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Agression à Brest. La sécurité est d’abord l’affaire de tous.

PoliceCe matin dans le Télégramme, un article fait écho à l’agression d’une jeune fille, accompagnée de son petit frère, place Guérin en début de mois (ici). Les parents, éprouvés par l’agression subie par leurs enfants, en ont fait état sur leur page Facebook. De nombreux brestois ont alors témoigné leur soutien et leur inquiétude face aux problèmes d’insécurité et de violence qui existent à Brest.

L’article relate les faits, mais pointe aussi sur l’interpellation qui est faite au Maire et aux élus de la ville. Une pétition a d’ailleurs été ouverte pour demander de « tout mettre en œuvre pour assurer la tranquillité des brestois ».

En tant que parent de jeunes enfants, je partage totalement l’indignation et l’inquiétude des parents d’Amandine. Le bonheur et la sécurité de nos enfants sont notre priorité. Nous aspirons plus que tout à les protéger et à les voir grandir dans un monde où la violence à leur encontre n’aurait pas sa place.

En tant qu’élu, je suis choqué par le fond de l’article. Je comprends que, sous le coup de l’émotion, les victimes se retournent vers leurs élus et souvent les plus proches d’eux, leurs élus locaux. C’est une attente qui est légitime. Par contre, j’avoue moins bien comprendre la logique de fond de l’article qui se résume pour partie par les commentaires qui l’accompagnent : « les élus sont payés, et bien … qu’ils fassent leur travail. » La pétition, créée pour l’occasion, ne dit d’ailleurs rien d’autre. Il s’agit d’une sorte d’ultimatum envoyé à la municipalité de régler les problèmes.

Ce type d’article, comme souvent le traitement médiatique de la question de la sécurité à Brest, m’interpelle à plus d’un titre sur la santé de notre démocratie. Sur un sujet comme la sécurité, ce n’est pas le rôle des élus d’être dans la réaction face à un évènement émotionnellement fort. Aucun problème ne se résout ainsi. Il s’agit avant tout de bien poser le problème et d'y répondre collectivement.

L’objet de mon propos n’est pas dans l’affirmation d’une absence ou d’une minimisation de problèmes bien réels à notre société. Mon propos est politique et interroge sur la façon dont une société comprend et décide de résoudre (ou pas) les problèmes auxquelles elle fait face.

Mon premier malaise vient de l’affirmation que la municipalité, le Maire et les élus ne connaîtraient pas la réalité de ce qui se passe dans leur ville. Comme à l’abri d’une tour d’ivoire, nous ne serions pas intéressés aux problèmes des brestois.

Les élus sont d’abord des citoyens comme les autres. Ils n’ont pas de garde du corps et leurs proches non plus. Ce que vivent les brestois, ils le vivent aussi. Ils ne sont pas moins sujets que les autres aux agressions. Leurs enfants ne sont pas moins épargnés. Au contraire même, avoir un parent élu peut aussi parfois plus exposer à la bêtise gratuite de certains.

Régulièrement, la police transmet au Maire l’ensemble des faits délictueux ou violents qui ont lieux sur le territoire. Ce n’est pas une statistique, c’est une liste où sont détaillés les faits. Lors d’évènements particulièrement graves, le Maire ou l’élu de permanence se déplace pour soutenir les victimes et s’assurer que les mesures adéquates sont bien mises en œuvre. Nous avons connaissance de ce qui se passe sur le territoire et cela nous touche tout autant que les autres. Aucun d’entre nous, quel que soit le bord, ne s’est engagé en politique pour voir la violence et l’insécurité se développer dans la ville où nous vivons.

Le second malaise vient de l’interpellation populaire qui est faite vis-à-vis des élus : « vous niez le problème », « vous faites l’autruche ». Comme je l’ai écrit, après la police et la justice, la municipalité est largement informée de tous les faits déclarés qui se passent sur Brest. Le problème ne peut être nié. L’affirmation que la situation sur Brest est moins dégradée qu’ailleurs n’est pas un déni, mais une donnée statistique fournie par les services de l’Etat qui observent l’ensemble du territoire français. Cela ne légitime aucunement la violence sur Brest, mais il faut aussi entendre qu’un territoire n’est pas une ile qui pourrait s’affranchir des réalités comportementales qui l’entourent. La violence à Brest est une réalité qui dépasse les limites administratives communales. C’est bien plus le produit d’une société et d’une histoire, que le résultat d’une politique locale.

Le troisième malaise vient de la solution que les citoyens posent comme réponses au problème : vous êtes élus, vous devez régler le problème (Cf. pétition : les élus doivent tout mettre en œuvre pour un retour à la tranquillité).

A ce niveau, les choses s’inversent. Ce ne sont pas les élus qui sont dans un déni de la réalité ou qui font l’autruche, ce sont les citoyens qui signent ce genre de propos. La tranquillité, la sécurité n’est pas un service délégué à une ville comme le sont l’eau et l’assainissement, le ramassage et le traitement des ordures ménagères, les cantines scolaires ou les transports publics. La société de consommation a tellement déteint sur les façons de penser que certains en viennent à penser qu’il suffit de payer pour effacer d’un problème. Il n’en est rien.

Les problèmes de sécurité, tout comme les problèmes d’emploi (mais c’est aussi vrai des grands enjeux environnementaux) ne sont pas le faits de quelques individus qui détiendraient tous les curseurs et à qui il reviendrait le rôle de les régler. Ils sont le fait de mécanismes structurels à notre société, souvent liés entre eux d’ailleurs. Dans une société démocratique, ces mécanismes se bougent lorsque la population prend conscience des enjeux liés et des choix à faire, puis qu’elle décide de les faire. Mais aucun de ces choix ne se fait sans contreparties.

La montée de l’insécurité n’est pas en lien avec le niveau de police ou de caméras. La monté de l’insécurité physique est en lien directe avec la monté de l’insécurité sociale, avec les écarts de richesse, avec la relégation d’une partie de la population. La montée de l’insécurité est liée à l’émiettement du pacte social et républicain qui lie notre collectif. Politiquement, la monté de l’insécurité est liée à la montée du libéralisme et de l’individualisme dans la société.

C’est chacun d’entre nous qui en est responsable, dans nos choix, dans notre façon de déléguer à d’autre le lien social, dans notre façon de tourner le dos aux inégalités et aujourd’hui dans notre façon de croire que la réponse est dans plus de police ou de caméra au lieu de regarder en face la réalité du problème.

Parce que le dernier malaise, il est bien celui-là. Cette même vague de libéralisation qui a diminué les effectifs de la police nationale est celle aujourd’hui qui tient le discours sécuritaire local. La réponse à l’insécurité serait dans des polices municipales, aux prérogatives bien plus limitées que la police nationale et à l’équipement de caméras dans nos villes, considérés par la cour des comptes comme inefficaces et coûteuses ! (Lire ici et ) Jolie pirouette …

Là-dessus, la ville de Brest a toujours eu une position claire. C’est à la police nationale d’assurer la sécurité. La ville est légitime et active pour faciliter le travail des policiers en investissant dans des commissariats de quartier ou sur des fonctions de « tranquillité dans la ville », qui relèvent plus de la médiation et de la surveillance que de la sécurité. C’est une façon de se substituer sur des situations couteuses en temps pour la police, mais à faible enjeu de sécurité. Cela permet à la police de travailler plus efficacement, dans de meilleures conditions.

Mais il n’est pas envisagé aujourd’hui de créer une police municipale qui n’aurait pas les prérogatives de la police nationale pour répondre au problème. Dans de nombreuses villes d’ailleurs, la police municipale ne fait pas autre chose que ce que font aujourd’hui les services à Brest en termes de médiation et de contrôle par des agents assermentés, sans s’appeler « Police municipale ».

Rappelons aussi le rôle regretté de la police nationale de proximité, mis en place par L Jospin et supprimé 10 ans plus tard par N Sarkozy alors Ministre de l’intérieur, alors qu’elle avait donné de bons résultats dans les quartiers. C’est probablement cette police-là que les collectivités tentent de remplacer par toutes les actions mises en place, dans un rôle de prévention, d’ilotage, de connaissance du terrain, d’encadrement et de référent pour les jeunes. Il s’agit bien de traiter les incivilités avant qu’elles ne se produisent. Bizarrement, c’est justement cet axe-là de la politique municipale que l’opposition fustige au profit d’une politique répressive.

Sur la question des caméras, la position est souvent caricaturée en évoquant un refus du Maire de caméras sur Brest. Il y a déjà beaucoup de caméras à Brest, pour la circulation, la sécurité des transports ou de certains sites. La question n’est pas la présence ou l’absence de caméras, mais d’en poser la limite. Jusqu’où va-t-on en terme d’équipement de caméras et donc en terme de coût pour la collectivité ?

A Brest, on pourrait résumer la logique d’emploi des caméras au regard de l’efficacité même de l’outil. Une caméra est un objet fixe devant être lié à la surveillance d’un enjeu fixe. Jusqu’à aujourd’hui, nous nous sommes refusé à filmer l’espace public sans objectif particulier car, sauf à quadriller toute la ville, on ment en affirmant régler la sécurité sur l’espace public par des caméras (même dans ce cas d’ailleurs, y arriverait-on ? Toutes les banques sont vidéo surveillées, cela n’empêche pas les holdups !) Dans bien des cas, on déplace le problème hors du champ de la caméra, dans d’autres cas on ne change rien, les délinquants s’adaptent. Les derniers évènements particulièrement violents sur Brest se sont d’ailleurs passés sur un site privé vidéosurveillé. Cela n’a rien empêché et l’enquête de police n’est pas résolue pour autant.

La réalité du bénéfice/coût de la vidéosurveillance en termes de sécurité n’est pas bon, tout simplement parce que face à une menace mobile et intelligente, il faut une réponse mobile et intelligente aussi. C’est le sens de l’action de la police nationale. Par contre, le bénéfice de la vidéosurveillance sur le « sentiment d’insécurité » est plutôt bon. La population a l’impression d’être plus en sécurité lorsqu’il y a des caméras, même si c’est un leure. La question politique qui se pose aux élus est donc de savoir si on investit pour combattre le sentiment d’insécurité ou si on investit pour la sécurité des brestois.

Face au problème de sécurité, l’élu que je suis pense qu’il faut d’abord regarder la réalité telle qu’elle est et pas comme nous voudrions qu’elle soit, en délégant aux élus la responsabilité de ce travail, pour après constater leur échec, suivi d’un procès pour incompétence comme cela se fait trop facilement aujourd’hui. Nous vivons dans ce monde-là, qui n’est pas un monde sans violence et sans incivilité. Ayons l’honnêteté de regarder aussi le verre à moitié plein et de rappeler que nous avons la chance de vivre dans un pays en paix, qui fait partie des 10 premières puissances économiques du monde. Cet héritage n’est pas acquis et ce sont les choix de chacun qui feront ou ne feront pas perdurer ce patrimoine collectif.

Face à la violence que ce monde a et aura toujours en lui, la solution stable ne s’est jamais trouvée dans plus de violences et de répressions, y compris de la puissance publique. La solution se trouve dans plus de vigilance et de responsabilité collective, plus de solidarité entre nous en cas de difficulté et surtout l’exigence de toujours faire des choix politiques qui mènent vers une société apaisée. C’est à chacun de nous d’y participer et je crois que les élus de la majorité brestoise travaillent tous dans ce sens.

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