Toute affaire a une fin, quelle qu’elle soit. Comme j’ai pu l’annoncer, ceci sera probablement la dernière note que j’écrirai au sujet de l’affaire Vivre à Brest. Je crois avoir dit ce qu'il y avait à dire, entre le livre et les différentes notes que j’ai pu écrire au cours du déroulé judiciaire (retrouver tout ici).
Pour conclure, je souhaitais laisser la parole au principal et dernier intéressé par le sujet : le maire de Brest, monsieur Cuillandre. Sans le vouloir, il a lui-même exprimé la seule conclusion respectable pour lui, dans cet extrait collector [1] qui a été immortalisé lors de la première conférence de presse [2], le 26 novembre 2018, seulement cinq jours après que l’affaire éclate.
Lors de cette conférence de presse, en dépit de toute précaution pour la présomption d’innocence, monsieur Cuillandre chargea de toutes ses forces Alain Masson. Dès l’introduction de son propos, il insista d’ailleurs pour renommer l’affaire Vivre à Brest comme « Affaire Masson » (voir article du Télégramme et argumentaire écrit de cette conférence de presse, qu'il me donna juste après, ici). Mais, là ne sont pas les paroles qui vont marquer cet entretien.
Plus loin dans son propos, il va clairement se disculper lui-même et affirmer haut et fort pourquoi il a demandé à Alain Masson sa démission :
« La question n'est pas que juridique, elle est aussi politique et éthique. Elle est éthique. Je le répète, depuis que je suis maire, mes indemnités m'étaient versées directement et non par l'association, ce qui ne m'empêche pas d'être à jour de mes cotisations à mon parti politique. Je n'y avais donc aucun rôle. Néanmoins, je crois que ce qui a été révélé dans la presse de mercredi dernier n'est pas, à mes yeux, acceptable. Alain Masson a reconnu ces jours derniers avoir perçu, au sein de l'association, une indemnité supplémentaire, mais une indemnité illégale. Il y a des règles en matière de plafond d'indemnité. Et donc, il a dépassé le plafond autorisé par la loi. […] C'est la raison pour laquelle, j'ai demandé à Alain Masson de démissionner. »
Aujourd’hui, nous savons que monsieur Cuillandre a menti en affirmant n’avoir aucun rôle dans l’association, puisqu’il a lui-même reconnu et été condamné pour un « recel d’abus de confiance ». Il a aussi menti en affirmant n’avoir rien perçu de la caisse noire [3]. A l’instar de ce qu’il dénonce alors pour Alain Masson, le bouc émissaire idéal, il n’est pas moins sous le coup de la règle du plafond des indemnités si l’on cumule les sommes qu’il a perçues en indemnité (déjà au plafond légal), et ce qu’il a perçu de l’association au cours des 17 années. Enfin, nous savons par ailleurs que monsieur Cuillandre a encore menti une troisième fois, en affirmant être à jour de ses cotisations à son parti politique. Il y a même un impayé exorbitant [4].
Au-delà de cette déclaration publique face caméra, près d’un an plus tard, le 1er octobre 2019, lors du débat interne au Parti socialiste qui m’opposa à monsieur Cuillandre pour la tête de liste aux municipales de 2020, des militants le questionnèrent sur le risque qu’il puisse être mis en examen. Très sûr de lui et avec un sourire aux lèvres, il répondra : « Si je pensais courir le risque d’une mise en examen, je ne me présenterai jamais devant vous. » Seize jours plus tard, le 17 octobre 2019, il fut mis en examen.
Dix-huit jours plus tard, le lundi 4 novembre 2019, après une pathétique conférence de presse au PS Brestois (ici), monsieur Cuillandre annonça qu’il maintenait sa candidature pour les municipales. Lors de la réunion du Comité de ville qui suivit et que je présiderai pour la dernière fois avant de donner ma démission, des adhérents socialistes inquiets le questionnèrent sur sa décision. Après avoir vilipendé la juge d'instruction qui ne comprenait rien à la politique, les journalistes qui voulaient sa peau et le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure, qui ne voulait pas lui accorder l’investiture, très sûr de lui encore, il réaffirma son innocence et rassura les militants en déclarant : « Si je suis condamné en correctionnel, je démissionnerai ». Le 12 février 2022, nous apprendrons que le parquet avait requis un renvoi en correctionnel de monsieur Cuillandre pour recel d’abus de confiance. Ce dernier a ensuite reconnu les faits en plaidant coupable, le jeudi 16 novembre 2023 (ici et là), afin de s’éviter un procès public et une confrontation avec des parties civiles qui avaient travaillé le dossier et en connaissaient long sur l’affaire.
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Alors, je crois que ce sont ses propres paroles qui expriment le mieux la situation dans laquelle il est aujourd’hui. Les paroles qu’il a lui-même exprimées envers Alain Masson, le condamnant sans procès équitable à la fin que nous connaissons.
Monsieur Cuillandre, « la question n'est pas que juridique, elle est aussi politique et éthique. Elle est éthique. » Les hommes politiques comme vous ternissent la parole publique, font monter la défiance envers nos institutions politiques et construisent le lit de l’arrivée du RN au pouvoir. Vous donnez l’exemple, le mauvais exemple. L’exemple qui conduit nos concitoyens au cynisme et à la résignation face à un pouvoir accaparé par des rentiers. Des élus sans plus d’ambition et de vision politiques, si ce n’est pour se maintenir au pouvoir, aux affaires, encore et toujours. Vous desservez la cause que vous dites servir. Tout n’est plus que mensonge, si la parole d'un élu se mélange en permanence entre vérités et contrevérités démontrées.
Comme vous l’avez fait sans une once d’hésitation ni regret lorsqu’il s’est agi d’Alain Masson, pourtant alors présumé innocent contrairement à vous aujourd’hui, je vous demande de mettre en accord vos paroles et vos actes. Je vous demande de démissionner.
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Pour ma part, ce sera le mot de la fin de l’Affaire Vivre à Brest sur ce blog. Connaissant l’éthique et le rapport à la vérité du maire délinquant qui siège aujourd'hui à Brest, j’ai parfaitement conscience que la probabilité d’un accueil positif de ma demande est proche de zéro. Mais je crois qu’il fallait que quelqu’un dans cette ville ait le courage de dire tout cela et fasse la demande claire d’une démission. C'est une question de principe envers tous les citoyens qui espèrent pouvoir encore croire dans la politique. C'est aussi une question de devoir envers toutes les nombreuses personnes qui pensent comme moi, sans plus pouvoir l’exprimer dans ce qui pourrait être aujourd’hui appelée, l’omerta brestoise.
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[1] J’ai déjà évoqué cet extrait collector dans ma toute première note de l’affaire (ici). Voilà qui permet de boucler la boucle !
[2] Vous pouvez retrouver l’article de la conférence de presse, ainsi que la vidéo du Télégramme sous le lien ici
[3] Vous pouvez retrouver dans le livre l’ensemble des éléments de l’enquête sur les bénéfices de monsieur Cuillandre, mais aussi dans deux notes plus synthétiques sur ce blog : Trois vérités qui auraient mérité une audience correctionnelle et L’histoire de la Caisse noire.
[4] Par suite d’une commission rogatoire de la juge d’instruction vers la Fédération du Parti Socialiste Finistérien, il a été révélé que monsieur Cuillandre n’a pas payé ses cotisations d’élu durant de nombreuses années à son parti, alors qu’il en fut le premier secrétaire. Le montant des impayés de cotisation est évalué à environ 50 000 € sur les seules années couvertes par l’enquête. Il est donc pour le moins cocasse que l’intéressé affirme « être à jour de mes cotisations à mon parti politique », sans la moindre honte. Cela témoigne tout à fait du sentiment d’impunité de ces élus et de sa réalité, puisque le Parti Socialiste l’a soutenu malgré cela ! (lire ici)
Samedi dernier, j’avais l’intention d’assister à une réunion organisée par un collectif de citoyens qui s’opposent à la construction du nouveau stade au Froutven. Ayant été informé par un membre du collectif qui m’avait interrogé sur mes notes concernant le financement du stade (ici), j’avais décidé d’aller écouter leurs arguments.
À ma grande surprise, la maison de quartier de Coataudon à Guipavas était fermée lorsque je suis arrivé pour la réunion. Deux jours plus tôt, le maire avait retiré le droit d’utiliser ce lieu public pour la réunion. Le Collectif devait se suffire du parking pour expliquer l'annulation de la réunion.
La raison invoquée par l’édile de Guipavasien était de ne pas avoir été mis au courant de la nature de la réunion et de supputer qu’elle allait être une source de désinformation. Il avait également justifié l’annulation de la réservation par la nécessité de maintenir l’ordre public.
L’ordre public à Guipavas semblait-il être en danger, par ce froid samedi matin de janvier ? Si une trentaine de personnes calmes, principalement des retraités et des habitants, se réunissant pour discuter peuvent perturber l’ordre public, je me demande comment le maire qualifie les blocages des agriculteurs ayant cours en ce moment… Une troisième Guerre mondiale, probablement !
Idem, au-delà de cet Armageddon tant redouté à la maison de quartier de Coataudon, que penser d’un maire refusant que des citoyens organisent une réunion, sous le prétexte qu'il la juge comme de la désinformation, avant même la réunion. Va-t-il interdire toutes réunions politiques qui ne seraient pas en ligne avec sa pensée ?! Cela en dit long sur la nature du régime politique à Guipavas dans la période !
Il est clair que derrière ces arguments fallacieux et déplacés, se cachent des enjeux financiers importants autour du projet de stade. A l’instar du président de la métropole, le maire de Guipavas semble vouloir protéger à tout prix le grand stade LE SAINT / ARKEA, au Froutven, et les intérêts moins footballistiques qu'économiques et financiers qui se cachent derrière.
Avant la réunion, le collectif avait publié et distribué aux habitants de Guipavas un tract d’invitation contenant les questions auxquelles ils souhaitaient apporter des réponses (voir ci-après). La réunion semblait d’ailleurs moins relever d’un débat que d’une information publique aux habitants.
J’avais lu le tract et les 14 questions posées, avant la réunion. A part une ou deux auxquelles je ne connaissais pas la réponse, toutes les autres apportaient des éléments factuels, conformes à ce que les porteurs du projet et la métropole avaient eux-mêmes annoncés lors des différentes conférences de presse données depuis un an. Rien de nouveau, rien d’explosif, juste des interrogations et une mise en perspective, au regard d’autres enjeux que les seuls exprimés par les porteurs du projet.
Le but de ce Collectif est de questionner la pertinence de la construction d’un nouveau stade, préférant une rénovation du stade Francis Le Blé (comme cela se fait dans d’autres villes). Une option tout à fait possible, mais aussi et surtout beaucoup moins chère. Une étude de 40 000 € a été réalisée par la métropole sur le sujet. Elle semble estimer cette rénovation tout à fait faisable pour un coût de 50 millions d’euros. Cependant, malgré le caractère public du document, puisqu’il a été payé avec nos impôts, le président de la Métropole refuse de le rendre public, sans aucune raison objective à cela (si ce n'est risquer de montrer qu'un nouveau stade est une gabegie d'argent public). Il y a donc bien quelque chose qui cloche. « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », nous disait bien une certaine Martine Aubry !
Museler une réunion publique de citoyens qui ont simplement un avis différent et cacher des documents d’analyse publics qui permettraient à chacun de se forger sa propre opinion témoignent clairement d’une dérive autoritaire dans la gouvernance de la métropole autour du projet d'un nouveau stade.
Ce projet, prétendument privé, mais financé en majeure partie par des fonds publics, coûtera le double d’une rénovation de Francis Le Blé (130 M€ contre 50 M€, soit 160 % de plus). Par ailleurs, il continuera à grignoter inutilement des terres agricoles. Ce projet au Froutven n’a pas de sens tant pour la bonne utilisation de l’argent public que pour les enjeux écologiques. Le seul intérêt (non-dit) est d’offrir un cadeau à des acteurs privés du territoire, pour plusieurs décennies. De l’argent qui pourrait être bien mieux utilisé pour d’autres rénovations publiques dont notre territoire a grand besoin : gymnases, écoles, maisons de quartier, maison de santé, sécurité, etc…[1]
Cette réunion publique devrait être reprogrammée dans les prochains jours. Je pense que j’y serai !
Ci-dessous, le tract annonçant la réunion publique et les questions fort légitimes mises au débat.
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[1] Je vois déjà des élus s’esclaffer en répondant qu’il s’agit là de politiques municipales, quand le nouveau stade doit être financé par la métropole. La belle histoire ! C’est oublier un peu le transfert de 15 M€ que la ville de Brest a annoncé faire à la métropole, soi-disant pour le couteux tramway, mais qui correspond quasi exactement au montant que la métropole compte mettre dans le nouveau stade. L’adjoint et le vice-président aux Finances que je fus sais pertinemment que le budget de ma métropole est fongible, c’est-à-dire que les rentrées ne sont jamais associées à des dépenses, l’argent est liquide.
Alors, un nouveau stade réellement financé par la Métropole ... ou la Ville de Brest ?
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Je dois bien l’avouer, je fus quelque peu surpris de découvrir une écriture bien connue sur l’enveloppe d’un courrier reçu dans ma boite aux lettres. J’avais déjà reçu des courriers d’avocats de sa part (ici), mais pas de courrier personnel, signé de sa main.
Alors même que le jugement de l’affaire Vivre à Brest n'était pas encore acté, la lecture de cette lettre ne fut pas sans me questionner, tant sur le but poursuivi par son auteur que sur sa réelle compréhension de l’affaire Vivre à Brest.
La lecture de la première partie laissait peu de doute sur l’intention déjà prise de plaider coupable et sur des discussions probablement déjà en cours avec le procureur qui avait, quelques semaines plus tôt, pris la parole dans la presse pour préparer les esprits. Lorsque l’on sait aujourd’hui que la condamnation ne fut que de 3 000 € fermes, autant dire que la négociation n’a pas été trop rude.
À la réception de ce courrier, il me fut déconseillé d’y répondre avant le jugement. J’ai donc gardé pour moi ce témoignage de l'état d’esprit du maire. Ce courrier révèle le peu de considération qu’il a pour la réalité des faits qui ont été révélés par l’enquête et que j’ai, pour une très large part, déjà expliqués dans un livre et sur mon blog.
Maintenant que l’affaire est close et qu’il est temps de refermer ce dossier, j’ai souhaité répondre à celui qui m’avait écrit afin d’argumenter point par point les contrevérités qui sont exposées dans le courrier. Faute de procès public en correctionnel comme l’avait requis la juge d’instruction, chacun repartira avec sa vérité.
Comme à son habitude, je ne doute pas qu’il ait largement fait lire sa prose à ceux qu’il souhaitait convaincre ou influencer, en se posant en victime et en traitant ses opposants de gens haineux. Je fais donc de même en rendant publique ma réponse ci-dessous.
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Thierry FAYRET
A François CUILLANDRE
Objet : réponse au courrier de monsieur CUILLANDRE
Monsieur,
Avant de refermer le dossier de l’affaire Vivre à Brest, je souhaitai répondre au courrier que vous m’avez envoyé à mon domicile, en mai dernier. Vos propres écrits sont probablement le meilleur témoignage de l’homme que vous êtes devenu. Je ne sais pas qui vous cherchiez à convaincre en m’écrivant, probablement que vous.
Pour m’en avoir fait lire quelques-uns à une autre époque, je connais les usages que vous faites de ce genre de courrier que vous écrivez à vos opposants. Vous les montriez ensuite à vos proches ou à des militants pour mieux vous justifier. Vous rajoutiez toujours que vous n’aviez jamais reçu de réponse, comme pour mieux prouver la justesse de vos propos. Puisque vous me mettez en cause dans votre écrit, vous me contraignez à y répondre, y compris publiquement. J’ai fait le choix de la sincérité et de la transparence dans cette affaire, je ne vais pas changer maintenant.
Vous commencez votre propos en vous étonnant de la position des trois parties-civiles de l‘affaire Vivre à Brest, reprise par la presse le 16 avril dernier. C’était une réaction à la suite de l'annonce du procureur de Brest, quelques jours plus tôt, d'adapter la procédure de justice pour vous éviter une audience publique en correctionnel (lire ici).
L’article ne cachait pas l’enjeu, puisqu’avant même la réaction des trois parties civiles, il était titré : « François Cuillandre pourrait échapper à l’audience publique ». Echapper, c’est lui le mot important. Sa définition est : « Se soustraire par la ruse ». Même les journalistes étaient choqués.
Vous récusez le privilège qui vous a été fait par le procureur, qui plus est en ne vous condamnant qu’à seulement 3000 € d’amende. Pourtant, la condition de privilégié, c’est le procureur lui-même qui en a parlé dans la presse :
« Faire comparaître le maire de Brest, François Cuillandre, seul, en audience publique […] me semblerait aujourd’hui bizarre et inadéquat. […] L’affaire ne présentant pas un caractère d’urgence, je me réserve donc ce temps de réflexion afin de proposer la forme de justice la plus adaptée à la situation actuelle. »
Tout est dit : le maire, pas d'audience publique, une forme de justice adaptée.
Et c'est exactement ce qui s'est passé en novembre dernier. Vous avez rencontré le procureur à huis clos pour négocier votre peine. La seule partie « publique » fut l’audience d'homologation de votre condamnation, durant laquelle aucun débat n’a pu avoir lieu, puisque les parties civiles étaient contraintes au silence. Ce qui était, je n’en doute pas une seconde, la stratégie de votre défense.
Une justice dérogatoire et complaisante, sans appel possible. Pourtant, la juge d’instruction ayant enquêté sur tout le dossier avait requis une audience en correctionnelle, justement pour que les parties civiles puissent s'exprimer librement et qu'un juge puisse trancher après avoir questionné les contradictions des uns et des autres.
Donc oui, monsieur Cuillandre, vous avez bien bénéficié d'une justice dérogatoire et complaisante du fait de votre statut de maire de Brest … et des bonnes grâces du procureur de Brest.
Dans la suite de votre propos, vous tentez de vous faire passer pour la victime, en listant des exemples qui m’ont fait sourire à leur lecture. Reprenons-les ensemble, puisque vous me les opposez !
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Fort peu convaincant, votre premier argument est toutefois amusant par sa pudeur déplacée :
« Je peux difficilement me vanter d'avoir eu les faveurs du Tribunal de Brest qui, d'ailleurs, dans ses écrits, ne parle pas du citoyen Cuillandre, mais du Maire de Brest, comme si ce qui lui est reproché est en rapport avec sa fonction. »
Personnellement, je ne vois pas en quoi ce serait une faveur de parler plus du « citoyen Cuillandre » que du « maire de Brest ». Du reste, vous sembliez bien moins attaché à ce détail au lendemain de l’affaire, lorsque vous avez organisé une conférence de presse dans les bureaux du maire, au 4ème étage de la mairie de Brest. Vous y aviez clamé votre innocence, vous n’aviez rien à voir avec tout cela, nous aviez-vous dit alors (ici).
Ce qui s’est passé dans l’affaire Vivre à Brest durant 18 ans est évidemment en rapport avec l'autorité que les personnes concernées exerçaient sur les autres élus. Vous étiez le maire, ils étaient vos deux principaux et plus proches adjoints, nommés par vous, en tant que maire. Enfin, votre argument est très étonnant après l’audience d’homologation, en novembre dernier, durant laquelle votre avocat a donné du « monsieur le maire de Brest » à tout bout de champ, lorsqu’il plaidait en votre faveur face à une jeune juge. Il semblait beaucoup moins pudique que vous à utiliser votre fonction, ce jour-là ! Mais j’imagine que dans votre référentiel, il ne faut pas user des mêmes mots, devant une juge et devant un journaliste !
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Le second exemple que vous citez pour dénoncer la malveillance de la justice que vous dites avoir subie est très surprenant et soulève plusieurs questions.
« Le 9 avril 2019, je suis auditionné par la PJ dans le cadre, très contestable au regard d'une jurisprudence aux origines brestoises, d'une garde à vue. Sans doute allais-je demander l'asile en Corée du Nord... Une demi-heure après le début de celle-ci, la presse, y compris nationale, était informée. Je tiens à votre disposition un SMS du Télégramme m'indiquant que l'information venait du Procureur... de l'époque ! Privilège du Maire. »
Moi qui ai vécu cette même période à vos côtés, je ne partage pas tout à fait les mêmes souvenirs. Comme je sais que votre mémoire vous joue parfois des tours (surtout quand il s’agit de rembourser des prêts !), je me permets de vous donner ma version de ce que vous m’avez dit à ce moment-là.
Vous contestez votre garde à vue que vous qualifiez, pour je ne sais quelle raison, de « jurisprudence aux origines brestoises ». Mais votre garde à vue n’avait pas pour origine votre potentielle appétence pour Kim Jong-un (chacun choisit ses affinités !), mais un choix fait sur les conseils de votre avocat. À ce que vous m’avez dit à cette époque-là, vous aviez eu le choix d'être convoqué à la Police judiciaire sous le simple statut de témoin (comme messieurs Masson et Polard lors de leur première convocation à la PJ), ou sous le régime de la garde à vue. Contrairement à la première option, cette seconde modalité, plus encadrée juridiquement, vous permettait la présence de votre avocat lors de l’audition. À la suite de la convocation du commandant de police, vous m’aviez expliqué avoir fait le choix du régime de la garde à vue, le qualifiant de plus protecteur pour vous qui étiez maire. Je m'étonne donc aujourd’hui que vous vous soyez posé en victime de ce qui apparaissait alors votre propre choix.
Mais laissez-moi douter que la garde à vue soit le vrai problème. Le problème fut la médiatisation de votre garde à vue. Comme vous l’exprimez vous-même, une demi-heure après le début de celle-ci, vous faisiez en effet les gros titres de la presse. Pas dans Le Télégramme. Pas dans Ouest-France. Mais sur la radio nationale RTL (ici).
Comme l’a alors indiqué le Télégramme, la presse locale ne fera que relayer l’information de RTL :
« François Cuillandre et ses deux ex-principaux adjoints, Alain Masson et Jean-Luc Polard, ont été placés en garde à vue mardi matin, dans les locaux de la police judiciaire de Brest, indique le parquet de Brest, qui confirme une information de RTL. » Article du Télégramme (ici)
De même, vous accusez le procureur de l'époque d’être à l’origine de cette fuite malicieuse. Laissez-moi là aussi en douter.
Le Télégramme écrit bien que le procureur confirme l’information de RTL, pas qu’il l’a donnée. Il parait assez peu probable que le procureur de Brest de l'époque ait pris l'initiative de téléphoner à RTL, pour faire fuiter l'information du placement en garde à vue du maire de Brest, dans la demi-heure qui a suivi les faits. Dans la presse locale, à la limite. Mais sur RTL, permettez-moi d’en douter. Vous n'êtes pas célèbre à ce point !
Vous affirmez détenir des preuves de cela, mais vous vous gardez bien de les partager. Puisque vous me le proposez si gentiment, je suis preneur de ces éléments qui prouveraient que Le Télégramme vous a « balancé » des sources journalistiques ! Ce ne serait pas très joli dites-moi…
Sur cette affaire de la fuite sur RTL, ce qui avait été supputé à l’époque (y compris par vous) était d’un tout autre ordre. Cette fuite volontaire semblait plutôt venir de personnes influentes et bien informées, qui avaient leurs entrées dans les milieux médiatiques parisiens. Des adversaires politiques bien placés qui réglaient quelques comptes, ou a minima, cherchaient à délayer le climat des affaires brestoises, après une autre bien connue nationalement, celle-là. Mais supputations ne valent pas preuves. À ma connaissance, nous n’avons jamais vraiment su d’où était partie cette fuite… Probablement parce que les journalistes de RTL ne balancent pas leurs sources !
Concernant le procureur de Brest et Le Télégramme, ce que vous m’aviez en effet raconté alors, c’est que le procureur vous avait confirmé être à l’origine de la transmission au journaliste du Télégramme du procès-verbal de l’audition libre d’Alain Masson, le 16 novembre 2018, à la PJ de Brest. Il vous avait dit ne pas être tenu par le secret de l’instruction. Cette fuite avait conduit au fameux article explosif du Télégramme (ici), citant publiquement des morceaux choisis de l’audition. C’est à la suite de cet article que vous aviez exigé la démission d’Alain Masson et de Jean-Luc Polard, puis que vous aviez renommé l’Affaire Vivre à Brest, comme l’Affaire Alain Masson.
Si des victimes il y a eu dans cette histoire, ce n’est clairement pas vous. Ce furent Alain Masson et Jean-Luc Polard. Ils n’eurent pas un jour le bénéfice de la présomption d’innocence que vous avez revendiquée quatre ans, avant de plaider coupable pour « échapper à une audience publique », comme l’a écrit Ouest-France. Les vraies victimes, ce sont deux élus qui ont servi de fusible au système qui a été mis en place à partir des années 2000, dans votre majorité, et qui ont payé l’un et l’autre le plus lourd tribut en décédant deux et quatre ans plus tard. Deux élus probablement pas irréprochables, bien-sûr, mais qui ont été traités de la pire façon qui soit par leurs « camarades » et notamment le premier d’entre eux, qu’ils avaient loyalement servi pendant 20 ans.
Donc, pour ma part, en l'absence de preuves factuelles de ce que vous avancez et que vous aurait transmis le Télégramme par SMS, vous n’avez jamais été victime de la justice brestoise lors de votre garde à vue, mais bien plus probablement d'un règlement de compte politique avec quelques figures nationales bretonnes.
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Le troisième exemple que vous brandissez pour étayer votre victimisation apparait à minima, comme une incompréhension des conclusions de la juge d'instruction, voire d’une volonté de reconstruire l’histoire pour mieux échapper à la responsabilité de vos actes passés.
A moi qui connais très bien l’affaire Vivre à Brest, vous osez m’écrire dans votre courrier :
« Le 6 mars 2019, alors que je suis sur écoute téléphonique - autre privilège digne d'un trafiquant de drogue - je suis en conversation téléphonique avec Jean-Luc Polard après sa garde à vue. Le crédit de 4 000 € est évoqué.
Conversation :
FC : je pensais avoir remboursé, enfin je n'en sais rien
JLP : ben moi aussi...
Transcription dans les PV ; FC et JLP construisent un argumentaire... ! »
D'abord, je regrette que le « citoyen Cuillandre » puisse penser que les écoutes téléphoniques ne seraient réservées qu'à ceux qui agissent dans le trafic de drogue et pas aux « honorables » politiques. L’histoire récente semble démontrer le contraire. Et pas qu’à Brest. Si votre égo a été un peu écorné par ces écoutes, rassurez-vous, même un président de la République peut être mis sur écoute (Cf. Affaire Bismuth). Et c’est heureux lorsqu’il s’agit de tripatouillages dans notre fonctionnement démocratique et d’enrichissement personnel. La mise sur écoute ne dépend pas de la fonction ou du métier, mais du fait d’enfreindre la loi… comme la pèche aux ormeaux, pour donner un exemple qui vous est plus familier ! Oublieriez-vous que vous êtes un justiciable comme un autre ? Votre fonction de « maire » ne vous confère aucun droit supplémentaire, juste l’exigence de devoir être un peu plus exemplaire !
La suite de votre propos est du même acabit. J’ai déjà eu l’occasion de l’aborder dans mon livre ou dans des notes sur mon blog.
Le fait que ni celui qui emprunte, ni celui qui prête 4 000 € ne se souvienne si le remboursement a été fait n’est pas le témoignage d’un oubli, mais d’un usage. Une façon de faire qui s’est répétée au fil des ans. D’ailleurs, ce n’était pas la première fois que vous empruntiez dans la caisse noire sans rembourser. Pendant plusieurs années, les emprunts personnels non remboursés étaient un usage consenti par le trésorier, pour deux personnes : Alain Masson et vous. Je rappelle que nous parlons de près de 70 000 € empruntés et jamais remboursés par vous deux dans la caisse noire, sans que Jean-Luc Polard, le trésorier, ne s’en inquiète. Moi, je n’appelle pas cela des oublis, mais plutôt un usage, voire un système organisé.
Donc, en effet, à la suite de la garde à vue de Jean-Luc Polard, vous avez eu cet échange qui semble autant sincère qu’interrogatif sur le devenir des 4 000 € « empruntés ». Mais cela ne prouve absolument pas que vous ayez eu l’intention de rendre cette somme, avant que commence l’enquête policière. A priori, sans enquête, personne ne l’aurait su et vous n’auriez jamais restitué l’argent, tout comme vous n’avez jamais remboursé toutes les autres sommes dont vous avez bénéficié issues de la caisse noire, sans y verser un euro après l’année 2000.
En plus des 4 000 € qui ont fait l’objet de votre condamnation, l’enquête a aussi révélé 3 000 € empruntés et jamais remboursés en 2007. Somme déclarée dans vos impôts au titre des dons aux partis politiques, vous ayant permis en plus une déduction fiscale indue de 1 800 €, comme vous le reconnaitrez devant la juge. Ensuite, il y a les 4 234 € de votre blog, que vous n’avez quasiment jamais utilisé, sauf pour informer les Brestois que vous ne trompiez pas votre femme avec un homme ! Il y a le bénéfice de l’assurance SMACL, de 2001 à 2014, qui a pesé près de 60 000 € sur le compte de la caisse noire et dont votre quote-part aurait dû être d’environ 4 000 €. Il y a enfin les nombreux repas collectifs, les soirées et les restaurants que l’on voit apparaitre dans les comptes avec la mention « FC » et pour lesquels vous n’avez pas déboursé 1 €. Au total, vous devriez plutôt être proche de 20 000 € de bénéfice personnel, rien que sur le dos de l’association Vivre à Brest. Monsieur Polard semble s’être chargé de tout cela, pour vous, sans jamais rien demander en retour. Encore un oubli, surement !
Alors oui, vous semblez l’un et l’autre être étonné dans cette écoute téléphonique, comme deux gamins pris la main dans le pot de confiture, avec les babines bien collantes, mais au regard de tout le reste non remboursé (encore aujourd’hui), je doute fort de la profondeur de votre sincérité.
Enfin, vous insinuez dans votre propos que c’est à partir de ce minuscule extrait des écoutes qu’une juge va conclure : « François Cuillandre et Jean-Luc Polard construisent un argumentaire ». Voilà qui n’est pas banal au regard des 3 000 pages d’auditions, d’écoutes et de documents d’enquête que représente le dossier d’instruction de l’affaire Vivre à Brest.
Une audience en correctionnelle aurait justement pu permettre de débattre posément de cela. Pour ma part, je ne crois absolument pas que la juge ait mis en question la sincérité de cet extrait, qui n’a d’ailleurs que peu de valeur, bien que vous vous y accrochiez depuis le début comme la pierre angulaire de votre « innocence ».
Ce que la juge pointe probablement plus comme une construction d’argumentaire, c’est la raison de cet emprunt. C’est le fait d’avoir mis l’emprunt sur le compte d’une aide bienveillante à votre fils, plutôt que sur vos déboires financiers personnels. C’est bien cela que vous allez finir par avouer à la juge. Je l’ai expliqué dans une de mes récentes notes (ici), puisque le maire (et non le « citoyen Cuillandre » dans ce cas) continue à clamer cette histoire haut et fort en Conseil municipal de Brest. La vérité, que vous avez-vous-même avouée à la juge et qui explique bien mieux le fait d’avoir dû prendre ces 4 000 € dans une caisse noire qui ne vous appartenait pas, sans les rembourser, ce sont vos propres mots : « parce que j’aurai été en surendettement ».
Je partage cet avis de la juge, il y a eu construction d’un argumentaire. C’est clairement lisible dans les écoutes téléphoniques. Puisque nous en sommes à partager des morceaux choisis d’écoutes téléphoniques pour appuyer nos propos respectifs, je vous en propose la relecture d’un autre. Le 10 mars 2019, l’extrait d’un échange téléphonique avec un de vos proches, dont je tairai par courtoisie le nom. Un extrait beaucoup plus révélateur de l’état d’esprit du citoyen Cuillandre, ne trouvez-vous pas ?
« François CUILLANDRE : Alors moi je pense qu'il y a deux publics hein. Y'a un la Justice, c'est effectivement ça qu'il faudra dire et deux euh ... y'a les collègues ... euh ... notamment du Parti ... et moi je pense qu'il faut que je rembourse les 4 000 balles hein
Monsieur XXXX : Ouais alors ça, si tu veux y'a deux choses, le remboursement ou pas ça c'est une question et effectivement c'est sans doute plus propre de rembourser ; autre chose et ce que tu disais hier, c'est-à-dire, à mon avis, mais tu pourras le tester à la limite auprès de deux trois élus, t'as qu'à en causer pour voir comment ils réagissent ...
François CUILLANDRE : Je vais en causer à Yann hein c'est tout
Monsieur XXXX : Ouais ouais faut pas aller sur le thème "je m'en souvenais pas", ça tu peux pas, dans le monde dans lequel on est, ce sera pas compréhensible
François CUILLANDRE : Et Jean-Luc m'a avoué ce matin, il s'en souvenait pas non plus hein
Monsieur XXXX : Ouais ouais, non mais c'est sans doute la vérité mais c'est pas ... parce que ...
François CUILLANDRE : La vérité n'est pas bonne à dire
Monsieur XXXX : Avec la suspicion sur le train de vie des élus et tout, de dire que tu te souviens pas que tu dois 4 000 euros, ben tu vas voir la réaction qu'a eue Frédéric Marchand, c'est ... le commun des mortels peut pas ....
François CUILLANDRE : Il me semble que les 4 000 euros ne sont pas rentrés dans ma poche hein, Ils sont rentrés dans le bateau de mon fils
Monsieur XXXX : Ouais enfin si tu veux, ça c'est ... Je comprends ta nuance mais pour le grand public elle n'existe pas cette nuance là
François CUILLANDRE : Ben aider ses enfants quand même c'est pas ... dans le monde dans lequel on est
Monsieur XXXX : Ouais, mais tu les as, tu (incompréhensible) ... Moi je pense les éléments que t'apporte là sont suffisants en tant que tels si tu veux, t'as eu besoin d'un coup de main et euh comme d'autres en ont eu, alors le seul truc si tu veux c'est qu'il faut ... enfin, il faut effectivement qu'on mette bien, enfin que tu puisses assoir ton discours sur « j'ai lâché 130 000 euros dans cette association » sur un minimum d'éléments qui confortent le fait quoi. Mais ce que tu dis, si t'as trouvé quelques relevés et tout ça, plus le témoignage de Jean-Luc qui ira de manière concordante avec toi, il doit y avoir moyen de s'en sortir hein »
Amis de la sincérité en politique… Bienvenue à Brest !
Donc, si je résume ce qui n’est pas une « construction argumentaire » : il y a deux discours à avoir, pour deux publics : la justice et le « commun des mortels », c’est-à-dire les élus et les militants du PS. Il y a « une vérité qui n’est pas bonne à dire » : vous avez emprunté 4 000 € sans que personne ne vous les réclame et, comme tente de vous le dire diplomatiquement votre ami, ce n’est pas très logique. Il n’a pas tort, il est de bon conseil ! Enfin, vous travaillez ensemble une argumentation de diversion, en rappelant les 130 000 € que vous aviez laissés à l’association Vivre à Brest, avant de devenir maire (130 000 € qui ne deviendront plus que 100 000 € après, d’ailleurs).
Rappelons que vous avez laissé cette somme dans le mécanisme de mutualisation, simplement parce que c’était la règle pour tous les élus socialistes qui n’avaient pas (ou peu) de perte sur salaire. Notamment parce qu’ils travaillaient pour des députés ou des ministres bienveillants ! Vous n’avez donc pas réellement perdu grand-chose, si je puis me permettre, comparativement aux élus qui, comme moi, ont eu des retenues sur salaire. Des élus qui perdaient réellement une part de leurs revenus pour exercer leur fonction d’élu. Vous ne faisiez que respecter la règle commune, sans vraiment perdre en revenus. En revanche, vous oubliez de dire qu’à partir 2001, vous n’avez plus jamais cotisé à la caisse commune des élus socialistes, contrairement au maire précédent. Cela vous a permis de faire de copieuses économies sur 17 ans (détaillées dans mon livre). Une règle pourtant assez logique de mutualisation entre tous les élus socialistes de Brest, qui semble s’être étrangement envolée lors du passage de témoin entre Pierre Maille et vous. Mais peut-être ne vous considériez-vous déjà plus comme socialiste en 2001 ?
Donc oui, sur ce simple extrait (et il n’y a pas que celui-là), la juge peut légitimement affirmer qu’il y a eu une construction d’argumentaires.
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Le quatrième et dernier exemple que vous convoquez pour illustrer la férocité de la justice à votre égard me laisse songeur sur la profondeur de votre déni :
« Enfin, le 1 er octobre 2019, Madame XXXX, ancienne salariée de Brest métropole est auditionnée par la PJ. Question : selon vous, M. François Cuillandre était-il informé que M. Masson percevait directement ses indemnités d'élu ? Réponse : je suppose que oui, mais je n'ai pas d'information particulière là-dessus.
Repris par l'instruction : le maire de la ville était au courant du fait que M. Masson percevait directement ses indemnités ! »
Le propos de cette salariée de la métropole, qui a répondu honnêtement, n’a pas grand-chose à voir avec la conviction exprimée par la juge d’instruction. Cette question, la juge a dû se la poser continuellement dans son travail de collecte de témoignages et d’informations. Elle est au cœur de l’affaire. Elle me l’a d’ailleurs posée, sans que je sois capable d’y répondre avec certitude non plus.
Votre thèse du bouc-émissaire voudrait nous faire croire qu’Alain Masson a trompé tout le monde et est le seul et unique vrai coupable. C’est tellement plus pratique ! Mais les comptes montrent que Jean-Luc Polard savait, dès 2002, qu’Alain Masson percevait ses indemnités, en plus des versements de l’association. C’est d’ailleurs ce que Jean-Luc Polard a lui-même affirmé lors de sa première audition libre, avant de se rétracter, quatre mois plus tard, non sans avoir eu le temps d’en discuter avec vous. Néanmoins, comme je l’explique dans mon livre et dans une note (ici), il est très improbable que deux personnes, un très grand gagnant et un très grand perdant, aient pu coexister tranquillement tant d’années autour de la gestion de cette caisse noire, sans qu’une tierce personne soit intervenue pour rendre cela possible. Un tiers de confiance qui aurait eu l’autorité à leurs yeux pour légitimer cette différentiation flagrante.
Là encore, je partage l’avis de la juge qui exprime juste que tout cela n’a pu se décider qu’à trois, et selon moi, très probablement un peu avant votre élection en 2001. Comme deux sur trois des personnes visées sont aujourd’hui décédées, vous seul détenez la vérité. Vu le nombre de contrevérités et de non-dits que chacun de vous a dit lors de l’enquête, je doute fort que cette part de vérité puisse émerger un jour.
Nous n’aurons donc jamais la preuve formelle de tout cela. Mais c’est typiquement ce qu’un débat contradictoire en audience correctionnelle aurait pu permettre d’éclairer un peu, au regard des nombreux faisceaux de preuve qui étayent cette seconde thèse. C’est exactement ce que vous avez cherché à éviter en plaidant coupable lors d’une procédure de CRPC, qui ne faisait plus état que de 4 000 € détournés, laissant le reste du ressort de l’audience publique.
Alors, votre « argumentaire » qui laisse à penser que la juge d’instruction ne s’est basée que sur l’affirmation (hésitante) d’une salariée de la collectivité pour conclure que le maire était au courant des sommes perçues par Alain Masson, il est un peu court. La justice n’aura pas élucidé si vous étiez ou pas l’autorité qui a autorisé tout ce détournement durant 18 ans. Mais le fait que le « citoyen Cuillandre » ait aujourd’hui reconnu un « recel d’abus de confiance » témoigne a minima que vous étiez au courant du système délictueux qui avait été mis en place par vos deux plus proches bras droits, à partir de votre élection en tant que maire en 2001.
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Fort de vos démonstrations, qui ne résistent pas très longtemps à l’épreuve des faits, vous concluez :
« Dans quel intérêt j'aurais eu à couvrir, voire à organiser, une telle pratique juridiquement, politiquement et surtout humainement condamnable ? Il faut avoir l'esprit bien tordu ou la haine fort tenace - l'un n'empêchant pas l'autre - pour le penser ! »
L’intérêt est évident… monsieur le maire ! Les deux tenanciers de la caisse noire de Vivre à Brest étaient aussi vos deux bras droits, les deux piliers de votre majorité. Alain Masson était votre président de Goupe et Jean-Luc Polard le secondait. Rien ne pouvait être fait par les élus sans en passer par eux. Ils vous ont permis de tenir les élus socialistes contestataires et votre majorité agitée, pendant vos trois premiers mandats.
Le système avait initialement été pensé sous Pierre Maille comme un système vertueux de mutualisation, au service des élus socialistes. Mais sous vos mandats, à partir de 2001, il est devenu un système de domination et de contrôle par l’argent. Les élus étaient privés dès le départ de leurs indemnités, sans qu’aucune transparence ne soit faite sur la gestion de ce qui devint une caisse noire, faute de gouvernance associative durant 17 ans. Il fallait nécessairement en passer par le consentement de vos deux adjoints, que vous seul pouviez contrôler. Planait souvent la menace de retirer leur délégation aux élus qui remettaient en cause le système « juridiquement, politiquement et surtout humainement condamnable », comme vous le décrivez. Parfois même en votre présence, comme certains élus ont pu l’expliquer lors de l’enquête. Vous avez d’ailleurs vous-même mis en actes ces menaces, sur deux d’entre eux, fin 2017 (ici). Ces mêmes menaces, vous les avez exprimées sans gêne à mon encontre dans la presse, encore en 2022 (ici). Les mauvaises habitudes ont la vie dure ! Durant 17 ans, cette caisse noire a servi à acheter ou menacer des élus, afin de tenir votre majorité. Voilà la triste réalité qui ressort de l’enquête.
Les détournements d’argent ne sont pas négligeables, mais ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. D’ailleurs, rien ne prouve aujourd’hui qu’Alain Masson mentait lorsqu’il a affirmé avoir été autorisé à percevoir les sommes qu’il a touchées. A la fin de l’analyse, je pense même personnellement qu’il a dit la vérité sur ce point. Les 500 000 € que vous pointez ne seraient plus alors de l’argent détourné de son propre chef par Alain Masson, si l’enquête était allée jusqu’au bout et avait mis en lumière un accord pour pratiquer ainsi. Mais nous ne le saurons plus jamais.
Votre intérêt, comme vous dites, il est évident. C’est d’avoir été maire et de l’être encore. Ce système, qui se résumait par une caisse noire, achetait la paix sociale dans votre majorité et compensait la faiblesse de votre vision politique et de votre leadership, connues depuis longtemps jusqu’à Paris. Un handicap politique qui vous priva du maroquin tant attendu, dont purent profiter la quasi-totalité de « vos petits camarades hollandais » et même une aubryiste, puis un strauss-kahnien finistériens !
Après l’élection de 2020, il n’y avait plus de caisse noire (en fait si, mais votre nouveau bras droit ne pouvait plus l’utiliser, du fait de l’enquête de justice). Par la plus grande des surprises, alors que nous sortions du confinement, que l’économie était au ralenti et que nombre de nos concitoyens avaient la ceinture serrée, vous avez fait voter à Brest des indemnités en hausse de +16% par rapport au mois précédent (ici). Il ne m’a pas fallu très longtemps pour comprendre que la gestion par l’argent des élus se poursuivait, non plus avec une caisse noire devenue inaccessible, mais avec l’argent des contribuables. Rien d’illégal cette fois, mais indéniablement une forme de continuité dans votre façon de gérer votre majorité à Brest.
Donc oui, de l’intérêt vous en avez trouvé, bien au-delà des quelques 20 000 € dont j’ai parlé. Un mandat de maire-président, c’est environ 7 000 €/mois net et il y a eu 275 mois depuis mars 2001. Cela donne presque deux millions d’euros d’indemnités cumulées… Pour une personne qui avoue à une juge avoir pris 4 000 € dans une caisse noire, car sinon elle aurait été en surendettement, pour ma part, je vois assez bien l’intérêt de tenter par tous les moyens de rester maire/président et d’avoir laissé perdurer ce système « juridiquement, politiquement et surtout humainement condamnable » durant 17 ans.
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Pour passer à plus léger, j’en profite pour répondre à votre petite attaque personnelle à mon égard, me gratifiant « d’esprit tordu à la haine fort tenace ». Très aimable ! Mais je doute fort que cela soit moi qui développe de la haine dans cette affaire.
Depuis le début, vous essayez de faire passer l’engagement de ceux qui s’opposent à vous comme une réaction émotionnelle, de la rancune ou de la haine. Vous faites d’ailleurs de même avec votre opposition, leur renvoyant à chaque fois leur défaite électorale comme une fin de non-recevoir. Chacune de leurs critiques ne serait alors fondée que sur une posture revancharde. J’y vois là l’attitude très patriarcale de ceux qui veulent éluder toute réponse et se cacher derrière des faux arguments. Votre opposante politique n’est plus une folle que je ne suis un dérangé haineux. La ficelle est un peu usée, ne croyez-vous pas ? Assumer la contradiction et les avis différents, c’est la base minimale dans une démocratie.
Mon propos n’est pas tenu par des émotions ou des sentiments, mais par des faits auxquels vous ne répondez pas, si ce n’est par des contrevérités faciles à démonter, comme en Conseil ou dans ce courrier. Percer la vérité ou faire œuvre de transparence n’est pas une posture de haine, c’est au contraire rechercher la santé de nos démocraties. La corruption des esprits et des actes est la pire chose qui puisse nous arriver. C’est un pourrissement de l’intérieur, très difficile à combattre ensuite. Il suffit de jeter un œil autour de nous pour s’en rendre compte et voir des peuples se battre pour tenter de remonter la pente, sous les bombes parfois. Pour ma part, travailler pour plus d’éthique en politique reste faire de la politique et devrait être au cœur du modèle socialiste que vous avez (peut-être) un jour défendu.
Mais puisque vous allez sur les sentiments, allons-y !
« Esprit tordu », je veux bien l’entendre, vu de votre fenêtre. Nous ne partageons clairement plus les mêmes valeurs, ni les mêmes façons d’agir. Je me félicite de cela !
« Tenace », surement quand il s’agit de défendre des valeurs dans lesquelles je crois. Je n’ai jamais été un politique gagné par le cynisme ou la résignation, me satisfaisant de mon petit intérêt personnel, après avoir échoué sur l’intérêt général. J’aspire toujours à une volonté profonde d’améliorer ce monde, au bénéfice des personnes. Alors oui, je suis tenace car je crois encore en des valeurs et des ambitions humanistes.
Vous m’attribuez enfin de la « haine ». Cela n’a jamais été mon état d’esprit, le sens de mon engagement ou de mes actions. De la colère au départ, il y a eu, surement. Mais aujourd’hui, j’éprouve surtout de la déception envers ceux avec qui j’ai milité et qui ont trahis leurs valeurs, au profit d’une logique de clan politique, du maintien de leur petit pré carré et de leurs bénéfices personnels. J’éprouve aussi de l’inquiétude pour ce qui pourrait être fait politiquement à Brest et qui ne l’est pas, du fait d’un verrou mis au plus haut niveau et d’un clientélisme à visée électorale de plus en plus fort sur la ville. Je crois que notre ville mérite bien mieux. Notre époque exige bien plus de vision politique, au regard des crises sévères qui nous font face.
Pour ne prendre qu’un exemple : vous aurez surement votre petit stade au Froutven, avec une jolie inauguration et son feu d’artifice à son. Vous « fêtes » cela à merveille. Mais les générations futures paieront le prix fort le résultat de vos renoncements et les dettes de vos caprices. L’argent public n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui, au regard des enjeux à porter dans les années futures. Vous allez laisser un territoire endetté, sans capacité de rebond juste pour jouer votre dernière cartouche électorale en 2026. Je trouve cela pathétique. Actons que beaucoup de monde vous suit dans cette folie. Mais vous devriez être le garant de l’intérêt général, du moindre euro dépensé dans la bonne direction. Certainement pas le sherpa de ceux qui brassent des millions, dans une sphère où l’éthique est largement concurrencée par le business, dans l’échelle des valeurs autant que des priorités.
Humainement enfin, j’éprouve de la tristesse envers une personne pour qui j’ai eu la faiblesse d’avoir de l’estime, prise dans sa propre fuite en avant, prisonnier de ses propres choix de vie et qui impose aux autres une forme de domination maladive qui ne pourra que mal finir.
« Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier, elle met plus de temps, mais elle finit toujours par arriver », dit le dicton populaire. Il en sera ainsi.
Je vous suggère aussi la lecture du livre : « Toute-puissance, hyperstress, isolement, le pouvoir rend-il fou ? » d’Erwan Deverez. Il étudie quelques cas intéressants au travers de ce que l’on connait aujourd’hui sur le fonctionnement du cerveau humain dans l’exercice du pouvoir, grâce aux recherches en neurosciences. C’est fort intéressant ! (lire article synthèse ici)
Voilà l’état des lieux de mes sentiments à l’égard de la situation. La haine, pour ma part, cela fait bien longtemps que je m’en suis vacciné. Je continue juste à chercher la vérité et à la dire. Je ne subis pas la loi du mensonge triomphant qui passe, ni ne me suffis des applaudissements imbéciles. Je continue à suivre mon idéal, tout en cherchant à comprendre le réel, courageusement. Relisez aussi Jaurès, ex-camarade, vous en avez le plus grand besoin !
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Je vous épargne les réponses sur tout ce que vous dites sur moi, pensant révéler des scoops, alors que j’ai déjà expliqué tout cela publiquement dans mon livre, puis des notes sur mon blog. J’ai déjà dit que j’avais été un des gagnants du système de mutualisation et combien j’avais gagné (ici la dernière traitant du sujet). Votre système de défense qui tente de me rendre coupable ne marche pas.
Dès que l’affaire a éclaté, je vous ai entendu vous défausser en disant à tout-va que vous n’étiez pas au courant que des élus avaient touché plus que leurs indemnités. Vous avez même dit que si vous l’aviez su, vous auriez exprimé votre désaccord. La bonne blague de l’ex-inspecteur des impôts, professeur de Finances publiques. Dois-je vous apprendre que tous les systèmes de mutualisation ont des membres qui bénéficient plus que ce qu’ils donnent et inversement. La sécurité sociale, la CAF, les Assedic, les impôts et même la fiscalité locale sont basés sur ce principe. C’est le principe de la mutualisation de produire « des gagnants et des perdants », comme vous les appelez. Ce n’est pas choquant pour peu que les règles soient fixées, transparentes et communes. De plus, s’il n’y avait eu aucun gagnant, mais que des perdants, la caisse noire n’aurait fait que grossir, inexorablement. Votre défausse ne tient pas deux secondes, surtout lorsque l’on connait votre pédigré universitaire. Vous avez toujours su comment ce système fonctionnait et il n’était pas honteux, s’il n’avait pas été corrompu par certains.
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Pour terminer, je reviens juste sur un dernier passage de votre lettre que je trouve pour le moins prodigieux, là encore venant de vous.
« Plus troublant encore (pages 6-9 de l'audition), l'OPJ l'interroge sur des virements de 1 500 € à 2 000 € chaque fin d'année. Réponse : c'est pour payer mes cotisations au PS !
Autrement dit, non seulement M. Fayret était bénéficiaire net du système, mais en plus il faisait payer ses cotisations par "Vivre à Brest" — c'est-à-dire par ceux qui en étaient contributeurs nets empochant au passage une réduction fiscale de 66 % de la somme. Le beurre et l'argent du beurre ! Et cela s'appelle de la fraude fiscale. »
Je vous rappelle que nous étions contraints à rentrer dans ce système pour figurer sur votre liste. Ce n’était pas une option, comme le confirma Jean-Luc Polard à la juge, lors de sa dernière audition. La procédure que vous décrivez nous était imposée par vos deux bras droits, que vous laissiez faire au regard des intérêts que vous tiriez de l’affaire. Quasiment tous les élus socialistes de Brest faisaient ainsi, sauf … surprise, Alain Masson et vous-même. Les deux seuls élus qui se sont exclus du système, de leur propre chef !
Donc, pour ma part, je n’ai jamais vraiment eu d’autre choix que de faire ainsi … Contrairement à l’élu socialiste Cuillandre qui avait choisi de ne plus contribuer au système, mentant sur un faux usage datant de Pierre Maille, que l’analyse des comptes antérieures à 2001 viendra invalider. Idem avec son parti, où l’adhérent Cuillandre ne payait pas non plus ses cotisations d’élu, contrairement à Alain Masson : « Le grand coupable ». Etonnant, non ? J’en profite pour vous rappeler ici que la commission rogatoire de la juge a mis en lumière que vous avez plusieurs dizaines de milliers d’euros d’impayés de cotisations à votre parti politique, sur ces années-là. Pas moi ! En termes de loyauté et d’équité vis-à-vis des autres militants, vous me semblez très mal placé pour me donner des leçons. Mais le meilleur n’est pas là.
Le système que vous évoquez fut mis en place à la fin des années 1990 (bien avant que je sois élu). C’était un accord entre la fédération du PS finistérien et le Groupe des élus socialistes brestois, sous le mandat de maire de Pierre Maille. C’était un jeu à somme nulle pour les élus, afin de financer la fédération du Parti socialiste, avec la caisse noire de l’association Vivre à Brest, sur la base des cotisations dues par les élus brestois. Je me permets de rappeler à votre mémoire parfois défaillante que le citoyen Cuillandre était alors élu à Brest, mais aussi et surtout le premier secrétaire de la Fédération du Parti socialiste en Finistère. Je ne sais pas si c’est vous qui avez pensé ce système (j’ai tendance à le croire). Mais, ce qui est sûr, c’est que vous avez autorisé sa mise en place, à la fin des années 90, puisque vous dirigiez cette fédération de 1993 à 2003.
Donc, pour résumer votre accusation à mon encontre. Vous êtes inspecteur des impôts de profession et êtes donc sensé maitriser le droit fiscal mieux que « le commun des mortels ». En tant que premier fédéral, vous avez autorisé ce dispositif pour financer la fédération du Parti socialiste du Finistère avec une caisse noire. Comme tous les autres élus socialistes, je fus obligé d’adhérer à ce système pour avoir le droit de figurer sur votre liste et être élu dans ma ville. En confiance, j’ai versé au Parti socialiste ce que vos deux adjoints (aux finances !) me demandaient de verser. Mais pour finir, c’est vous qui m’accusez de fraude fiscale. Vous êtes super fort pour nous la faire à l’envers !
Idem sur la question que vous me posez :
« Et en plus, vous avez été, pendant de longues années, responsable du PS à Brest. N'y avait-il pas de liens financiers entre le PS brestois et "Vivre à Brest" ? »
Jolie devinette ! Comme dans les écoutes, je vous préconise d’aller poser la question à votre nouvel adjoint aux Finances, Yann Guével, celui qui a succédé à Alain Masson à vos côtés et qui gère vos petites affaires. Il cumule tous les postes : Fédération du Finistère, PS Brestois et l’association Vivre à Brest. (C’est rassurant après cette affaire !) Il me semble objectivement le mieux placé pour répondre à vos interrogations … ainsi qu’à celles de la Justice, si vous pensez que c’est nécessaire !
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Pour conclure cet échange épistolaire aussi long que fort distrayant, je vais répondre à votre interpellation finale :
« M.Fayret : vous avez bénéficié de « Vivre à Brest » dans des conditions juridiquement très contestables. Peut-être connaissez-vous la maxime latine : nul n'est censé se prévaloir de sa propre turpitude. »
Cette expression du droit signifie : « Nul ne peut réclamer justice si le dommage qu'il subit est le produit de ses actions menées illicitement ou illégalement ou de sa négligence. » (Wiktionnaire)
Je ne vous donne pas complètement tort sur ce point. Je n’ai pour ma part rien à me reprocher d’illicite ou d’illégal. La justice ne m’a jamais inquiété, ni dans cette affaire, ni dans aucune autre, contrairement à vous. Toutefois, j’acte d’une forme de négligence de ma part. L’affaire Vivre à Brest est le fait d’une confiance mal placée envers trois personnes. Une confiance aveugle, une foi en des personnes qui incarnaient pour nous des valeurs, une rigueur, une éthique et que nous croyons incapables de faire ce qu’ils ont fait. Nous avons pêché par excès de confiance, mettant de côté des règles essentielles de transparence, de contrôle et de contrepouvoir.
J’ai été négligent. Je n’ai pas de honte à le reconnaitre. Je vous ai fait trop confiance et vous m’avez trahie. Contrairement aux autres élus socialistes de votre majorité qui ont subi le même préjudice et qui ont consenti docilement à la féodalité que vous leur imposez, sous contrepartie d’un traitement indemnitaire, j’ai pour ma part eu le courage et l’indépendance d’esprit de tirer mes leçons. Par un travail de recherche et d’analyse, j’ai cherché à comprendre les mécanismes qui ont conduit à cette triste fin, pour deux élus qui étaient sur le fond des personnes bien. Vous prenez cela pour de la haine. Moi, je crois que tirer des leçons de ses erreurs, comme de sa négligence, est la seule façon de progresser.
Si j’ai écrit ce livre sur l’affaire Vivre à Brest et que je continue à écrire sur mon blog, c’est justement parce que je crois que la transparence et le témoignage peuvent éviter que le « système Vivre à Brest » perdure ou qu’il recommence ailleurs. La réalité ne me donne pas raison, puisque vous êtes encore là. Mais bon, je préférerai toujours les combats et les défaites glorieuses, aux victoires honteuses. Contrairement aux élus gagnés par le cynisme et ne vivant plus que pour leur petit intérêt personnel, j’ai fait le choix de garder la voie qui m’avait conduit à m’engager en politique : celle de la sincérité et de l’attachement à l’amélioration du monde, à des valeurs et à une éthique, qui passent nécessairement par un renouvellement des pratiques en politique, dont vous ne serez jamais le représentant sincère.
Donc oui, citoyen Cuillandre, vous avez raison sur ce point-là. J’ai été négligent et j’ai cru en vous pendant 20 ans. J’acte que c’était une grosse erreur. J’espère que vous serez d’accord avec moi pour dire que je tente de me rattraper depuis !
Concernant la justice, je ne demande en réparation qu’un euro symbolique et le remboursement de mes frais de justice. Maintenant que vous avez plaidé coupable et coupé court à tout procès en correctionnel, c’est plutôt raisonnable ! Je note que vous sembliez d’accord avec cela en novembre, devant la juge et la presse, mais que cela ne vous a pas empêché de faire appel dans les jours qui ont suivi. Vous ne changez pas.
Voilà, je termine là cette réponse à votre courrier. Puisque nous sommes dans la période des vœux, je vous aurai bien souhaité la bonne année. Mais, pour la première fois depuis plus de 25 ans, vous avez oublié de m’inviter aux vœux du maire. Je pense être le seul ancien élu, qui plus est l’un de vos premiers adjoints, ayant eu le privilège de ce fâcheux oubli. C’est un dernier témoignage de votre état d’esprit, que je pourrai qualifier de « rancunier » ! Sans le respect d’un minimum de protocole accompagnant toutes les institutions qui se respectent, les vœux du maire deviennent seulement les vœux de monsieur Cuillandre, mais payés avec l’argent des contribuables.
Cordialement.
Pas facile de se renouveler tous les ans pour les vœux de la nouvelle année ! 😊
Que mettre en avant ? Le passé et une année difficile sur le plan social et international. Le présent et sa nécessité d'apprendre, de créer, de rire, d'être ensemble pour vivre heureux avec ses proches et entre nous. L’avenir et une forme d'angoisse qui naît d'un avenir sombre, se dessinant au gré de l'immobilisme et de la montée des autoritarismes de nos dirigeants, mais aussi des peuples qui consentent à ces dérives, voire les demandent parfois même, sans trop se poser de questions.
Difficile de rester optimiste quand les signaux passés ne font qu’annoncer des lendemains plus difficiles. Mais a-t-on d’autres choix que l’optimisme ? Probablement pas.
D’où une nécessité de continuer à combattre tout ce qui nous conduit à avoir des craintes pour notre avenir commun, pour notre monde. Mais pas combattre de façon stérile, celle de l’ancien monde qui veut que l’on ait raison simplement parce que l’un domine l’autre, que l'un soit plus fort que l'autre. Il faut combattre en se posant l’exigence de faire naître un nouveau modèle d'équilibre pour demain. Cela multiplie probablement la difficulté et le risque d'échec, mais c’est la seule façon d’améliorer le monde durablement, plutôt que juste changer des têtes !
L'optimisme, c'est aussi savoir se nourrir des nombreuses initiatives, des nombreuses prises de paroles, d'écrits qui portent une transformation de fond. Nous sommes loin d'être seuls à attendre un vrai changement. Une évolution plus silencieuse que le brouhaha politique ambiant, moins bruillante que les canons qui tonnent à nouveau, mais bien plus crédible et porteuse d'espoirs pour un retour à l'équilibre sur notre petite planète.
Une bonne décision que j’ai prise en 2023 (loin des résolutions de début d’année !) fut de m’abonner à Médiapart. Je ne savais pas trop quoi en penser, ayant déjà des abonnements au Monde et au Télégramme. J’ai découvert un autre style de journalisme, plus engagé et, reconnaissons-le, plus libre, créatif et sincère. J’aime beaucoup.
Chaque année depuis 2010, Mediapart demande donc à un·e citoyen·ne (ou à plusieurs) de remplacer et de précéder le président en place dans l'exercice des vœux. Pour les vœux de 2024, c'est Camille Étienne qui se plie à l'exercice, avec talent. J’aime beaucoup.
Un bon partage valant mieux qu'un mauvais discours, et bien mieux que les vœux présidentiels actuels, je vous recommande d'écouter ces 13 petites minutes pour bien commencer l'année. C'est la preuve qu'un autre monde existe, plus féminin, plus jeune dans son esprit, plus ouvert, plus aligné à un avenir désirable ensemble, plus intelligent et enfin, plus sincère que l'ancien monde.
Pour celles et ceux qui préféreraient le rire au sérieux et au sens (il est des moments où l’on a besoin de cela aussi), je vous mets aussi le lien vers les vœux secrets de Waly Dia … qui ferait assurément un PR étonnant !
Bonne année 2024 à toutes et tous, ainsi qu'à vos proches !
Les vœux intranquilles de Camille Étienne (article et texte)
Comme nous l’avons vu dans la précédente note (ici), la Caisse noire de la majorité municipale de François Cuillandre reposait sur l’existence d’un compte bancaire issu de la création d’une association inactive depuis longtemps, nommée Vivre à Brest, et dont les raisons d'être statutaires étaient très extérieures à ce que fut l’usage du compte bancaire du même nom.
Ce compte associatif, initialement créé pour soutenir la publication d’un journal politique, va finalement surtout servir à collecter les indemnités des élus municipaux socialistes de Brest, avec le beau projet de les mutualiser. L’idéal affiché était de compenser ceux qui perdaient le plus en salaire du fait de leur mandat, grâce à ceux qui étaient bénéficiaires, pour diverses raisons [1]. Un système peu critiquable dans ses fondements pour des socialistes (bien plus dans ses méthodes 😉 !).
Le système de mutualisation semble avoir bien fonctionné jusque dans les années 2000, sous les deux mandats de Pierre Maille. Un précédent maire socialiste qui fut le président fondateur de cette petite association et, n’en doutons pas, un des penseurs de ce système mutualiste qui avait vocation à soutenir les moins bien lotis. À l'issue du dernier mandat de maire de Pierre Maille, le compte semble avoir été très bénéficiaire, malgré un engagement de l'association très au-delà du seul système de compensation des pertes de salaires [2].
La prise de pouvoir
À partir des années 2000, la Caisse noire passe sous le seul contrôle de messieurs Masson et Polard. Ils deviennent les seuls à disposer de l'historique, de la vision et des droits sur le compte bancaire. De plus, comme nous l’avons vu dans une précédente note (ici), l’association n’a plus aucune vie délibérative depuis longtemps. De fait, elle n'existe plus réellement. Seul existe le Groupe des élus socialistes municipaux chapeauté par Alain Masson, lui-même désigné d'autorité « Président de Groupe » par le maire, François Cuillandre. Le fil est coupé avec l'antériorité historique du compte qui devient une Caisse noire, la Caisse noire du Groupe de la majorité municipale, sans plus aucun contrôle que celui de Jean-Luc Polard. Même Alain Masson ne semble guère s'intéresser à l'argent qui circule sur ce compte. Alain Masson et François Cuillandre vont laisser Jean-Luc Polard gérer ce compte et faire le sale boulot, puisque c'est sous sa plume, et donc son consentement, que vont se faire tous les détournements.
Tous les mois, l'ensemble des indemnités des élus socialistes de Brest, hormis celles de messieurs Cuillandre et Masson, tombent sur le compte [3]. Jean-Luc Polard se charge ensuite de reverser leur manque à gagner sur salaire aux élus qui le demandent [4], et ce qu'ils appelaient une « prime d'habillement » commune à tous les élus. De 2008 à 2014, va aussi se greffer la « prime nounou », pour ceux qui ont de jeunes enfants.
Ça, c'était la vitrine officielle, le front office du système qui lui donnait toute sa légitimité, sa vertu. Une raison d'être qui laissait croire qu'en nous y opposant, nous remettions en cause notre engagement sur la liste, mais aussi nos valeurs socialistes.
La perception des indemnités et le versement des pertes sur salaire étaient bien-sûr le gros des volumes qui rentraient et sortaient du compte mensuellement. Mais derrière ces marées montantes et descendantes du compte, il va y avoir beaucoup d'évaporation, en dehors de toutes règles connues et seulement à la main du trio de tête. J'ai déjà détaillé cela dans mes précédentes notes et dans le livre, je n'y reviens donc pas ici.
Le système se tend et se fissure
C'est en 2014, au début du 3ème mandat de maire de François Cuillandre, que les choses vont commencer à se fissurer. Jean-Luc Polard va évoquer le fait que les indemnités reversées sur le compte couvrent tout juste les remboursements de salaires. Les entrées n'arrivent plus vraiment à équilibrer les sorties. Cette nouvelle donne conduit à l'arrêt rapide de la « prime nounou » et les nouveaux entrants du mandat (notamment des femmes) ne furent pas remboursés totalement de leur perte de salaire, comme il se devait.
Nous ne l'avons appris qu'après, mais certains élus devinrent financièrement perdants du fait de leurs activités liées à leur mandat. Ces élus avaient autorisé en confiance le reversement de leurs indemnités sur le compte, mais ils ne touchaient en retour qu'une faible part de leur perte de revenus. Le contrat moral était rompu. Certains vont d'ailleurs s'en plaindre directement à François Cuillandre, qui ne bougea pas le petit doigt et les renverra vers messieurs Masson et Polard. Un sentiment d'injustice se créa lentement, fort peu compatible avec l'idéal socialiste convoqué comme la raison d'être du système. Au fil du mandat, un fort besoin de transparence va naître de cela.
De façon amusante et comme il est le seul à avoir une vision globale sur l'économie du compte, Jean-Luc Polard va nous expliquer que ce déséquilibre vient du changement dans la sociologie des nouveaux élus. Comme il y avait de plus en plus d'élus « cadre » (dont je faisais partie, mais il n'y avait pas que moi bien-sûr), avec des salaires soi-disant plus conséquents, cela avait créé un déséquilibre dans les remboursements qui avait conduit à vider les caisses. Le système vertueux ne permettait donc plus de maintenir un équilibre financier. Des élus « perdants du système » vont alors redemander plus de transparence sur la comptabilité. Une réunion va être organisée (la seule sur 17 ans !). Lors de celle-ci, Jean-Luc Polard va nous exprimer à nouveau le même discours, en présence de messieurs Cuillandre, Masson. Pour appuyer son propos, il va nous montrer quelques chiffres anonymisés sur les remboursements mensuels de salaires, mais absolument rien sur l’autre comptabilité, celle qui se cache derrière. Cette réunion des élus socialistes, en présence du maire et donc sous son autorité, va calmer le jeu un temps.
Ce gros bobard témoigne bien de la perversion de ce système opaque qui s'est toujours auto-protégé en accusant d’autres, jouant de la culpabilité individuelle des personnes honnêtes, pour masquer des détournements d'argent plutôt décomplexés.
Maintenant que les comptes sont connus, il est clair que ce ne sont pas les « jeunes élus cadres » qui ont vidé la Caisse noire et déséquilibré le système « mutualiste ». Certains d'entre eux furent d'ailleurs globalement déficitaires et quelques autres, comme moi, faiblement bénéficiaires tous les mois. La réalité de ce qui a créé le déséquilibre financier qui a commencé par vider les caisses à partir de 2001, puis qui a mis en difficulté le système de mutualisation à partir de 2014, ce sont d'abord les deux personnes qui ont commencé à ne plus reverser d'argent sur le compte, messieurs Masson et Cuillandre, puis les « prêts » non remboursés et les dépenses plus « personnelles ». Là, ces déséquilibres ne se comptent pas en milliers d'euros, mais en centaines de milliers d'euros sur 17 ans. Notons que les prêts remboursés n'eurent pas d'influence sur la durée, ils furent neutres.
La réalité brute est donc que la majeure partie du déséquilibre de l'après 2001 ne fut pas liée au changement de sociologie des élus au fil des mandats, mais reposa donc sur des décisions structurelles, en lien avec deux personnes, qui étaient aussi au sommet de la hiérarchie de ce système sur cette période.
Le basculement
L'histoire va basculer à l'automne 2017, lorsqu'un journaliste va entendre parler de ce système opaque au cœur du fonctionnement des élus de la mairie de Brest. Il va douter de sa légalité et flairer les inévitables débordements d'un système en boucle ouverte. Il va commencer à enquêter sur l'association fantôme, en ayant toutes les peines du monde à la retrouver… Et pour cause, elle n'existe plus vraiment ! Alain Masson et Jean-Luc Polard vont alors recevoir une série de questions pointues sur le fonctionnement du fameux compte et de la mutualisation. Quelques mois plus tard, en mars 2018, sortit le premier article dans le Télégramme qui mettait en cause « la fin d’un système » (ici).
Par suite des premières questions du journaliste, la confiance des responsables du compte va s’effilocher. Début 2018, les élus versant leurs indemnités sur le compte vont avoir la consigne de demander à la RH de la métropole de les toucher sur leur propre compte, comme cela aurait dû toujours être le cas. Durant deux ou trois mois, il nous fut exigé de reverser une quote-part de nos indemnités sur le compte. Cette Caisse noire « nouvelle formule » ne payait plus les pertes sur salaires, mais permettait juste le financement des temps de rencontre entre élus socialistes, y compris le maire, autour d’un PPVR [5]. Il était logique que tous les élus socialistes cotisent. Alain Masson se mit à verser sa quote-part sur le compte, mais là encore, jamais François Cuillandre.
Le 1er mars 2018, le premier article dans la presse ébranla tous les élus participants au système. Nous fûmes une majorité à arrêter de notre propre chef les versements, dès mars ou avril. Les versements sur le compte se tarirent au printemps 2018. Le compte servira ensuite majoritairement à payer des sommes dues, des repas du groupe socialiste (PPVR) et des frais d'avocats.
Fin novembre 2018, le compte s'arrêta brutalement de fonctionner lorsque l'affaire explosa dans la presse, révélant des doubles perceptions d'Alain Masson, semant un doute légitime sur la sincérité des paroles et des déclarations des responsables de la majorité. Le maire demanda la démission de messieurs Masson puis Polard, à la fois pour calmer l'emballement médiatique, mais aussi pour sauver sa propre majorité qui exigeait avec virulence que des têtes soient coupées.
De la Caisse noire, au compte associatif
En décembre 2018, une fois la sidération passée, nous allons nous retrouver dans une situation très particulière. Nous étions face à une association qui n'avait plus existé officiellement depuis 1988, dont nous ne savions pas vraiment qui en était membre [6], mais qui était le seul « véhicule institutionnel » ayant le pouvoir de nommer de nouvelles personnes en charge du fameux compte bancaire, connu officiellement de la banque comme étant un compte associatif. Assez légitimement, au regard du rôle de fusible qui leur fut réservé, messieurs Masson et Polard avaient décidé de se mettre en retrait et de ne plus rien toucher. La justice avait saisi l’historique du compte sur 10 ans très facilement. Pour notre part, nous étions dans l'incapacité d'y avoir accès pour connaître les potentiels détournements qui s'y cachaient et donner des réponses à une opinion publique très interpellée par l'affaire.
Début 2019, et alors que nous ne connaissions absolument rien du dossier, Yann Guével, qui prendra la suite d'Alain Masson au sein du Groupe socialiste et auprès du maire, demanda à chaque élu ayant versé ses indemnités sur le compte de signer un document attestant du caractère volontaire de leur versement, pour prévenir tout risque de contestation en justice d'un élu.
En mars 2019, François Cuillandre demanda à 4 élus de confiance (dont je faisais alors partie !) de retranscrire les relevés de compte papiers, fournis par Jean-Luc Polard. Il s'agissait de connaître les différents mouvements de compte en possession de la Justice. En quelques semaines, nous allons saisir dans un tableur Excel les plus de 9 000 mouvements du compte bancaire, entre mars 2009 et novembre 2018.
En parallèle de ce travail très chronophage, nous allons remonter l'association Vivre à Brest de toute pièce, en commençant par réécrire complètement des statuts viables et nommer un bureau collégial. Cette étape commença par la convocation d'une assemblée générale extraordinaire de l'association, le 19 juin 2019.
La convocation fut signée par tous ceux qui se considéraient alors comme membres de l'association. À mon grand étonnement, François Cuillandre signa cette convocation de l'assemblée générale, se positionnant de lui-même comme membre de l'association, légitime pour décider de son avenir. Les nouveaux statuts mentionnaient le paiement d'une cotisation de 10 € pour chaque membre. La grande majorité des membres signataires de l'assemblée générale la payèrent, mais une fois encore, jamais le maire ! Dans cette affaire, François Cuillandre fut toujours là au moment des décisions stratégiques, mais oublia systématiquement de payer sa part au collectif !
Trente ans après les derniers statuts connus de 1988, la Caisse noire redevint le compte bancaire de l'association Vivre à Brest, arrimée à des statuts fraîchement réécrits en version 2019. À partir du 19 juin 2019, avec une autre élue, Patricia Salaün-Kerhornou, j’eu la mission de reprendre en gestion le compte bancaire.
Le 30 août 2019, après plusieurs semaines de tractation avec la banque qui, on l'imagine, avait suivi l'affaire et connaissait le caractère sulfureux du compte, nous avons pu reprendre le contrôle du compte. Nous avons alors découvert qu'il restait placé 45 656,40 €, sur 3 comptes courants et 2 livrets.
En dehors de percevoir les cotisations de 10 € et de payer un avocat pour se porter partie civile en tant qu'association dans l'affaire [7], les comptes ne bougeront pas en 2019.
En novembre 2019, Yann Guével me demanda de démissionner de mes responsabilités au bureau de l'association, ainsi qu'à une autre élue, Isabelle Melscoët. L'argument de cette éviction arbitraire fut que les autres élus socialistes n'avaient plus confiance en nous pour gérer l'association, car nous avions fait le choix de ne pas nous représenter sur la liste de François Cuillandre aux municipales de 2020. Chacun se fera son idée sur la logique du lien évident entre les deux faits ! 😉
Elections municipales puis confinement passèrent par-là. Il semble que la vie du compte fût calme durant ces périodes chargées par d’autres sujets plus importants.
Une association toujours aussi mal gérée
Le 11 décembre 2020, nous avons reçu un mail de convocation d'une Assemblée générale, 6 jours plus tard, alors que les jolis nouveaux statuts mentionnaient un préavis de « quinze jours au moins avant la date fixée ». Le mail était quasi anonyme, juste signé : « Le Conseil d’administration », avec un lien vers une visioconférence Zoom.
Quatre jours avant l'Assemblée générale, je reçus un mail désopilant de madame Salaün-Kerhornou, me demandant si j'avais conservé les comptes de l'association, car elle les avait perdus. Il y a décidément eu une constance dans cette association, c'est l'incapacité de ses responsables à suivre les règles et la nullité de sa gestion financière.
J'y répondrai en donnant ma démission. Bien qu'étant resté membre, à jour de ma cotisation statutaire, je n'avais plus eu aucune nouvelle depuis un an, alors que des échanges intéressant tous les membres avaient eu lieu avec la CRC. Le titre d'adhérent à l'association apparaissait comme une mascarade. En un an, l'association Vivre à Brest avait repris ses vieux travers d'opacité autour des intérêts du maire et une absence de gestion.
Sept mois plus tard, fin juin 2021, l'association se fendit d'un courrier de réponse argumenté à la Chambre Régionale des Comptes à la suite du rapport d’enquête sur l'association. D'après certaines sources, un cabinet d'avocats parisien aurait été sollicité pour faire ce courrier en défense : Le cabinet GAA - Goutal, Alibert & Associés. Il aurait coûté plus de 6 000 € au compte de l'association. Cela fait cher pour 6 pages qui ne disent rien, si ce n'est remettre toute la faute sur le dos de messieurs Masson et Polard et laisser croire que le maire n'a rien eu à se reprocher dans l'affaire ! C'était feu la période où le maire de Brest clamait son innocence. Nous noterons que se payer des conseils pour tenter de masquer la vérité derrière des bons mots, coûte souvent fort cher…
Lors de l'audience de CRPC de novembre 2023 qui reconnut François Cuillandre coupable de recel d'abus de confiance, l'avocat de l'association Vivre à Brest a affirmé que le délinquant avait remboursé à l'association, avant l'audience, les 4 000 € « empruntés » à la Caisse noire… en 2012.
Si nous faisons les totaux, il devrait donc rester environ 40 000 € sur le compte de l’association Vivre à Brest, reconstituée en 2019. Une somme surtout issue du fonctionnement passé de la Caisse noire de la majorité de François Cuillandre.
Que vont devenir les 40 000 € ?
Lorsque l'affaire avait éclaté en novembre 2019, nombre d'élus ayant participé au système de mutualisation avaient plaidé pour une dissolution de l'association, une fois la dimension judiciaire conclue. Cette dissolution conduisait de fait à une liquidation de l'actif, avec des solutions simples, comme reverser le « boni » à une association d'intérêt général, à une collectivité ou même tout simplement au CCAS de la ville [8]. J'étais aussi de cet avis qui me semblait porté par la raison. Compte tenu de l’histoire honteuse de cette association, un geste de solidarité ne pouvait pas nuire à sa conclusion. Objectivement, nous en sommes à cette étape aujourd'hui.
Dans la très grande opacité qui règne toujours autour de cette association, la question de la liquidation des biens se pose. Que vont faire les derniers élus socialistes qui ont payé en 2023 leur cotisation de 10 € à l’association Vivre à Brest ?
Au regard de l'honnêteté et de la rigueur qui a entouré ce compte depuis 40 ans, il est possible d'imaginer moulte scénario ! Certains élus « socialistes » ne pourraient-ils pas être tentés de récupérer un peu d'argent dans la caisse, sans que personne en dehors ne le voit ?! François Cuillandre, lui-même, ne pourrait-il pas prendre une cotisation à 10 € (ce serait bien la première fois !) et demander à se faire rembourser les 4 000 € qu'il a versés ou même se faire payer les 3 000 € de condamnation par la justice dans cette affaire ?! Qui sait ? Qui saura ? Sans information, sans transparence et au regard du passé, tout peut-être imaginé.
En la matière, le droit des associations est très clair. Il dit bien que le boni de liquidation ne peut être distribué aux membres de l'association. Les adhérents ne peuvent pas non plus demander le remboursement de leurs cotisations. Nous pouvons donc espérer que les scénario du dessus ne seront pas mis en oeuvre ...
Pour faire toute transparence sur cette fin d’histoire assez pathétique pour les élus socialistes brestois, les 40 000 € de Vivre à Brest devraient donc être donnés à une fondation ou un établissement public. Nous sommes impatients d'entendre ce que vont faire nos honorables élus socialistes brestois, encore membres de l'association.
Le pire n'est pas toujours certain !
La dernière option, qui serait la pire, mais aussi la plus signifiante sur ce que continuent à être les élus de cette majorité, serait de laisser se poursuivre l'association sans la dissoudre. Une façon de se faire oublier et garder sous la main l'argent de la Caisse noire, afin d'en faire un usage que nous ne connaitrons jamais. Les procès sur les campagnes de Nicolas Sarkozy sont là pour témoigner de l’imagination sans limites des responsables politiques, à l’approche des élections, lorsque plus personne ne contrôle rien et dans un entre-soi d’intérêts bien entendus.
Ce serait en quelque sorte perpétuer l'esprit de Vivre à Brest : une dérive malhonnête d'élus, au plus haut de la hiérarchie municipale brestoise, profitant sans complexe de l'opacité et de l'argent détourné.
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[1] On ne connaît pas dans le détail les raisons qui faisaient que des élus étaient « bénéficiaires ». Il y a bien sûr eu les retraités, qui ne perdaient pas d'argent du fait de leur engagement, leurs indemnités allant directement dans la case « bénéfice supplémentaire ». Mais il semble y avoir eu d'autres cas. Certains élus travaillant à l'Arsenal, dans la fonction publique ou détachés dans un syndicat ne cachèrent pas que leur engagement municipal ne conduisait pas à des pertes de salaires, malgré peu de présence à leur poste. D'autres travaillaient pour des élus politiques (députés ou ministres) qui leur laissaient une grande liberté d’action, sans perte de salaire. C'était clairement une autre époque, celle dont émergera la notion « d'emploi fictif », avec des règles assez différentes côté employeur et un regard différent de la société en général. Les années 1980-2000, avec la montée du chômage de masse, changèrent les rapports vis-à-vis de ces fonctionnements... pas des plus éthiques.
[2] Ce compte va aussi servir à financer des locaux politiques, aussi bien à Brest où une grande salle de 250 m² fut construite, très largement, voire en totalité, payée à partir de 1996 par cette Caisse noire et pour des montants très conséquents. Mais il y eut aussi quelques « facilitations financières » pour le Parti Socialiste de Plouzané et la Fédération de Quimper.
[3] Pour être complet et en fonction des mandats, deux autres élus vont aussi se soustraire du dispositif de mutualisation. Il s'agit de messieurs Sawicki et Salami. Le premier est dentiste et ses pertes sur salaire étaient bien supérieures à ce que le compte était capable de rembourser. Il fut donc décidé par Alain Masson de lui permettre de toucher ses indemnités en direct. Le second va participer à la mutualisation pendant un mandat avant de s'y opposer et de contraindre Alain Masson, avec qui il était en forte opposition, à le laisser sortir du dispositif de mutualisation et à toucher ses indemnités en direct. Mais le cas de ces deux élus n'est pas comparable à celui de messieurs Masson et Cuillandre. Aucun des deux n'a caché sa situation ou n'a caché l'antériorité (sauf en Conseil municipal plus récemment, lire ici). De plus, aucun des deux n'était décisionnaire dans le dispositif.
[4] Nous avons vu dans la précédente note (ici) que cette seule règle affichée de remboursement de perte sur salaire était fort peu encadrée et avait quelques dérogations. Ainsi, une des élues les plus bénéficiaires du système (encore élue aujourd’hui) fut une élue ne travaillant pas et ne pouvant donc pas revendiquer de « perte sur salaire ». Il semble donc aussi clairement y avoir eu des jeux d’influences et des copinages.
[5] Le fameux Pain Pâté Vin Rouge brestois, qui s'apparentait dans ce cas à un pique-nique sur table, dans une des salles du Parti Socialiste brestois, louées à la mairie et la métropole de Brest au titre des m² des groupes politiques. Des rencontres sur le temps du midi-deux durant lesquelles nous relisions les délibérations avant les conseils et nous discutions de dossiers politiques particuliers. Un repas très équilibré, entre charcuteries en tout genre, salades toutes faites et chips, agrémenté d'un coup de pif, comme disaient certains !
[6] Les derniers documents écrits en lien avec l'association Vivre à Brest datent de 1988. Après, plus rien. Lors de l'enquête, Alain Masson revendiqua être le président de l'association, car il s'appelait lui-même ainsi, mais absolument rien ne l'atteste. Dans ses fonctions au sein du Groupe de la majorité où il était aussi appelé « président », il avait plutôt le rôle de « secrétaire général ». Le rôle que l'on attribue généralement à un président dans une association, en tant que garant de la moralité et des orientations, était tenu logiquement par le maire. Ce n'est pas un hasard si le premier président de l'association fut Pierre Maille.
Jean-Luc Polard pouvait plus légitimement prétendre à être « trésorier », car c'était bien lui qui tenait tous les comptes. Pour le reste, aucun des élus passés ou présents ne savait s'ils étaient membres ou pas d'une association qui n'existait plus réellement. Nous avions tous pleinement conscience d'être membres de la majorité de François Cuillandre, mais pour le reste, nous n'avions aucune information. Nous ne posions pas de question, car nous n'avions tout simplement pas connaissance de tout cela. Tout reposait sur la confiance envers les trois personnes citées, que nous estimions intègres et tout à fait compétentes pour organiser cette mutualisation, dans les règles des lois (rappelons que le maire est un ancien inspecteur des impôts, par ailleurs professeur de finances publiques à l'UBO).
[7] Afin de montrer que nous avions été abusés par Alain Masson et Jean-Luc Polard, il avait décidé que les élus socialistes, à nouveau réunis en association, se portent partie civile dans l'affaire et de le faire savoir. Ce n'est qu'après que nous apprendrons que François Cuillandre était mouillé dans l'affaire et fut mis sur écoute, puis mis en garde à vue, avant d'être finalement mis en examen. Je doute un peu que l'on nous ait poussé à nous porter partie civile si nous avions su dès le départ, que l'Affaire Vivre à Brest, nommée l'Affaire Masson par le maire, allait aussi devenir l'Affaire Cuillandre.
[8] Je doute que l’association puisse transmettre au Parti Socialiste, car les dons aux partis sont encadrés par la loi et ne peuvent plus être faits que par des personnes physiques. Les entreprises et les associations n’ont légalement pas le droit de donner à un parti politique.
Je dois dire que j'ai été passablement agacé en lisant le Télégramme samedi matin (ici). L'article retraçant les échanges en Conseil de métropole sur l'affaire Vivre à Brest témoigne bien de ce qui était à craindre. Une fois la pression du jugement retombée et même s'il y a eu condamnation, l'histoire est vite réécrite et le fond du dossier oublié.
On aurait pu espérer qu'à quelques jours de sa condamnation, le maire ferait profil bas, comme cela fut le cas devant la juge, lors de l’audience de CRPC que j'ai racontée ici. Il aurait pu faire amende honorable et bien non, il ne l'a pas fait. Comme depuis plus de 20 ans, lors des repas de pré-conseil à Kerbriant, les contre-arguments avaient été affutés, les rôles distribués et il ne restait plus qu'à contrecarrer fermement quiconque oserait évoquer le sujet. Aidé de trois valeureux vice-présidents venus à sa rescousse, monsieur Cuillandre semble avoir fait feu de tout bois pour tordre la réalité de ce que furent les dessous de l’affaire Vivre à Brest.
Je ne comptais pas évoquer ce que je vais écrire ci-après, mais ce Conseil montre à quel point ces élus au pouvoir à Brest sont dans l’affirmation décomplexée de contre-vérités déniant toute réalité de ce qui fut mis au jour par l'affaire.
Commençons par les propos de monsieur Cuillandre, retenus par le journaliste du Télégramme dans l'article :
« Moi, dans l’affaire Vivre à Brest, j’ai laissé 100 000 € de cotisations. J’ai dû emprunter 4 000 € pour mon fils, que j’ai remboursés. »
A l'entendre, il serait presque la victime de cette affaire, dans laquelle il vient d'être condamné pour recel d'abus de confiance ! Mais le problème n'est pas là, il est sur le fond de l'affirmation.
Une bonne fois pour toute, il faut arrêter de laisser croire que les 4 000 € étaient « pour son fils ». Un rapport de la police judiciaire a analysé scrupuleusement les comptes de monsieur Cuillandre durant l'enquête et conclut :
« Suite à l'encaissement du chèque de 4 000 € le 22/08/2012 provenant de l'association "Vivre à Brest" sur le compte n°XXXXXXX de M. François Cuillandre, ne constatons aucun mouvement en faveur du fils de M. Cuillandre ni aucune dépense en relation avec l'achat de matériel de pêche. »
Stop à l’intox. S'il est vrai que monsieur Cuillandre a versé quelques milliers d’euros à son fils plusieurs semaines avant, probablement en lien avec son activité professionnelle, comme le dit le rapport de police, il est largement abusif de lier cela aux 4 000 € pris dans la Caisse noire du système Vivre à Brest. Pourquoi ?
En 2012, année où ce « prêt » est contracté avec la Caisse noire, monsieur Cuillandre dispose de plus de 100 000 € net de revenu, d’après sa propre déclaration HATVP (8620 € net/mois), principalement au titre de ses indemnités de maire/président et de façon secondaire, en tant qu’enseignant chercheur. Lorsque l'on dispose de ces sommes-là en revenu, normalement, on n’a pas besoin d’aller taper dans une obscure Caisse noire, financée par d'autres, même pour aider son fils. Soit on prend sur son épargne personnelle, soit on demande à sa banque de faire un prêt à la consommation, et elle s'occupe gentiment de nous le faire rembourser. C’est ainsi pour la très grande majorité des Français, qui sont bien loin de toucher plus de 8 600 €/mois [1].
Alors pourquoi monsieur Cuillandre va aller taper dans la caisse de mutualisation des autres élus socialistes ?
Devant la juge d'instruction qui lui a posé la question, le prévenu fut moins arrogant que vendredi dernier, sur son perchoir de président de la Métropole, face à son opposition. Le 17 octobre 2019, lors de sa comparution devant la juge d’instruction, l’argument du fiston ne va pas tenir longtemps. La réponse, monsieur Cuillandre va finalement la donner à la juge. La véritable raison au fait de ne pas avoir contracté un prêt personnel dans une banque permettant de couvrir les 4 000 € est très claire : « Parce que j'aurais été en surendettement. »
C’est une réalité des non-dits de l’affaire Vivre à Brest. Une vérité gênante à exprimer sur celui que les rumeurs accusaient plutôt d'avoir acquis un triplex aux Capucins, grâce à ses hauts revenus de maire/président, comme il s'en défendait lui-même. Une réalité qui explique une large part de la longévité du système Vivre à Brest, qui lui bénéficiait financièrement de multiples façons. Une réalité qui explique le fait que monsieur Cuillandre n’ait plus contribué à la mutualisation, contrairement à son prédécesseur, Pierre Maille. Une réalité qui explique les nombreuses années d'impayés de ses cotisations d'élu au Parti Socialiste, malgré ses hauts revenus mensuels. En 2012, non seulement monsieur Cuillandre n’avait aucune épargne personnelle en capacité à assumer des comptes personnels négatifs, mais il était au bord du surendettement, comme il l'avoua à la juge d'instruction. Voilà la vraie raison pour laquelle il s’est retourné vers Jean-Luc Polard et s’est servi dans la Caisse noire.
On aurait pu espérer pour lui une situation précaire, très temporaire. Mais en 2016, il sollicita Jean-Luc Polard à nouveau pour 2 000 €, afin de payer un bout de ses cotisations dues au Parti Socialiste. C’est par 4 chèques de 500 € qu’il remboursa, 8 mois plus tard, en 2017. Cinq ans après 2012, alors que sa déclaration HATVP montre qu’il touchait alors 113 000 €/an net (9400 € net/mois), il n'était toujours pas capable de payer les 6 000 à 7 000 € de cotisation d'élu. Il va donc devoir emprunter à nouveau 2 000 € pour s'affranchir seulement d'un tiers des cotisations qu'il doit cette année-là.
Alors, quand ce weekend, je lis qu'il a rétorqué publiquement avoir emprunté 4 000 € à l’association « pour son fils », les bras m’en tombent. L’aide à ses enfants n’est pas niée, mais objectivement, ce n'est pas l'aide qu'il va apporter à son fils qui le conduit à emprunter 4 000 € dans la Caisse noire et à ne pas les rembourser, c’est sa gestion financière personnelle.
En jouant sur la corde sensible paternelle, monsieur Cuillandre se moque des Brestois comme il s'était moqué de nous en 2019, en nous racontant aussi cette histoire pour se justifier des 4 000 € non remboursés. En 2019, je l'avais cru sincèrement, mais plus aujourd'hui, car ce n'est tout simplement pas la réalité. L'enquête de police l'a mis au jour et il a exprimé lui-même la réalité des faits dans le bureau de la Juge d'instruction. Il est honteux que, du haut de son statut de président de la Métropole, monsieur Cuillandre nous ressorte ces arguments démontés par la Justice.
Au-delà de la contre-vérité énoncée froidement dans le seul but d'avoir le dernier mot et de moucher son opposition, la gestion personnelle du maire/président est très préoccupante à la tête d’une collectivité qui gère 3 milliards d’argent public par mandat et qui est sur le point de s’endetter gravement pour faire bonne figure en 2026. Un surendettement qui ne laissera plus aucune capacité financière à notre collectivité pour les mandats futurs.
Il est aussi très questionnant de lire le même jour que la ville de Brest va faire un chèque de 15 millions d’euros à la métropole, soi-disant pour le chantier du tramway, alors que c’est quasiment la somme que la métropole va injecter en direct ou via ses EPL dans un nouveau stade qui nous avait été vendu financé à 100 % par le privé et sans argent public. Là encore, on a vraiment l'impression de se faire mener en bateau par cette équipe prête à tout pour faire passer des projets très controversés, aux prises de décisions opaques avec des acteurs privés et sans débat public réel.
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Quant aux 100 000 € que monsieur Cuillandre affirme avoir laissés dans l’affaire Vivre à Brest. Là encore, il refait l’histoire. S’il a « laissé » 100 000 €, c’est qu’il n’avait pas ou très peu de perte de salaire [2]. C'était le principe (socialiste) du système de mutualisation vers des simples élus municipaux qui « ne comptaient pas leur temps », comme il l’a lui-même dit avant de se faire rattraper par la Justice. Il peut difficilement aujourd’hui le contester, après avoir plaidé pour la vertu du système et avoir laissé ses deux bras droits l'imposer aux autres élus pendant ses trois premiers mandats, en prenant soin de ne plus y participer lui-même.
À entendre celui qui se présentait comme agent du ministère des Finances et ex-inspecteur des impôts (sans compter professeur de finances publiques !), si on paye ses impôts pendant des années, cela donne-t-il le droit de frauder quelques années plus tard ? « Ben oui, mon cher monsieur, avec tout ce que j’ai payé par le passé, vous n’allez pas me reprocher ce petit oubli ! » Quel inspecteur des impôts digne de ce nom accepterait ce discours ? C'est juste absurde comme argument.
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Sur les autres interventions, nous retiendrons que de parler d'éthique en politique et de vérité des faits est de la « basse politique » qui entretient un « discours du tous pourris » pour monsieur Guével. Très amusant comment il clôt un débat, en laissant croire que parler d'absence de probité porterait la responsabilité de la montée des extrêmes. Ce sont bien ceux qui agissent de façon malhonnête et n'en tirent pas les conclusions pour eux-mêmes, qui détruisent la confiance des Français dans leurs responsables politiques. Monsieur Guével tente de nous la faire à l'envers, comme on dit ! Voilà une jolie posture de « dominant », comme celles qui ont permis aux affaires de harcèlement de perdurer si longtemps, par exemple. Une façon de faire qui pourrait largement s'apparenter à ce que l'on nomme aussi : Omerta !
Monsieur Nédélec s'y prend autrement, par les sentiments. C’est souvent le cas lorsque l’on manque d’arguments. Il a regretté l'absence de positivité des propos de l'opposition sur cette affaire, invitant « à sourire, à être plus bienveillant et à adresser des félicitations ». Bon, il ne semble pas s’être foulé pour défendre son président. Nous sommes en plein dans le sujet de fond. Merci pour son intense réflexion et contribution. C'était rafraichissant !
Enfin et c'est rare, Monsieur Gourtay est monté au créneau en exprimant, son sentiment à l’égard des propos de madame Malgorn : « J'ai trouvé votre intervention dure, excessive. Elle concourt au sentiment de rejet de l'action publique. » J'avoue que celle-là, je ne m'y attendais pas, surtout venant de sa part. Je retiens la citation, je saurai la ressortir en temps voulu... à ce cher monsieur Gourtay.
Au bilan, un échange assez pathétique qui témoigne que la majorité municipale de Brest est dans le déni complet de ce qui s'est passé durant trois mandats avec l'affaire Vivre à Brest. Elle n'a toujours pas compris la fuite en avant dans laquelle elle est entraînée et qui risque de coûter fort cher aux Brestois.
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N.B.1 : j’ai longtemps hésité avant de publier cette note à laquelle j’avais pourtant souvent pensé. Sur ce blog, je n’ai ni l’envie, ni l’habitude de révéler des faits personnels, comme je viens de le faire. Je trouve normal que les personnalités publiques aient le droit à une vie privée.
Pourtant, parfois, malheureusement souvent, le privé interfère avec l’action publique, comme ce fut le cas dans cette affaire. Il est très difficile de comprendre les ressorts qui ont fait perdurer aussi longtemps un système corrompu comme celui de Vivre à Brest, sans chercher à comprendre ce qui a poussé messieurs Masson, Polard et Cuillandre à agir ainsi. Forcément, une part de vérité relève de la sphère privée, car les usages de l’argent détourné le furent aussi. Monsieur Cuillandre n'hésite d'ailleurs pas lui-même à mettre en avant son fils, pour justifier son acte et sa condamnation.
La seconde raison qui m’a poussé à faire la transparence sur ce point, que je n’avais jamais évoqué auparavant, y compris dans mon livre, c’est la décomplexion des attaques publiques que ces élus se permettent en plein Conseil, à l'égard de celles et ceux qui leur demandent juste des réponses sincères. Encore une fois, ont été ressorties les fausses raisons et surtout, un rejet de toute forme d’autocritique très inquiétante pour des responsables publics, malgré une condamnation bien réelle, il y a juste quelques jours.
Enfin, et c’est la dernière raison qui m’a conduit à exposer ces faits dans cette note, je trouve très inquiétant que notre ville soit dirigée par une personne fort bien rémunérée, techniquement compétente en matière de gestion financière, mais sujette à du surendettement. C’est bien-sûr inquiétant pour les finances de nos deux collectivités, mais c’est aussi inquiétant parce que cette fragilité augmente très significativement la sensibilité aux conflits d’intérêts, dans la pratique des responsabilités publiques. L’existence de l’affaire Vivre à Brest, que monsieur Cuillandre aurait pu stopper dès son premier mandat, plutôt que d’en faire le recel, en est l’exemple même. Je trouve tout aussi inquiétant de voir tous ces élus socialistes, tout comme moi très au courant de cette affaire, continuer à soutenir sans rien dire cette fuite en avant. Un système toxique autour de dépendances financières d'élus à leurs indemnités, avec lequel le maire joue en menaçant de retirer les délégations (et les indemnités) aux « camarades » moins soutenant.
Ce sont ces raisons, complètement en lien avec le débat public et notre démocratie locale, qui m’ont poussé à franchir ce pas que j’aurai préféré éviter. Mais comme l’a dit un homme sage : « Celui qui voit un problème et qui ne fait rien, fait partie du problème. »
Cela fait maintenant plusieurs années que j’ai pris la sage décision de ne plus faire partie du problème au sein de l’exécutif des deux collectivités brestoises.
N.B.2 : pour ceux qui ne l'ont pas encore compris, je viens d'écrire dans cette note pourquoi le maire de Brest s'est présenté pour un quatrième mandat en 2020. Pourquoi aussi, depuis le début du mandat, il réfléchit sérieusement à se représenter pour un cinquième mandat en 2026. Ce n'est clairement pas pour une vision politique pour Brest.
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[1] D'après l'Observatoire des inégalités, plus de 98 % des Français ont un revenu inférieur à 8000 € net/mois, avant impôt. Monsieur Cuillandre ne se classe donc pas dans les plus démunis de la population.
[2] Rappelons aussi que durant ces années-là, monsieur Cuillandre était censé travailler pour Louis Le Pensec. Il me raconta lui-même que ce dernier n'était pas très regardant sur ses activités. Il était de plus premier fédéral en Finistère et adjoint de Pierre Maille à la ville de Brest, chargé de l’environnement (ça fait sourire 😊 ). A priori, c’est moins en tant qu'adjoint à l'environnement qu'en tant que premier fédéral qu’il a laissé des souvenirs.
À la suite de la CRPC (Comparution pour Reconnaissance Préalable de Culpabilité) ayant vu monsieur Cuillandre condamné pour recel d'abus de confiance, l'affaire Vivre à Brest est close. La décision très discutable du procureur de Brest d'offrir au maire une justice dérogatoire à ce qu'avait proposé la juge d'instruction conduit au classement de l'affaire, sans possibilité de contester ou d'aller plus en avant pour faire la vérité. L’opacité restera donc sur le système de gouvernance brestois, qui aura existé de 2001 à 2017 et qui continue à produire ses effets encore aujourd'hui.
Dans les affaires qui secouent en ce moment même notre démocratie, au plus haut sommet des responsabilités, les audiences correctionnelles montrent comment les juges se font une opinion beaucoup plus éclairée sur le fond d’une affaire. Le travail d’un juge d’instruction est, comme son nom l’indique, de rassembler des faits. C’est l'audience correctionnelle qui permet de faire intervenir, de questionner, de croiser les témoignages des accusés, des parties civiles et aussi aux citoyens et à la presse de pouvoir écouter et se faire son opinion. À Brest, le mois dernier, le procureur nous a privés de cet espace de discussion, de confrontation et de justice [1]. Ce n'est pas pour autant qu'il faut passer à autre chose sans poser les questions qui dérangent.
Lors d'une audience correctionnelle, au moins trois sujets auraient mérité d'être questionnés sur leur sincérité. Derrière ces seules trois questions, probablement qu’une autre réalité, une autre histoire, serait apparue aux yeux de tous. Je vous propose donc, dans cette presque dernière note sur l'affaire, de s'autoriser à lever le tapis sous lequel ont été balayées trois grandes vérités qui divergent profondément du discours qui nous a été servi :
Une association … qui n’existait plus
Le premier point essentiel qu'il aurait fallu clarifier lors d'une audience correctionnelle est l'espace dans lequel s'est déroulée l'affaire dite Vivre à Brest.
Depuis le départ, l'affaire tire son nom de celui d'une association créée le 15 janvier 1985 par Pierre Maille, avec pour objet statutaire « d'éditer la publication "Vivre à Brest", journal des élus socialistes du Conseil Municipal de Brest ». Ses statuts furent modifiés fin 1988, pour étendre leur champ d'action à « la promotion de toutes les formes d'action, d'information et de formation au niveau de la culture socialiste. » Et c'est tout. Fin de l'histoire de cette association. On ne retrouve plus aucun écrit qui donne sens ou vie à l'association. À aucun moment, il ne fut écrit le fonctionnement qui a conduit à l'affaire : le versement quasi-contraint [2] de leurs indemnités des élus socialistes, sur un compte bancaire tenu par Jean-Luc Polard, puis une redistribution suivant une règle associée à leurs pertes de salaires, sans aucun contrôle.
Il est donc clair que le compte bancaire de l'association a été détourné pour faire ces transactions qui représentèrent plus de dix millions d'euros sur la durée. Mais peut-on raccrocher cette affaire à une association qui n'a plus eu aucune vie après 1988 ? Peut-on juger un dysfonctionnement qui n’est ni sur « l'édition de publications », ni sur le « développement de la culture socialiste », seuls deux objets connus de l’association ? Probablement pas. Il semble plutôt évident que l'on nous a une nouvelle fois vendu une jolie histoire, un joli paravent, pour cacher une autre réalité plus compromettante ?
Il est aussi acté que les élus qui vont successivement s'inscrire dans la démarche à partir de 2001, n'auront pas connaissance de cette association. Ils s'engageront par écrit à « être adhérent du groupe des élus socialistes et à lui verser intégralement leurs indemnités ». Nulle mention d'une association, seulement du Groupe de la majorité municipale de François Cuillandre.
Lors des auditions, la totalité des « responsables » qui furent entendus affirmèrent [3] qu'il y a eu confusion entre l'association et le groupe municipal des élus socialistes. L’association sans vie, dont le compte bancaire est bien resté très actif, s’est dissoute dans le Groupe majoritaire municipal du maire.
Le principal facteur ayant conduit à cette confusion fut le cumul des fonctions que François Cuillandre assigna d’autorité à Alain Masson, en tant que candidat puis maire de Brest. Lors des trois premiers mandats de François Cuillandre, à chaque élection, il le nomma directeur de sa campagne, puis président du groupe socialiste et du groupe de la majorité. Il fut de plus nommé premier adjoint, puis premier vice-président. C'était grâce aux nominations de François Cuillandre qu'Alain Masson tirait toute son autorité sur le reste des élus. Ce cumul au plus proche du maire/président le légitimait[4] pour organiser la répartition des indemnités entre les élus socialistes, via le compte bancaire que seul Jean-Luc Polard semble avoir tenu.
En 2001, lorsque le système va diverger au début de la mandature de François Cuillandre, il n'y a donc plus d'association Vivre à Brest. Il y a juste un vieux compte bancaire ouvert à la création de l'association du même nom, tenu par Jean-Luc Polard, sous l'autorité d'Alain Masson qui devient l'homme à tout faire du maire. Ce compte bancaire aurait dû être fermé. L'association n'est plus, le système est en roue libre, sans aucune gouvernance, mais les comptes bancaires sont pleins. Suffisamment plein pour faire tourner les têtes de ceux qui les connaissent et y ont accès. Suffisamment plein pour devenir la Caisse noire du groupe des élus socialistes, rapidement devenu celle de l'ensemble de la majorité municipale et communautaire de François Cuillandre, au regard de l'extension des usages, bien au-delà des seuls socialistes, dès l'année 2000.
Pour ma part, je conteste que cette affaire concerne une association, sorte de véhicule indépendant des groupes politiques de la Ville et de la Métropole de Brest. Si ce système a pu fonctionner grâce à un compte anciennement ouvert au nom d'une association qui n'existait plus, ce compte opaque est devenu au moins à partir de 2001, la Caisse noire de la majorité municipale de François Cuillandre, tenu par ses deux plus proches adjoints. L'affaire Vivre à Brest, ce qui se lit dans les livres de comptes, c'est l’histoire du fonctionnement de la majorité de François Cuillandre durant trois mandats :
L'affaire Vivre à Brest aurait pu s'appeler « l'affaire de la Caisse noire de la majorité du maire François Cuillandre ». L'association n'a servi qu'à détourner l'attention de l'espace où tout cela s'est réellement déroulé, entre 2001 et 2017.
L’histoire improbable d’un binôme impossible
En second point, une audience correctionnelle aurait permis de percer l'improbabilité du binôme Masson/Polard pour tenir la Caisse noire.
L’histoire officielle voudrait nous faire croire qu’il y a eu un grand gagnant, Alain Masson, qui aurait détourné environ 700 000 € entre 2001 et 2018 et de l’autre, un très grand perdant, Jean-Luc Polard, qui aurait perdu pas loin de 400 000 € sur la même période [5].
L’histoire officielle voudrait aussi nous faire croire que tout cela s’est passé sans que Jean-Luc Polard, qui gérait la Caisse noire, le sache. Durant 17 ans, il ne se serait jamais rendu compte qu’Alain Masson ne versait plus ses indemnités. Pas très crédible pour un agent de banque de profession ! Par ailleurs, trois lignes datant de 2002 dans les livres de comptes, tenus à la main par Jean-Luc Polard, mentionnent une augmentation du versement à Alain Masson, par suite d’une baisse des montants perçus sur ses indemnités. Bizarre, bizarre ! Il avait alors donc bien connaissance des versements qu'il faisait à Alain Masson et des indemnités que ce dernier percevait. De plus, Alain Masson a de son côté toujours affirmé que Jean-Luc Polard savait qu'il ne versait plus ses indemnités sur le compte, à partir de 2001. Enfin, dans la toute première audition de police, alors que l’enquête n’a pas démarré, Jean-Luc Polard confirme bien avoir connaissance de la situation d’Alain Masson et sa double perception. Ce n’est que quatre mois plus tard qu’il reviendra sur sa déclaration, affirmant ensuite n’avoir jamais rien su.
Je ne sais pas ce qu’en aurait pensé un juge en correctionnel, mais pour ma part, il n’y a pas de doute que Jean-Luc Polard savait dès 2001 qu’Alain Masson percevait ses indemnités en direct et qu’il lui versait en plus de l’argent du compte qu'il tenait, tout comme les « prêts » jamais honorés de remboursement, dont il n'a jamais nié la connaissance.
Donc, par un très grand mystère, certains voudraient nous faire croire que deux personnes ont tenu une Caisse noire et que l’un se serait arrangé pour être bénéficiaire de +700 000 €, quand l’autre y aurait laissé pas loin de 400 000 €. Et pour couronner le tout, le grand perdant fut celui qui tenait la Caisse noire. Waouh, super intuitif, surper logique ! J’espère que des sociologues émérites se pencheront sur ce cas d’espèce hors du commun.
Comment expliquer qu’un grand gagnant et qu’un grand perdant aient pu tenir à deux une Caisse noire durant 17 ans, sans jamais se quereller ou simplement que le grand perdant finisse par demander sa part ? Cela ne s’explique pas ... sans intervention extérieure. On laissera de côté l’intervention divine, vu que les deux étaient assez peu sensibles aux voix venant du ciel. Reste celle d’une autorité supérieure. François Cuillandre, en tant que candidat, puis maire-président, détenait cette autorité sur ses deux plus proches adjoints. Nous regrettons d'ailleurs qu'il ne l'ait jamais utilisé durant 17 ans pour contrôler ou simplement mettre fin à ce système qu'il connaissait fort bien. Ha oui, j'allais oublier qu'il avait avoué en avoir fait recel !
Une audience correctionnelle aurait permis de lever le voile sur ce grand mystère, en élargissant un peu la vision aux autres revenus de ces personnes [6], d’ailleurs. Elle aurait peut-être aussi permis de questionner la légitimité d’Alain Masson à avoir perçu ses doubles indemnités. S’il est un fait incontestable que tout cela a été caché aux autres élus, a-t-il été autorisé à percevoir ces versements de la Caisse noire, en plus de ses indemnités, comme il l’a toujours affirmé lors de l’enquête ? Qui ment ?
Un système de mutualisation détourné
C’est un fait que la majeure partie des sommes qui ont transité par le compte bancaire de la Caisse noire étaient liées au mécanisme, pour partie dévoyé, de mutualisation. Mais ce compte va avoir d’autres usages, plus opaques. C’est ceux-là que questionne l’enquête et qui permettent d’analyser un peu plus les possibles tireurs de ficelles du système, qu’une audience correctionnelle aurait pu permettre de mettre au grand jour.
Tous ces détournements du sens initial ou même de la « vertueuse mutualisation » sont détaillés dans le livre que j’ai écrit pour comprendre cette histoire (ici). En voici une synthèse rapide.
Au-delà de ses usages détournés de l’argent du compte, il faut noter que c’est aussi en 2001 que deux personnes vont ensemble se permettre de ne plus contribuer à la règle de mutualisation des élus socialistes à la mairie de Brest, qui est la doctrine d’usage connue (et signée à chaque candidature). Nous le savons aujourd'hui, Alain Masson va arrêter de verser ses indemnités en 2001, dans la plus grande discrétion des autres élus qui y versaient leurs indemnités. Mais, c’est aussi à cette époque que semble apparaître une nouvelle règle orale qui veut que le maire ne contribue pas à cette mutualisation. Ce discours est conjointement tenu par messieurs Masson, Polard et Cuillandre aux autres élus socialistes, comme une règle d'évidence. Les trois la réaffirmeront lors de l’enquête.
Cette évidence énoncée à trois voix de façon décomplexée est toutefois contredite par les livres de compte antérieurement à 2001, toujours tenus par le binôme Masson et Polard. Ils ne peuvent donc pas ignorer que le précédent maire, qui fut à l’initiative de l’association Vivre à Brest et probablement aussi de ce concept de mutualisation très socialiste, versait une part de ses indemnités sur le compte bancaire de l’association. C'était d'ailleurs plutôt logique que celui qui percevait le plus d’indemnités contribue aussi, d’autant qu’il bénéficiait tout autant des avantages de l’association en termes de soirées ou d’assurance, par exemple. Sur plus de 10 ans, les livres de compte mentionnent 89 versements volontaires plus ou moins réguliers de Pierre Maille, pour un total un peu inférieur à 500 000 francs. Moyenné sur la période, corrigé de l’inflation et passés en euro, cela représenterait plus de 10 000 €/an, en équivalent 2020. Le maire suivant, François Cuillandre, malgré ses différents bénéfices tirés de l’association, n’y versa jamais un euro de ses indemnités.
En 2001, il n’y a donc pas eu qu’Alain Masson à avoir changé une règle, mais il y a eu aussi François Cuillandre, avec la complicité et le consentement de messieurs Masson et Polard.
Petite parenthèse pour rappeler que l'enquête permet aussi d'établir que François Cuillandre va aussi « oublier » de payer, pour partie ou en totalité, ses cotisations d'élu au Parti Socialiste durant la totalité des 12 années analysées par les enquêteurs. Nous sommes donc fondés à penser qu’il le faisait aussi avant 2007, alors qu'il fut le premier fédéral du Parti Socialiste en Finistère.
De façon amusante et fort signifiante, ce même document de l'enquête, issu d'une commision rogatoire au Parti Socialiste, montre que messieurs Masson et Polard étaient, quant à eux, beaucoup plus rigoureux et honnêtes dans le paiement de leur cotisation à leur parti. Cherchez l’erreur ... ou plutôt, cherchez l'intrus ! Fin de la parenthèse.
En s’affranchissant de verser une part de ses indemnités de maire/président sur le compte de « mutualisation des élus socialistes », à l’instar d’Alain Masson qui se mit à percevoir ses indemnités en direct, François Cuillandre a tiré un bénéfice très significatif sur 17 ans. Bien au-delà des seuls 4 000 € que la juge a retenus, pour raison de prescription.
En conclusion
Cette affaire ne s’est pas réellement déroulée dans une association, mais au sein du Groupe de la majorité plurielle du maire de Brest, au travers d’un ancien compte associatif, laissé actif mais détourné de sa raison d'être initiale.
Il est extrêmement peu probable que les deux tenanciers du système aient pu agir seuls, d’un commun accord, durant 18 ans, alors que l’un perdait des centaines de milliers d’euros, quand l’autre en gagnait encore plus. Cela ne marche pas comme explication. Il est très probable qu'il ait fallu qu’une autre partie les mette d’accord et nous avons vu que Jean-Luc Polard tirait lui-même d’autres bénéfices liés à des situations dérogatoires concédées par le maire/président.
Enfin, si Alain Masson semble avoir tiré le plus gros bénéfice d’une situation qu’il explique comme ayant toujours été connue, il fut loin d'être le seul. François Cuillandre est le second grand gagnant, notamment de l'évolution des règles qui apparurent d'autorité lors de la campagne des municipales de 2001.
Cinq jours après la démission d’Alain Masson, François Cuillandre va faire une conférence de presse où il commença par affirmer haut et fort qu’il s’agissait de « l’affaire Masson ». Loin de toute précaution oratoire dans le respect d'une présomption d’innocence qu’il revendiqua ensuite fermement pour lui-même, il va désigner un coupable et inventer une histoire avec laquelle il n’aurait eu aucun lien, puisque ne versant pas ses indemnités dans la fameuse association [7]. Cette belle déclaration visant à s'auto-innocenter ne l’empêcha pas de plaider coupable, cinq ans plus tard.
Si correctionnel il y avait eu, nul doute que j’aurai pu développer devant le juge les trois arguments ci-dessus issus des auditions et des découvertes de l'enquête et de l'instruction. Trois vérités cachées qui mettent à mal le récit bien simpliste qui fut diffusé par François Cuillandre, au lendemain de la sortie de l’affaire dans la presse et qui est encore aujourd'hui celui conté par le maire et ses proches. Peut-être bien qu'à cette occasion l’affaire Vivre à Brest aurait été gentiment renommée « l’affaire Cuillandre » et que ses deux bras droits, décédés peu de temps après leur mise au banc, auraient été rétablis au juste rôle qu’ils ont probablement tenu dans cette affaire, loin de l'infamie dans laquelle ils ont été projetés.
Certains remercieront sûrement chaleureusement le procureur de Brest pour cette CRPC qui est arrivée à point nommé. Une fuite des responsabilités qui semble devenir le trait de caractère transpartisan d'un nombre toujours grandissant de nos « responsables publics ». Il est à regretter que la Justice serve de marchepied à cette dérive. La transparence de notre gouvernance politique a été bafouée, c'est toujours un grand désaveu démocratique et aussi une belle opportunité pour les extrêmes qui n’attendent que des élus sans probité pour prospérer.
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Nous arrivons tranquillement au terme de cette enquête/analyse. Encore deux dernières notes à venir et il sera temps pour moi de refermer ce dossier brestois.
Pour la prochaine note, nous nous intéresserons à la grande oubliée de cette affaire … pourtant centrale dans le jeu de dupes ! 😉
[1] Une CRPC a du sens dans la petite justice du quotidien, les petits larcins, mais quand il s'agit d'une personnalité publique, notamment du plus haut magistrat d'une grande ville qui décide de l'allocation de 3 milliards d'euro par mandat, faire de la justice à la va-vite est un contresens pour l'intérêt public. D'abord parce que les dossiers sont complexes et que plusieurs vérités se confondent grâce aux contre-récits trompeurs et à l'influence dont bénéficient certains accusés, mais aussi parce que ces personnes sont au pouvoir et poursuivent les mêmes pratiques si rien n'est fait pour les démasquer, souvent dans des intérêts particuliers éloignés des intérêts publics. Le gain d'une procédure allégée est souvent bien faible face aux pertes dues à des dirigeants dont la probité est entachée.
[2] Il y eut de nombreux débats sur le caractère obligatoire du versement de leurs indemnités pour figurer sur la liste de François Cuillandre, nous noterons ici simplement ce que Jean-Luc Polard finira par dire lors de sa dernière audience devant la juge qui le questionnait sur le sujet : « C'est vrai que c'était une demande impérative » pour être retenu sur la liste aux municipales. Si tout le monde ne s’est pas senti « obligé », car une mutualisation faisait sens, l’adhésion au système n'était pas une option.
[3] Alain Masson, Jean-Luc Polard, François Cuillandre, Bernadette Abiven et Marc Labbey (qui fit l'intérim d'Alain Masson quelques mois) reconnurent la confusion entre l'association et le groupe des élus socialistes, voire du groupe de la majorité municipale. Après réflexion sur ce que nous avions vécu durant ces années, j'ai rejoint cette analyse. L'association n'a jamais existé, seul le Groupe majoritaire, autour du maire, se réunissait très régulièrement et donnait du pouvoir à messieurs Masson et Polard sur les autres élus du fait du role que le maire leur donnait.
[4] Fait remarquable dans la sphère du pouvoir politique et qui conforte la thèse qu’Alain Masson tirait sa légitimité de l’autorité du maire et non d’une « gouvernance associative inconnue » : aucune autre personne ne revendiqua cette fonction durant 18 ans. Pourtant, il est bien connu qu’en politique, un seul gramme de pouvoir fait facilement tourner la tête à plus d’un ! Ici, point de tout cela, une stabilité exemplaire et non contestée, alors que nous parlons du pouvoir sur une Caisse arbitrant des millions …
[5] Les vrais chiffres de l’enquête sont 486 000 € entre janvier 2007 et avril 2018, soit plus de 3 500 €/mois de bénéfice moyen pour Alain Masson. Pour Jean Luc Polard, environ 170 000 € de perte entre juillet 2010 et décembre 2017, soit une moyenne de 1900 €/mois. Or, cette situation perdurait a priori depuis l'élection de 2001. En faisant l’approximation d'écarts identiques entre 2001 et 2007, sur les trois mandats de François Cuillandre, Alain Masson aurait été gagnant d’environ 700 000 €, lorsque Jean-Luc Polard aurait laissé environ 390 000 €. Il s'agit d'une approximation pour donner des ordres de grandeur. Il existait donc une différence relative de l'ordre du million d'euros entre les deux comparses, entre gains et pertes respectifs… Pas vraiment une bagatelle !
[6] Jean-Luc Polard passe dans l’affaire Vivre à Brest pour le « grand perdant » face à Alain Masson. Mais ce n'est la réalité que si l'on se cantonne au périmètre d'une association ... qui n'existait pas. Pour mieux comprendre, il convient d'analyser tous les revenus issus des mandats électifs, plus largement.
Alain Masson s’est consacré à 100 % à la mairie et la métropole de Brest, il a lui-même dit que c'était la raison de ces versements en plus de ces indemnités d’ailleurs. Il passait de longues journées pour les deux collectivités et son bilan politique pour Brest est très important et tout à son honneur. Il n’a jamais cumulé avec un autre mandat. Ils ne percevaient donc que des indemnités du bloc communal. Ce fut moins le cas pour d’autres élus comme Jean-Luc Polard ou même Bernadette Abiven qui furent aussi élus du département, passant nettement moins de temps pour la ville et la métropole, mais cumulant plus d'indemnités (ils étaient loin d'être les seuls cumulards, encore vrai aujourd’hui).
Le cas de Jean-Luc Polard est atypique sur un dernier point qui apporte un autre éclairage. Il en parlait assez librement sans donner de montant. A ma connaissance, il fut le seul adjoint/vice-président de François Cuillandre à être PDG d’une SEM et à en percevoir une rémunération pendant plusieurs années. Même Alain Masson, pourtant président de la puissante SEMTram, n’eut pas le droit à cet avantage pécuniaire. Les revenus de PDG de Jean-Luc Polard, tout comme ses indemnités du département, étaient exclus du système Vivre à Brest. Il est donc un peu rapide de parler de « perdant ». Grâce à l’autorisation à recevoir une rémunération sur une présidence de SEM que lui consentait le président de la métropole et son cumul au département, il bénéficiait aussi de revenus complémentaires, probablement un total de revenus issus de ses mandats pas très éloigné de celui d'Alain Masson... et de François Cuillandre !
[7] C’est encore le discours trompeur des élus proches de François Cuillandre, notamment dans le courrier qu’ils enverront en réponse au rapport de la CRC en 2021 (ici).
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Image issue de la couverture de la BD Le meilleur des Pieds Nickelés - Tome 2
Lors de mes mandats d'élu, il m'est arrivé de marier deux personnes. La cérémonie d'un mariage est un moment « magique », au premier sens du terme : deux personnes célibataires rentrent dans la salle des mariages, l'élu demande le consentement à chacun, puis prononce la formule magique et c'est un couple qui ressort de la mairie. Wonderful !
Jeudi dernier, au Tribunal judicaire de Brest, il y a eu aussi un phénomène de transmutation sociale. Le maire de Brest, François Cuillandre, est rentré comme prévenu présumé innocent dans l'affaire Vivre à Brest, la juge lui a demandé son consentement sur l'acceptation des charges qui pesaient contre lui et il est ressorti avec le titre de « délinquant ». Une appellation qui lui ressemble vraiment !
Quelques lignes pour vous partager ce moment mémorable, plutôt honteux dans l'histoire de la ville de Brest, qui dura trois bonnes heures et sans lancer de riz à la fin !
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L'affaire a commencé à l'ouverture du tribunal à 8h30. Tous les prévenus du jour étaient à l'heure, sauf un qui est arrivé presque à l'heure avec (seulement) un quart d'heure de retard. Il avait dû lire ma précédente note sur la politesse des rois !
Une arrivée très remarquée, accompagnée de sa garde rapprochée du moment, six élus.es (volontaires ?) : mesdames Coz-Elléouet, Quiguer, Bonnard-Le Floch et Salaün-Kerhornou et messieurs Guével et Jestin. Six adjoints faisant bloc autour de leur vénérable maire, moins pour prévenir tout contact avec une foule qu'il n'y avait pas, que pour faire barrage aux questions des journalistes présents. Un cordon sanitaire qui ne faisait pas rêver, mais bien à l'image de ce qu'est devenu la gouvernance de notre ville !
Nous noterons qu'il manquait du monde à l'appel. Pourtant aussi partie civile dans l'affaire, la Fédération du Parti Socialiste Finistérien n'avait cru bon d'envoyer ni son principal représentant, le premier secrétaire Tristan Foveau, ni même son avocat pour la représenter. Fort de son cumul de nombreuses responsabilités au sein du PS local, seul Yann Guével [1] pouvait prétendre représenter le Parti Socialiste. Mais rien n'en fit mention, il y eut juste un constat d'absence lors de l'appel.
La première partie s'est déroulée à huis-clos, dans le bureau du Procureur, alors que la vingtaine des autres prévenus convoqués à leur CRPC passaient avec les adjoints du procureur. Au bout d’une heure d’attente, une personne est venue déposer l'épais dossier de l'affaire Vivre à Brest sur le bureau de la juge (environ 30 cm d'auditions, de rapports et d'écoutes). La juge est rentrée. La « cérémonie » pouvait commencer.
L'attaque en irrecevabilité des deux parties civiles
La première passe d'arme fut à l'initiative de l'avocat du maire. Je dis volontairement « l’avocat du maire », car souvent, celui-ci ne parlait pas de « son client », de « monsieur Cuillandre » ou du « prévenu » , mais « du maire », comme pour bien rappeler à la jeune juge qu’elle s’adressait moins à un citoyen lambda, comme ceux qu’elle avait l’habitude de voir à la barre du tribunal, qu’au premier magistrat de la ville de Brest. J’avoue que j’ai trouvé ce mélange des genres assez gênant, mais assez révélateur de l'état d'esprit.
La première attaque fut une tentative de contestation des parties civiles. L'avocat du maire fit de nombreux effets de manche (c'est le cas de le dire), pour que notre demande de partie civile (dépôt de plainte), soit jugée irrecevable et que nos avocats ne puissent pas s'exprimer.
C'est une stratégie assez classique des dossiers politiques. Dans les procès relatifs à des personnalités publiques, le problème est moins la peine [2] (sauf un risque d'inéligibilité très craint) que la révélation publique des faits qui ternissent l'image de l'édile. D'entrée de jeu, il fallait donc clouer au silence les avocats des deux parties civiles qui s'opposaient au maire. Son avocat s'y employa à grands coups de mauvaise foi.
On aurait pu taxer ces arguments d'inutiles en CRPC, mais notons que cet avocat ne faisait que le travail pour lequel il était payé : défendre coûte que coûte les intérêts de son client. Et dans les intérêts de monsieur Cuillandre, comme cela fut ensuite longuement rappelé par les avocats des parties civiles, il y a encore et toujours le maintien de l'opacité du fonctionnement de sa majorité municipale. Cinq ans après la démission des soi-disant deux principaux coupables (et leur regrettable décès), l'omerta fait toujours loi. Les six élus présents autour de leur chef ne faisaient que renforcer l'impression d'un besoin de serrer les rangs autour des secrets de l'association.
Après avoir entendu les avocats des deux parties civiles s'opposant à cette irrecevabilité, la juge rentra immédiatement dans le vif du sujet, sans même prendre le soin de répondre à la demande de l'avocat du maire. Madame Montanari était tout à fait légitime à se porter partie civile. Elle avait été contrainte de verser ses indemnités dans l'association pendant plusieurs années, alors que des détournements d'argent étaient cachés dans les arrière-cuisines de la majorité de monsieur Cuillandre. J'étais pour ma part tout aussi légitime pour avoir fait de même, entre 2002 et 2018. Que je sois financièrement bénéficiaire dans la mutualisation n'enlève rien au fait que l'on m'ait compromis dans un système organisé d’abus de confiance, dont le maire allait reconnaître, quelques minutes plus tard, le recel. C’est-à-dire en avoir eu connaissance et en avoir lui-même profité.
Le temps du consentement
Vint ensuite le temps du consentement. Semblant vouloir en finir le plus vite possible, la juge reprit très très rapidement les points du dossier et la charge de « recel d’abus de confiance » que monsieur Cuillandre venait de discuter dans le bureau du procureur, en contrepartie d'une peine très très allègée. Elle lui demanda s'il acceptait la charge et la peine proposées.
Du bout des lèvres, le prévenu Cuillandre lui a juste répondu par l'affirmative, puis qu'il reconnaissait les faits et la perception de la somme. Comme un gamin honteux, pris la main dans le sac, il ne put s'empêcher de rajouter qu'il pensait avoir remboursé la somme, pour dire publiquement que tout ceci n'était finalement qu'un petit oubli.
Mais à côté de la juge, siégeait un dossier d'enquête de 30 cm d'épaisseur, dans lequel une part significative d’autres faits attrayaient au maire [3], mais sont aujourd'hui prescrits pour la justice française.
Cet aveu du bout des lèvres sembla laisser un peu perplexe l'auditoire. Mon avocat se leva et demanda à monsieur Cuillandre s'il avait bien compris qu'il plaidait coupable du fait d'avoir fait un recel d'argent détourné de façon illicite par ses deux principaux adjoints. L'avocat du maire vint lui souffler à l'oreille de ne pas répondre. Nous n'entendrons plus rien sortir de la bouche du maire. Le silence fut la seule réponse du prévenu à la seule question de la partie civile qui aurait pu nous rassurer sur la sincérité de cette CRPC.
Une sincérité en question
À la suite de ce lourd silence, les deux avocats des « parties civiles indépendantes », madame Montanari et moi-même, prirent la parole pour dénoncer cette procédure. Ils évoquèrent devant la juge une reconnaissance de culpabilité opportuniste, qui n'était pas sincère à nos yeux. Durant les 4 années de procédures, usant de la présomption d'innocence, monsieur Cuillandre n'avait jamais reconnu les faits qui se passaient dans l'association ou même sa faute. Ni devant la justice, ni devant la presse, où il avait même affirmé le contraire (revoir la vidéo ici). Juste ce jour, il reconnaissait un « recel », c'est-à-dire d'avoir eu conscience de bénéficier du produit d'un délit. Cela apparaissait clairement comme une reconnaissance de circonstance, afin de bénéficier d’une peine très légère et surtout, éviter un procès public en correctionnel qui aurait vraiment pu questionner le fond du dossier et la réalité de ses responsabilités.
Nos deux avocats plaidèrent donc pour la nécessité d'un débat lors d'un procès en correctionnel, comme la magistrate chargée de toute l'instruction de l'affaire l'avait requis. Ils exprimèrent aussi des questionnements sur l'équité du fonctionnement de la Justice à Brest, dès que les dossiers concernaient des personnalités publiques ou politiques et sur la volonté du procureur d'accorder un traitement de faveur au maire de Brest, en ouvrant la porte à cette CRPC. Y a-t-il à Brest une justice d'exception pour les personnes de pouvoir ? C'est le triste constat qui circula dans de nombreux esprits ce jour-là, sûrement y compris parmi les autres prévenus présents dans la salle.
La partie civile dépendante des intérets du maire
Vint ensuite le tour de l'avocat de la « partie civile dépendante », c’est-à-dire celui de l'association Vivre à Brest. Une association qui n’est plus aujourd'hui constituée que d'élus du Parti Socialistes, très proches de François Cuillandre (et donc liés à ses intérêts) [4].
L'avocat de l’association Vivre à Brest pris immédiatement le parti du maire. Elle affirma que l'association était la seule victime légitime du dossier, qualifiant d'opportunistes les autres parties civiles (merci ! 😊). Sans donner aucune preuve, il dit que l'association avait bien été remboursée des 4 000 € que François Cuillandre avait empruntés … quelques 11 années plus tôt. Puis conclut que l’association ne demandait plus rien au prévenu. Nous étions dans de la complaisance décomplexée et assumée. Preuve que le système Vivre à Brest est bien encore vivant, même après le décès des deux boucs émissaires. Un système toujours aligné sur les intérêts du maire.
Enfin, la parole revint à l'avocat du maire. Il conclut sa plaidoirie en dénonçant le fait que cette CRPC se transforme en tribunal contre le maire et en critiquant ouvertement les plaidoiries des parties civiles indépendantes, contrairement à celle de son confrère, représentant la partie civile dépendante.
Le Théorème de Pasqua à la rescousse du maire de Brest
J'eu aussi droit à une petite attaque en règle personnelle qui devait se vouloir fort désagréable, vu le regard tueur qui m'était fait. L'avocat du maire affirma que son client était loin d'être celui qui avait le plus profité du système et me nommant, affirma que j'étais un des élus qui avait le plus bénéficié du dispositif, citant le chiffre d'un bénéfice personnel de 30 000 €. Non content de sa courageuse bravade face à quelqu’un qui ne pouvait lui répondre sans outrepasser la bienséance du tribunal, il brandit le procès-verbal de mon audition devant la police en affirmant haut et fort que j'avais avoué avoir aussi touché une prime nounou de 300 €/mois. Quel atroce individu pouvais-je être pour oser me porter partie civile face au maire, qui n'avait fait qu'emprunter seulement 4 000 € ? Entre les mots, si justice il y avait eu, c'est moi qui aurais dû être à la barre, à la place de ce pauvre maire, victime d’un complot politique de ses odieux opposants. Après s'être plaint (sincèrement) que cette CRPC se transforme en procès contre le maire, voilà qu'il s'attachait consciencieusement à faire le mien !
Voilà un très bel exemple de ce qu'il est courant d'appeler « Le Théorème Pasqua » (qui n’est pas de Charles, mais qui s’appelle néanmoins ainsi) :
« Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu'à ce que personne n’y comprenne plus rien. »
En d'autres termes, lancer un écran de fumée, dans le but de noyer le poisson ! L’avocat du maire sembla maître dans l’exercice d'enfumage… quoi que !
À l'entendre, face à d'anciens élus ayant lourdement profité du système, le maire était la victime d'un faux procès, puisqu'il avait même remboursé ses 4 000 € oubliés. Il omettait un peu vite que, pour ma part, j'avais bien aussi été entendu par la police, puis par la juge d'instruction, qu'absolument rien d'illégal n'avait été retenu contre moi, contrairement à son client qui était le prévenu à la barre de ce tribunal. C'était le monde à l'envers !
Mais j'avoue, j'ai apprécié son sens de la transparence, qui manque lourdement dans cette affaire. Puisque l’avocat du maire aime donner des chiffres publiquement, je vous propose de poursuivre son œuvre et de donner les bons.
Fact-checking sur les winners et les loosers présents
En effet, je fus un des bénéficiaires du système de mutualisation [5], je ne l'ai jamais caché. Les sommes prises sur les indemnités que nous laissions à l’association et qui m'ont été ensuite reversées correspondaient, pour une très large part, à mes pertes sur mon salaire professionnel. C'était moins un « bénéfice », qu'un salaire de remplacement par suite de mes absences professionnelles, non rémunérées. Ce nombre de jours d’absence professionnelle pris en charge par l’association était d’ailleurs discuté en accord avec le président de Groupe, Alain Masson. Je ne faisais que respecter la règle de l'association qui, de toute façon, s'imposait à nous lorsque nous voulions candidater pour être sur la liste de monsieur Cuillandre, aux municipales de Brest.
Pour l’anecdote, lorsque François Cuillandre me demanda de prendre la délégation à l'urbanisme en 2014 à la suite de Jean-Pierre Caroff, il insista fortement pour que je prenne 4 jours par semaine pour ma fonction d'élu. J'ai refusé. Je n'ai pris qu'entre 2 et 3 jours par semaine, car je ne voyais pas comment garder un vrai emploi (pas un emploi fictif !) en ne travaillant qu'un jour par semaine. Si j'avais alors suivi la demande de François Cuillandre et compte tenu du système de Vivre à Brest qu'il connaissait parfaitement, j’aurai été encore plus « bénéficiaire ». Ce sont souvent ceux qui poussent à la faute, qui viennent vous le reprocher ensuite !
Alors oui, je fus UN des bénéficiaires du système. Mais sûrement pas le plus gros, comme il fut affirmé par cet avocat en recherche de sensationnel. Pour sa culture, je le renvoie à la lecture du document D186 de l'enquête de police : le tableau synthétique sur les indemnités des élus de l’association.
Sur instruction de la juge d'instruction, le commandant de police responsable de l’enquête a dressé la liste « des gagnants et des perdants », comme les a joliment qualifiés François Cuillandre lors de sa garde à vue [6]. Y sont mentionnées les moyennes des versements perçus, en plus ou en moins, par rapport aux indemnités votées en Conseil.
Pour mon compte et suivant les calculs du commandant de police (que je n’ai jamais contestés), ce n’est pas exactement 30 000 € que j’ai perçu en plus via le système de redistribution de l’association, mais 32 913,27 €, entre juillet 2010 et décembre 2017. Mensualisé, cela représente une moyenne de 365 €/mois de plus que les indemnités votées, cumulées entre ville et métropole de Brest.
Ce qui fut amusant durant l'audience, c'est que juste derrière moi, étaient assises mesdames Quiguer, Coz Elléouet, Bonnard-Le Floch et Salaün-Kerhornou, qui ne pipèrent pas un mot suite à la saillie de l'avocat du maire à mon encontre. Et pour cause !
Dans ce même document de police, pour les seuls élus présents au tribunal ce jour-là, il est mentionné que :
Seuls messieurs Guével et Jestin, aussi présents au tribunal, pouvaient revendiquer d'être classés comme « perdants », dans le référentiel du maire [8].
Donc, avec 365 €/mois de plus, je n’ai jamais été dans les plus gros bénéficiaires du système comme l'a dit l'avocat du maire et comme je ne doute pas qu'il se colporte encore dans mon dos. En 2020, il me fut remonté que d'anciens camarades élus, dont je tairais le nom, affirmaient que j'étais le second plus gros bénéficiaire après Alain Masson, avec 40 000 € de plus que mes indemnités légales par an. Plus c'est gros et plus cela passe !
N'en déplaise à l'avocat du maire, ce que l'enquête a montré, c'est que les plus gros « bénéficiaires » sont encore dans la majorité de son client.
Une « prime nounou » au timing surprenant
Sur la « prime nounou » que l’avocat de monsieur Cuillandre me reproche d’avoir perçue, pas de scoop non plus. J’ai déjà tout dit dans le livre que j’ai écrit sur l'affaire.
À ce que nous en savons, cette prime est arrivée après une « négociation » pour le moins opaque entre Yann Guével, Karine Coz Elléouet et Jean-Luc Polard, à la suite de très fortes tensions sur le fonctionnement de l’association, fin 2007. De façon amusante, c’est Tiffen Quiguer qui résuma le mieux le sujet, lors de son audition de police :
« En 2008 ou 2009, j'ai demandé à Alain MASSON que l'on puisse avoir une visibilité sur la réalité de l'association. Ce n'était pas une histoire de sous, juste une simple visibilité générale. Il ne m'a jamais donné de réponse. Après cela, on a bénéficié d'une part fixe, la "prime nounoue" qui était de 300 euros par mois. On était beaucoup en construction de famille. On n'avait jamais formulé la demande et cette prime est arrivée peu de temps après notre demande de visibilité. Vous me demandez si c'est dû à notre demande, je n'ai pas la réponse mais le timing est surprenant. »
A partir de 2008, cette prime fut versée à tous les élus socialistes ayant au moins un enfant de moins de 8 ou 10 ans, de mémoire. Elle s’arrêta brutalement en 2014, car l’association n’avait plus assez d’argent… nous dira-t-on !
Même si en 2008, par suite de la naissance de mon troisième enfant et à un emploi du temps très chargé (professionnel, élu, responsabilités au PS), j’avais en effet d’importants frais de garde d’enfants, je n’ai jamais demandé à percevoir ces 300 € de plus par mois. Comme l’a exprimé madame Quiguer, cet argent est arrivé sur nos comptes sans que la majorité des élus concernés ne la demande.
Dans les faits, il semble bien que cette prime, qui correspond grosso modo au soi-disant bénéfice que j’ai perçu en trop, fut issue d’une volonté d’accentuer la différentiation entre les gagnants et les perdants. Elle fait suite à un repas très houleux au manoir de Kerbriant fin 2008, entre des élus contestataires du système Vivre à Brest et messieurs Masson, Polard et Cuillandre. Durant ce repas, certains présents témoignèrent des menaces qu’ils ont reçues des responsables présents. S’ils ne rentraient pas dans le rang, il leur fut dit qu’ils perdraient leurs délégations (donc leurs indemnités) et qu’ils ne seraient pas repris sur la liste de François Cuillandre au mandat suivant [9]. Quelques mois plus tard, est apparue cette prime nounou qui n'a touché quasiment que des jeunes élus non contestataires du système. Aucune fronde ne réapparut ensuite dans ce mandat-là.
Il est amusant aujourd’hui qu’il me soit reproché, par l’avocat du seul prévenu de l’affaire, d’avoir perçu cette prime que je n’ai jamais demandée. Un bonus qui fut, si l’on reprend les propos des auditions, non pas une mesure sociale de soutien à la parentalité, mais un mécanisme pour creuser les tensions entre ceux qui contestaient le système et ceux qui y adhéraient : entre « les gagnants et les perdants », dixit monsieur Cuillandre.
Après cette plaidoirie quelque peu orientée pour nuire à la légitimité de l'ex-premier adjoint du maire, qui ose parler et écrire sur les dessous du système Cuillandre (et croyez-moi, je ne vais pas arrêter ! 😊), l’avocat du maire a bien-sûr plaidé pour la validation de l’homologation de la CRPC. Nous ne nous attendions pas à moins au regard de la petitesse de la peine proposée : 10 000 €, dont 7 000 € avec sursis, soit juste 3 000 €.
Un jugement embarrassant
Le mot de la fin revint logiquement à la juge des homologations. Pour le dire gentiment, depuis le début de l’audience, elle ne semblait pas très à l’aise sur ce dossier déjà bouclé par le procureur, dont elle semblait peu connaître les 30 cm de rapport d’instruction qui trônaient à côté d’elle. Loin d’une posture en quête d'éléments de vérité ou de sincérité, comme cela aurait été le cas en correctionnel, elle avait plutôt l’attitude d’une personne souhaitant finir ce moment fort gênant, le plus vite possible. Elle s’attacha juste au respect de la procédure. Je ne lui jetterai sûrement pas la pierre. Il était particulièrement embarrassant pour elle de donner un avis divergeant du procureur sur le jugement du maire de Brest. Comme dans toutes professions, on imagine bien que les écosystèmes hiérarchiques pèsent sur les carrières. Il faut une certaine assise du Siège pour contredire le Parquet, sur un dossier médiatisé de cette nature.
La juge n’a donc pas franchi le pas de tenir tête au procureur, de faire de ce dossier ce qu’il aurait mérité d'être et ce qu’avait préconisé la juge qui en a fait l’instruction : un dossier en correctionnelle. C’est-à-dire une audience publique, avec un juge posant des questions pointues, et non plus seulement de rapides plaidoiries d’avocats, mais aussi une expression libre des parties civiles. Exactement ce que le maire de Brest et sa petite cohorte d'élus inféodés ne voulaient surtout pas : une parole libérée et publique, permettant à ses administrés de mieux démêler la vérité sur leur maire.
La juge a donc validé l’homologation, non sans faire remarquer que la peine négociée par le procureur lui semblait légère au regard des faits. Ce qu’elle est, en effet. En revanche, elle n’accéda pas à la demande de l’avocat du maire ayant plaidé lourdement pour une irrecevabilité des demandes de réparation pour les deux parties civiles indépendantes. Ce dernier bout de l'affaire est renvoyée à une audience civile (c’est-à-dire écrite), au mois d’avril 2024.
Pour ma part, je n’y demanderai qu’un euro symbolique en réparation du préjudice moral, ainsi que le remboursement de mes frais de justice. Ayant défendu sincèrement et publiquement l’intégrité et l’honnêteté de ce maire durant des années, il me parait assez logique de demander réparation envers un individu dont la probité et l'éthique sont aujourd’hui contestées et qui vient de passer « de lui-même » du statut de prévenu, à celui de délinquant.
Dans une prochaine note, je détaillerai les axes qui auraient pu être développés dans un procès en correctionnel, au regard des éléments figurant dans le dossier d’instruction.
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Notes complémentaires au texte :
[1] Yann Guével est un profil intéressant de la garde rapprochée du maire de Brest. Depuis 2017, il a su se placer comme homme à tout faire et grand gardien des secrets du maire.
Dès 2018, il a pris la suite d’Alain Masson en tant que président du Groupe de la majorité socialiste au sein du Conseil municipal de Brest, juste après la démission de celui-ci. Bien que la direction de l’association Vivre à Brest fut statutairement reconstruite de façon collégiale, c’est aussi naturellement Yann Guével qui en prit rapidement le leadership dès 2018 (comme c'était le cas avec Alain Masson), s’occupant personnellement du dossier judiciaire en grande opacité du reste des membres et en étroite collaboration avec François Cuillandre.
En 2019, après m’avoir demandé de quitter mes fonctions de responsable du PS sur Brest parce que je ne souhaitais plus figurer sur une liste derrière François Cuillandre, il en profita pour prendre la direction du PS à Brest (sans trop de difficulté, la concurrence n'étant plus très rude).
Depuis le fameux congrès de Marseille qui a mis au jour de multiples tricheries internes au PS en janvier 2023, il semble avoir pris une « co-présidence » avec le premier secrétaire sortant, Tristan Foveau, lui-même devenu salarié du PS national, en tant que directeur adjoint du cabinet d’Olivier Faure.
De mon temps, monsieur Guével plaidait pour le non-cumul des responsabilités au sein du parti. Aujourd’hui, l'adjoint et vice-président aux Finances de François Cuillandre cumule plus de fonctions que jamais personne n’en aura jamais eu dans ce petit écosystème. Comme on dit dans le milieu politique, il tient la maison pour le maire. Un maire qui a soigneusement oublié de le nommer premier adjoint... pour éviter de lui donner des ailes et se garder plus d'opportunité pour faire son cinquième mandat !
[2] François Cuillandre a été condamné à 3 000 € d’amende et 7 000 € avec sursis. Ce n’est absolument rien pour une personne qui a réussi à se faire réélire en niant toute responsabilité, toute faute et qui touche aujourd’hui des indemnités cumulées de 8 900 € par mois. Comme il l’a souvent dit assez cyniquement, ce procès lui aura surtout coûté en frais d’avocat.
Sa seule vraie crainte n’a jamais été la peine encourue, sauf en cas de correctionnelle où l'inéligibilité aurait pu être discutée, mais la révélation des faits et du fonctionnement de la gouvernance de sa majorité politique entre 2001 et 2017, complètement liée à ses deux principaux adjoints, Alain Masson et Jean-Luc Polard, comme révélés par l'enquête de l’affaire Vivre à Brest.
[3] Comme je l'explique dans mon livre, les 4 000 € sont loin d'être les seuls usages de François Cuillandre dans la caisse noire tenue par ses deux acolytes, décédés depuis. On y découvre d'autres sommes prélevées en 2007, non remboursées aussi. On note plus de 4 200 € pour un blog à son nom, quasiment jamais utilisé. On note des usages pour ses propres campagnes législatives. On note pour 57 500 € d'une assurance soi-disant pour les élus, mais inconnue du plus grand nombre, dont il ne paya pas 1 €, mais qu'il fut le seul à utiliser les services et qu'il fit arrêter de son propre chef en 2014, sans même avertir les autres élus censément assurés. On note enfin et surtout la rupture par rapport à son prédécesseur, Pierre Maille. Un précédent maire qui, pour sa part et en vrai socialiste, mutualisa dans l'association une part de ses indemnités avec les autres élus, alors que d'une même voix, Alain Masson, Jean-Luc Polard et François Cuillandre affirmèrent aux autres élus que le maire était exclu du système de mutualisation. Sur 18 ans, cela représenterait une économie potentielle de plus de 100 000 €. Preuve de la grande probité de l'intéressé, l'enquête montre aussi qu'il n'a pas plus payé ses cotisations à son propre parti, durant des années, tirant de ces « oublis répétés » des bénéfices personnels substantiels (estimés à plus de 50 000 €).
L'enquête va montrer que les prêts jamais remboursés et ouverts par le trésorier Jean-Luc Polard ne le furent pas de malheureux oublis. Ils consistaient dans un fonctionnement répété que Jean-Luc Polard consentait à deux personnes : Alain Masson et François Cuillandre. Il y en eut de nombreux sur les 18 années, près de 70 000 € au total entre les deux compères, d'après l'enquête. Personne n'avait à penser à rembourser, puisque d'expérience, personne n'allait le demander, pas plus en 2007 qu'en 2012 ou pour les autres sommes « empruntées » découvertes par les enquêteurs. L'opacité du système Vivre à Brest était à leur service. Les prêts non remboursés furent ce que l'on pourrait appeler un « usage » d'Alain Masson et de François Cuillandre. Les deux mêmes qui, comme par hasard, de façon dérogatoire et mensongère, ne versaient rien de leurs indemnités d'élu dans la caisse de mutualisation des élus socialistes de Brest.
[4] Pour mémoire, une anecdote sur le caractère exclusif et opaque que l'association conserva, y compris après sa remise en ordre de 2018.
Dès que j'ai refusé de me présenter sur la liste de François Cuillandre, il me sera demandé par Yann Guével de démissionner de mes responsabilités dans l'association Vivre à Brest, dont j'avais repris la comptabilité. Il fut demandé la même chose à une autre élue qui était chargée de suivre le dossier juridique avec l'avocat et qui décida aussi de ne pas se représenter derrière le maire sortant.
Après sa mise en examen, l'allégeance à François Cuillandre est devenue une clause obligatoire non dite de l'appartenance à la gouvernance de l'association, dans laquelle il n'avait bien sûr aucun rôle et aucune connaissance du fonctionnement ! Une association qui abritait tant de ses secrets de ses trois mandats passés.
[5] Par définition, tout système de mutualisation fait des gagnants et des perdants. C’est le cas pour la sécurité sociale et les cotisants en bonne santé ne s’en plaignent pas. C’est le cas pour les Assedic et les salariés qui auront eu un travail toute leur vie ne s’en plaignent pas non plus. C’est le cas pour les impôts … Bon, avouons que les riches s’en plaignent un peu parfois ! Il faut être un peu bas de plafond (ou de très mauvaise foi) pour ne pas comprendre qu'un système de mutualisation sur un groupe fermé génère inéluctablement des bénéficiaires et d'autres pas, sinon les caisses ne feraient que se remplir indéfiniment. Notre cher maire, ex-inspecteur des impôts et professeur de finances publiques, gagnerait à donner quelques rudiments comptables à son avocat !
[6] Lors de sa garde à vue, le 9 avril 2019, questionné sur sa connaissance du rôle d’Alain Masson dans l’association, François Cuillandre répondra : « C'était sous responsabilité d'organiser la répartition des indemnités entre les "gagnants" et les "perdants" ».
[7] La découverte des sommes perçues par madame Quiguer en étonna plus d’un, une fois que les chiffres furent connus, car le principe de mutualisation affiché à tous était basé sur une compensation des pertes sur salaire. Or, il était connu que madame Quiguer ne travaillait pas (Cf déclaration HATVP). On a du mal à comprendre sur quelle base elle a pu bénéficier de tels « remboursements » de l’association, lorsque l’on sait que d’autres élus.es ayant des pertes sur salaires furent très déficitaires (jusqu'à -933 €/mois pour certains). Au mandat 2014-2020, on compte 7 élue.es déficitaires malgré qu’ils/elles soient salariée.es. Je ne compte pas ceux qui avaient des doubles indemnités ou étaient retraités et qui étaient « logiquement » déficitaires du système de mutualisation. Il semble bien y avoir eu une logique dérogatoire et de favoritisme derrière l’opacité du système.
Idem sur le caractère déclaratif des sommes perçues. Une lecture fine de la déclaration HATVP de certains élus encore en place laisse peser un petit doute sur la sincérité de leur perte déclarée à l’association, sur les années 2010-2017.
C’est un principe commun à tout système opaque et arbitraire, les profiteurs prospèrent !
[8] Pour être complet et transparent sur les élus encore en fonction aujourd’hui dans la majorité de François Cuillandre, mais qui semblent avoir préféré s’abstenir d’accompagner le maire au tribunal, le procès-verbal mentionne aussi monsieur Hosny Trabelsi avec un « bénéfice » de 380 €/mois et en tête de classement, monsieur Salami, qui avait failli nous faire croire qu’il n’avait jamais participé au système (ici), avec 631 €/mois de bénéfice.
[9] Les trois « responsables : messieurs Masson, Polar et Cuillandre ont toujours nié avoir proféré ces menaces, mais de nombreux témoignages lors des auditions de police concordent sur la tenue de ce repas. Par ailleurs, c’est un fait que monsieur Cuillandre a retiré leurs délégations et leurs indemnités à messieurs Coatanéa et Karleskind, lorsqu’ils ont quitté le PS pour rejoindre LREM. C’est aussi un fait que monsieur Cuillandre a affirmé dans la presse qu’il m’aurait retiré mes délégations (et mes indemnités) s’il avait su que je me porterai ensuite partie civile dans l’affaire Vivre à Brest (on se demandait bien pourquoi puisqu’il se disait alors innocent !). Ce chantage aux délégations, du maire et de ses deux acolytes, fut un élément récurrent des trois mandats. Mais le maire était le seul des trois à avoir le pouvoir de le mettre en œuvre.
En tant que partie civile, je tiens à exprimer ma position sur cette Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) de monsieur Cuillandre dans l'affaire Vivre à Brest. Cette décision de justice était attendue, après les déclarations tout à fait étonnantes du procureur de Brest en avril dernier, plaidant pour une justice plus accommodante pour les responsables politiques.
Cette CRPC constitue une défaite indéniable pour la transparence dans la vie publique et pour la probité des responsables publics, car elle nous prive d'un débat contradictoire sur une affaire qui touche au cœur même du fonctionnement de nos institutions. Une affaire qui a mis en cause le 1er magistrat de notre ville, M. Cuillandre, dont les expressions n’auront fait que varier tout au long de l’affaire.
Ce « plaider-coupable » de M. Cuillandre peut être interprété comme une fuite de ses propres responsabilités. Une fuite de celui qui ne souhaite visiblement pas que les questions des parties civiles soient entendues publiquement, en correctionnel.
En effet, les 4 000 € avoués ne sont que la partie immergée d’une affaire dans laquelle de nombreux faits qui auraient pu être reprochés à Monsieur Cuillandre, y compris financiers, ne seront pas exposés.
En reconnaissant un recel, M. Cuillandre revient sur sa déclaration devant la presse du 26 novembre 2018, où il affirma, face caméra, n’avoir aucun lien avec l’association. Lors de cette conférence de presse, il désigna ses deux plus proches adjoints, Alain Masson et Jean-Luc Polard, comme les seuls et uniques coupables des détournements d’argents. Ces deux fidèles adjoints sur lesquels le maire s’était appuyé durant 3 mandats décèderont successivement, seulement deux et quatre ans plus tard, après avoir subi une violente mise au banc et sans avoir pu livrer publiquement leur part de vérité dans un procès équitable.
En reconnaissant un « recel d’abus de confiance », après avoir clamé pendant 5 ans son innocence, M. Cuillandre reconnaît qu’il s'est approprié de l’argent en sachant que ces sommes venaient d’un fonctionnement détourné et illicite. Il reconnaît aujourd’hui qu’il était bien au courant d'une grande partie du système géré dans la plus grande opacité à l'égard des victimes, par ses deux adjoints.
Au-delà de cette reconnaissance de culpabilité et cette condamnation à minima, l'enquête a mis en évidence le fait que l'association « Vivre à Brest » n'a plus réellement existé entre 2001 et 2018. Pendant deux décennies et presque trois mandats, l’association créée par Pierre Maille a été détournée de son objectif initial, pour devenir une caisse noire, au service du Groupe des élus de la majorité de M. Cuillandre, où d’importants détournements d’argent ont été mis en lumière par l’enquête.
Un fait reste indéniable, M. Cuillandre a été, de 2001 à 2018, la plus haute autorité du Groupe de la majorité municipale de Brest[1], dans laquelle ont eu lieu les abus de confiance révélés par l'enquête de justice. L’enquête a aussi révélé que M. Cuillandre a été alerté de ces dérives à plusieurs reprises et qu’il n’a rien fait pour y mettre fin.
Ces révélations de l’enquête de justice soulèvent de sérieuses interrogations concernant la prétendue « présidence » d’Alain Masson, d'une association qui n'aura pas existé sur la période des abus de confiance observés.
J’acte aujourd’hui que la Justice a préféré refermer le dossier par une CRPC, plutôt que chercher des réponses, pour découvrir quelles étaient les vraies responsabilités ayant permis ces abus de confiance pendant 18 ans, au cœur de la gouvernance des deux collectivités territoriales brestoises.
En tant que citoyen attaché à plus d'éthique en politique, je trouve cela très contestable à de multiples égards, notamment envers l’effort de lutte contre les dérives de pouvoir dans nos institutions publiques, y compris à l’échelle locale.
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[1] Alain Masson n’était pas réellement le « Président de la majorité ». Le titre de « Président » fut un abus de langage. Au début de chacun de ses 3 derniers mandats, il fut nommé ainsi par M. Cuillandre à cette fonction, qui s’apparentait plus à un rôle de « Secrétaire général » auprès du maire/président. Après le début de l’affaire, M. Cuillandre garda pour lui, d’autorité, la fonction de direction de la majorité municipale. A ce titre, il fut et est encore le chef de la majorité municipale brestoise, où se sont déroulés les faits. C’est logiquement le maire qui « préside ».
Le deuil des morts de ce dernier mois nous invite à nous taire. Mais l’emballement des événements nous oblige à y poser des mots pour tenter d’apaiser et de mettre fin à un risque bien réel d’embrasement.
Il est extrêmement dur de prendre la parole dans le contexte d’hypertension, d’hystérisation que nous vivons en ce moment. Pour autant, c’est bien dans ces moments que la parole est essentielle. Ne pas parler, ne plus parler, se taire, c’est laisser les injustices ne pas être reconnues, les incompréhensions sans possibilités d'être traitées, les colères sans mots pour les exprimer. Ne pas parler, c’est aussi laisser la place à ceux qui agitent et qui clivent. C’est laisser le monde se diriger vers la barbarie.
Je partage trois réflexions personnelles sur ces derniers jours sombres de l’histoire humaine contemporaine, qui risquent malheureusement de structurer le paysage international pour de nombreuses années.
Une profonde tristesse
Tout d’abord, c’est l’expression d’une profonde tristesse pour ce qui frappe les habitants de ces régions de l'Est méditerranéen. Nul besoin de parler des noms des territoires ou des religions qui y sont pratiquées. Des frontières et des croyances ne peuvent justifier ce qui se passe depuis un mois. Une violence qui se poursuit aujourd'hui, sans horizon pour la Paix.
Ce que je note surtout, c’est que de chaque côté de ces frontières artificielles que l’homme a créées, de ces croyances différentes dont il a hérité, c’est bien les voix des fondamentalismes, des extrémistes qui s’expriment et qui conduisent aujourd’hui à cet effondrement de toute humanité. Ce drame, c’est d’abord l’emprisonnement des peuples entre deux radicalités qui s’affrontent.
Arrêtons de poser le problème en des termes religieux ou territoriaux. Nous sommes d’abord face à des groupes d’individus, de gouvernants, habités par des haines et une volonté d’anéantir un autre. Il n’y a donc pas d’issue à cette voie, si ce n’est des dominations temporaires qui conduisent à ces graves crises, voire une possible propagation des tensions à d’autres territoires. La violence appelle toujours la violence. Nous ne devrions jamais rentrer dans ce jeu.
Une politique Française pas à la hauteur
Le second point que j’ai envie d'évoquer est la posture de la France dans ce conflit.
J’ai eu honte des positionnements et des paroles de notre Président, juste après le 7 octobre, faisant des amalgames entre le terrorisme islamique et le terrorisme du Hamas. Un Président alignant la France derrière Benyamin Nétanyahou, dont l’histoire jugera des responsabilités. Un président qui contrairement à l’ONU, n’appela pas immédiatement à une solution respectueuse des populations civiles et à la paix.
J’ai eu aussi honte de la grande majorité des débats de nos représentants politiques. De ces parlementaires pourtant sensés élever le débat. Des petits jeux de sémantiques pour construire des oppositions factices, entre « clans politiques », reléguant au second plan les vrais sujets. Un risque réel de clivage du pays et surtout, un effacement de l’extrême droite française qui finit par s’afficher en défenseuse des Juifs de France, après avoir tenu des propos niant les chambres à gaz, en compagnie d’un « amical Waffen-SS ».
Enfin, je suis très sceptique voire inquiet sur le sens et la finalité de cette manifestation nationale contre l’antisémitisme, en plein milieu de cette crise qui réveille déjà tant de passions, de sujets non traités et enfouis sous le tapis des tabous de notre République depuis des années.
Il n'y a bien-sûr pas de certitude là-dessus, mais pour ma part, je ne crois pas que les grandes manifestations de soutien, en plein milieu d’une crise, soient la bonne réponse face à la montée de tensions. Au contraire, je crains malheureusement qu’elles les attisent.
J'adhère à toutes les manifestations contre tous les racismes (l’antisémitisme n’en est qu’une facette), pour dénoncer toutes les dominations. Mais il faut en juger de l’opportunité au regard de ce que cela générera dans les faits sur le terrain, dans la vie des juifs de notre pays qui expriment déjà de la peur dans leur quotidien, face à la montée des actes antisémites. Demain, cette manifestation va-t-elle faire baisser les actes antisémites, ou au contraire, va-t-elle en générer bien plus en réaction ? Le simple fait que le RN participe, mouvement qui a profondément ancré son idéologie dans l’antisémitisme au travers de son leader historique et dont la direction actuelle conserve la filiation, devrait nous questionner. Non pas sur leur présence, mais sur le sens confus de cette manifestation qu’ils sont venus « hacker » si aisément.
Cette grande manifestation à l’initiative de partis et de parlementaires, n’est-elle pas en soi l’expression d’un vide, d’une incapacité à parler aujourd’hui fortement et intelligemment des questions de religions, dans un espace public apaisé ?
Un questionnement de la laïcité
Car le dernier point, c’est bien celui-là. Dans le pays qui a vu naître le concept de laïcité, il y a un peu plus de 100 ans, est-on encore en mesure de parler de croyances dans un esprit de fraternité et de respect mutuel ? La laïcité, ce n’est pas le nihilisme, le rejet, le refus des croyances ou leur relégation à un espace privé qui fabrique des communautarismes et une fragmentation identitaire des territoires. La laïcité, c’est avant tout l’acceptation de toutes les croyances, dans un espace public apaisé et partagé.
Or, la France s’est largement éloignée de ce modèle depuis des années. Dans le discours politique, la laïcité a trop souvent été instrumentalisée pour faire obstacle aux religions, pour s’opposer à des communautés identifiées d’abord par leur croyance. La religion catholique d’abord, mais aujourd’hui très clairement la religion musulmane. Cette histoire rend le discours (pourtant légitime) de protection et de compassion envers les Juifs de France assez inaudible, voire interprété par certains comme relevant d’une préférence républicaine. Pourtant, c’est bien cette attitude de respect, d'écoute et d'échange entre croyances, identiques ou différentes, que nous devrions tout le temps avoir. De nombreuses personnes travaillent dans ce sens, mais le discours politique ambiant va trop souvent dans l’autre sens, jusqu’à parfois mélanger religion, incivilité, voire terrorisme.
Il est enfin très étonnant de voir une France, qui avait compris dès 1905, qu’il fallait séparer le fait religieux du fait politique, tomber dans le piège des pays qui mélangent toujours les deux, comme cela le fut en France pendant des siècles, durant le régime de la catholicité. Les dominations relèvent de l’instrumentation politique du fait religieux, pas du fait religieux. L’histoire du XXe siècle a démontré à plusieurs reprises qu’il n'était point besoin de dieux pour dominer et massacrer des humains. Tout comme ce sont les fondamentalistes et les extrêmes qu’il faut combattre, c’est l’appropriation, la manipulation du fait religieux à des fins politiques qu’il faut dénoncer et non le droit de chacun à croire en ce qu’il veut. Les religions ne sont pas nos ennemies. L’usage qui en est fait parfois par des dirigeants intéressés, probablement plus. Il semble bien qu’en France, nous ayons oublié cette sagesse-là. Il nous faut se la réapproprier.
Des lueurs d'espoir
Dans ce paysage bien sombre, heureusement, il y a aussi des lueurs d’espoir et des expressions qui témoignent d'autres façons de penser et de voir le monde avec humanité. Pour finir, j’en citerai deux qui m'ont touchées.
La première citation est issue de la tribune du recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz : « C’est l’heure du choix : pas entre les musulmans et les juifs, pas entre Israël et la Palestine, mais entre l’humanisme et l’horreur ». A la fin de son intelligent texte, en guise de conclusion, il cite Frantz Fanon qui s’est battu pour affranchir l’Algérie du système colonial. Celui-ci disait à ses lecteurs noirs : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »
Une très belle citation pour rappeler que les extrémistes, d’où qu’ils viennent, se moquent du fond. Ils s’appuient sur la différentiation pour cliver. Un jour ce sont les juifs, un autre ce sont les musulmans, ailleurs ce seront les catholiques, les syndicalistes, les journalistes, les opposants, etc… Leur cible importe peu. Seul compte le récit et l'émotion négative qu'il génère. C’est une mécanique humaine perverse, utilisée par ceux qui n’ont pas d’autres projets que le rejet et la haine pour prendre le pouvoir, puis dominer les peuples. Frantz Fanon nous invite à ne pas tomber dans le piège de ceux qui désignent des groupes à rejeter, plutôt que de tenter d’améliorer la vie des peuples.
La seconde expression est plus courte. C’est celle de la première otage juive libérée par le Hamas, le 24 octobre dernier : Yocheved Lifshitz. À 85 ans, cette militante pour la paix et pour un compromis raisonnable entre les peuples israélien et palestinien, alors que son mari est encore otage à Gaza, a su poser le seul mot qui fait sens aujourd’hui : « Juste avant qu’elle ne le quitte, la vieille dame se retourne vers son ravisseur, encagoulé et armé, pour lui serrer la main en murmurant distinctement un « shalom », ce mot hébraïque qui veut dire « paix », en même temps qu’il est un salut. »
Il n’y a probablement pas de geste et de mot plus fort ce celui-là, dans le contexte actuel. Que cette sage dame nous serve d'exemple pour appeler la Paix.