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Principe 25

Réponse ouverte à Laurent Prunier

Manif Vendredi dernier, lors du conseil municipal de Brest, Laurent Prunier (leader UMP d’une des divisions de l’opposition brestoise) a interpellé fermement le Maire et les élus de la majorité sur les violences urbaines de ces derniers jours, survenues en parallèle des manifestations lycéennes : « … J’attends ce soir de tous les bancs de cette salle, une unanimité dans la condamnation des violences. Cela va peut être de soi, mais cela va encore mieux en le disant ! »

Selon lui, la majorité municipale n’aurait pas assez condamné fortement ces débordements de violence et il appelait les élus de gauche à le faire officiellement en séance. Le Maire de Brest lui a rappelé l’avoir fait dans la presse au moment opportun [ici], en son propre nom et au nom de toute la majorité municipale, mais cette interpellation de l’UMP aux élus de la gauche brestoise m’interroge à plus d’un titre. C’est pourquoi je souhaite ici y apporter ma réponse (qui fait d’ailleurs écho à une précédente note [ici], écrite il y a déjà un an).

D’abord la requête de l’UMP brestoise me questionne : pourquoi demander une condamnation plus officielle de la majorité municipale à des actes de violence intervenus au sein de notre ville ? Serions-nous à leurs yeux un groupe de « terroristes » qui pratiquerait la politique au travers d’actes de violences ou par du vandalisme anonyme ? Ne serions-nous pas, comme eux, des démocrates ayant choisi la voix de la discussion et du débat, au sein des instances démocratiques où nous siégeons ensemble ? Enfin, quelle bénéfice tirerions-nous à manigancer des dégradations au sein même de la ville que nous essayons de bâtir, malgré un retrait constant de l’état UMP ? Non, je crois que nos engagements et nos actes suffisent à démontrer que nous ne cautionnons pas de tels agissements et il n’est nul besoin de le crier haut et fort pour convaincre.

En second, et puisque monsieur Prunier nous interpelle sur ce sujet, je tenais à dire mon sentiment face à ce qui s’est passé. Mon premier sentiment ne fut pas de porter un jugement sur certains par une condamnation, qui n'a à mon avis de sens que pour ramener les esprits à la raison (ce qui a été fait par le Maire de Brest). Mon premier sentiment fut d’abord de la tristesse pour cette jeunesse qui en arrive à de tels actes et un vrai questionnement sur les raisons qui nous mènent aujourd’hui de plus en plus à un tel résultat.

Je ne crois pas que l’on naisse casseur ou qu’on le calcule par pur plaisir, comme aimerait nous le faire croire la droite aujourd’hui. Je crois qu’on le devient, en réponse à une violence sociale que l’on subit soi-même. On le devient quand la frustration qui nous habite, quand l’anxiété que le futur produit sur nous ne trouvent ni écoute, ni réponse dans le présent. C’est bien cette forme d’injustice de notre société sur certains jeunes en difficulté dans leur vie qui produit ces comportements déviants.

Alors oui, après coup, j’ai eu envie de condamner. J’ai eu envie de condamner notre système éducatif et ceux qui le décide. Un système trop axé sur la production d’une élite, mais qui laisse toute une partie de sa jeunesse décrocher de plus en plus tôt, sans perspective de lendemain professionnel et sans droit à la réussite pour ceux issus d’un milieu familiale moins solide ou moins favorisé que la normale. L’alcoolisation massive de certains jeunes, les comportements autodestructeurs ou même les forts taux de suicides sont aussi des indicateurs pertinents de la souffrance silencieuse infligée à notre jeunesse. La violence de rue chez certains jeunes n’est qu’un autre mode d’expression à cette même souffrance subie.

Alors, dans ce contexte, je trouve que l’UMP est bien mal placée pour venir demander à condamner haut et fort les violences de ces derniers jours. Le Ministre de l’éducation nationale déconstruit jours après jours les fondements de notre école républicaine. Il augmente la durée des journées scolaires au détriment des plus faibles et supprime la possibilité de scolarisation précoce des jeunes issues de familles où l’éducation scolaire n’est pas un processus familiale naturel. Il renforce le décrochage précoce des enfants en plus grande difficulté scolaire en supprimant les réseaux d’aides à ces enfants (RASED), tout en fragilisant les enseignants face à ces comportements d’enfants très tôt en difficulté. Aujourd’hui, notre Ministre de l’éducation nationale mène une politique qui n’a pour seule logique que la réduction des effectifs.

Au lieu de passer du temps à condamner les jeunes qui dérapent dans nos rues, l’UMP serait bien avisée de réfléchir aux raisons profondes qui mènent à ces comportements. Elle serait bien avisée de comprendre comment les mesures portées par son Ministre fabriqueront à terme encore plus de jeunes exclus du système éducatif, n’ayant malheureusement plus comme seul mode d’expression que la violence dans nos rues.

Quand un feu se déclenche, on ne condamne pas le feu, on condamne le pyromane. Mais certains pyromanes aiment à crier « au feu » avant les autres, en espérant que cela les innocentera plus facilement aux yeux de la population. Je crains que cela soit cette ficelle un peu grossière qu’ait essayé d’utiliser notre collègue de l’opposition, vendredi dernier. Même s’il est vrai que Nicolas Sarkozy reste un maitre en la matière (propos sur le « Karcher en banlieue », par exemple), je crains que ce genre d’effet de manche dévalorise la politique dans son ensemble.

Enfin, cette condamnation de lycéens, sans autre forme de questionnement politique, rappelle aussi la tendance gouvernementale à vouloir condamner des mineurs, dès 12 ans. Cette nouvelle idéologie rétrograde de l’UMP qui consiste à se déresponsabiliser de la jeunesse que l’on produit m’effraie. Par nature, la notion de mineur fonde le rôle protecteur que la société toute entière doit avoir à leur égard. Toute condamnation d’un mineur devrait remettre en cause tous ceux qui aspirent à diriger cette même société.

Va-t-on vers une société où l’on supprime les moyens qui permettent à chaque enfant de se développer humainement ? Va-t-on vers une société qui produira de la violence dans la population (mineure et adulte ensuite), avec comme seule réponse, une réponse curative répressive comme cela nous est proposée ? Je ne souhaite pas cette société, d’abord parce qu’elle est injuste, mais aussi parce qu’elle elle très risquée et cela, aussi bien pour la droite que pour la gauche.

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