Dignité et modernité
jeudi 09 juin 2011
« Il fut un temps où les Hommes terminaient leur vie à la Charité, à l’Hôtel Dieu, à la Pitié-Salpêtrière. Il l’a finit généralement aujourd’hui dans une maison de long séjour, dans une EHPAD, terrible acronyme qui veut dire : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes.
Ce qui est intéressant, c’est que du temps où les gens finissaient leur vie à la Charité, il y avait au-dessus de leur lit un crucifix qui était sensé guider les gestes du soignant. Il devait soigner le vieillard, comme le Christ a soigné le pauvre. La laïcisation du monde a fait que l’on a enlevé le crucifix au-dessus du lit du malade et qu’on y a mis une Charte du patient hospitalisé, sur laquelle il n’est pas du tout question de l’amour du prochain, mais du respect de la dignité d’autrui.
On est passé de l’amour, au respect. Je me demande si on n’y a pas perdu quelque chose.
Parce que l’être humain, c’est le seul être qui sache qu’il aurait pu ne pas être et qu’il ne sera plus. « Je n’ai pas demandé à être et je n’ai pas demandé à être comme je suis. » D’ailleurs, si je le pouvais, je demanderais des modifications !
Or, parce que je sais que « je n’ai pas demandé à être et que je ne serais plus », je crois que, comme tout homme, je suis à la recherche d’une légitimation au fait que je sois et que je sois comme je suis. D’une justification au fait que je sois et que je sois comme je suis. Or, il me parait que le respect kantien n’est pas suffisant, il est nécessaire mais pas suffisant. Il y faut quelque chose comme de l’amour. [...]
Comme disait Gabin : « le jour où quelqu’un vous aime, il fait très beau ». Alors que le jour où quelqu’un vous respecte peut être un jour gris, comme les autres. Et précisément, le respect c’est la distance. Tenir quelqu’un en respect, c’est le tenir à distance. Mais l’amour est nécessaire pour que celui qui a perdu le sentiment de sa dignité, peut-être le retrouve. »
Eric FIAT, philosophe, extrait de l’émission d’ARTE Philosophie de Raphaël Enthoven, sur la Dignité (29 mai 2011).