ce pour autant que le sujet ne concerne pas ? Je ne le crois pas. Mais il a sous-estimé trois conditions de réussites fondamentales. 

La première est d’avoir cru que le gouvernement Macron/Philippe porterait des propositions auxquelles il aspirait. Je n’épiloguerai pas sur ce point où beaucoup a déjà été dit. La ligne politique actuelle de la France n’est pas à une remise en cause du modèle économique qui a produit ce que nous observons avec désespoir aujourd’hui. Il y avait clairement une erreur de casting, dès le départ.

La seconde limite à son raisonnement est de considérer la primauté de la question écologique au regard du reste. Il le dit, les autres politiques devraient devenir secondaires face aux enjeux environnementaux. Je crois qu’il commet là une erreur de jugement non pas sur le diagnostic, mais sur les façons de traiter le problème. Si je partage avec lui l’urgence des réponses à apporter sur le climat et la biodiversité, je pense que ne pas prendre en considération le reste amènera inéluctablement vers un blocage.

Il faut le dire et le répéter, les questions environnementales ne trouveront jamais de réponses satisfaisantes (j’entends par « satisfaisantes » : hors autoritarismes et/ou conflits) sans traiter au préalable la question des inégalités, aussi bien à l’échelle planétaire qu’aux échelles les plus locales. L’acceptation des efforts à faire pour répondre aux enjeux environnementaux ne sera possible qu’à la condition d’un ordre social juste et accepté, par la très grande majorité.

Souvenons-nous que la dégradation de l’environnement est la conséquence de notre développement économique et qu’il fut asymétrique à toutes les échelles. A l’échelle planétaire, les pays en attente de leur développement économique n’acceptent pas les contraintes environnementales poussées par les pays développés, pour atténuer un dérèglement climatique très largement induit par leur mode de vie actuel. Idem au plan plus local, où n’importe quel citoyen lambda sait intuitivement qu’un propriétaire de yacht salira plus la planète qu’il ne pourra jamais le faire.

Dans une société donnée, il y a une relation linéaire entre revenus/patrimoines et empreinte écologique. Demander au quidam de faire des effort sans se poser la question de la limitation des excès les plus ostentatoires est juste un plafond de verre infranchissable dans le changement. Seules des personnes très militantes arrivent à s’en affranchir. Mais les nations ne sont pas constituées d’une majorité de militants, surtout quand on les sature en publicité aux logiques individualistes et consuméristes !

La question de la lutte contre les inégalités et de la mise en place d’un contrat social accepté est, si ce n’est un préalable, à minima une question conjointe au rétablissement d’un bon équilibre écologique.

Le dernier malentendu est finalement en lien avec la question précédente, mais touche directement le principal intéressé. La déclaration de patrimoine de Nicolas Hulot à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique fait bien état de 5 logements et de 9 véhicules. Qu’importe qu’ils soient électriques ou non, qu’il y loge ou pas. Cela fait beaucoup comme empreinte écologique pour un défenseur de la planète. Si la politique est la construction du sens, Nicolas Hulot a la force de ses convictions et de son militantisme, mais il pouvait difficilement incarner ses propres paroles avec ce patrimoine à son actif.

Serait-ce un crime que d’être riche et d’avoir du patrimoine me dira-t-on ? C’est une bonne question que devrait se poser Nicolas Hulot, au regard de son combat et que nous devrions tous nous poser.

Les anglosaxons parlent de « Carbon pie » pour imager la capacité finie de notre planète à accepter les excès de CO² et la distribution des parts (du gâteau) par pays ou par humain à produire du carbone dans sa vie. Cela ramène encore à la question des inégalités, non plus en terme d’euros ou de dollars, mais de droit à polluer la planète. Nous ferions bien d’y réfléchir.

Le XXème siècle a été le siècle des libertés. Pour ce XXIème siècle, nous devrions peut-être considérer la question de l’égalité de l’accès aux ressources finies … la question de la fraternité est peut-être bien au bout.

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