Contribution 1067 - Enquête publique sur l'Arkéa Park
mercredi 23 avril 2025
Une enquête publique est ouverte sur le projet de nouveau stade au Froutven, le fameux Arkéa Park depuis que la banque locale a mis la main à la poche pour s'arroger le nom du stade (naming).
L'enquête est prolongée jusqu'au mardi 13 mai 2025 à 18h00 précises. N'hésitez pas à y contribuer sur le site de la concertation du projet Arkéa Park à Guipavas ou simplement à y lire quelques-unes des plus de 1 100 contributions (à ce jour).
Pour ma part, étant donné l'intérêt que je porte à ce projet depuis plusieurs mois, j'ai rédigé une contribution détaillée. Un projet qui coûtera 50 millions d'euros aux contribuables, mais dont la gouvernance et les profits seront majoritairement privés, mérite bien une attention particulière... dans le cadre de l'intérêt général !
Mais je le sais : 50 Meur (comme le disent les financiers), cela ne parle pas à grand monde. Alors, imaginez que les 7 700 mots de cette note coûte 6 500 € chacun, et vous obtiendrez le coût pour les collectivités territoriales de ce projet, rien que pour la construction de l'enceinte et ses aménagements, sans même inclure son fonctionnement ultérieur. À ce prix, chaque mot compte ! 😉💶
Cette petite envie de dépense de nos (très chers) élus brestois méritait donc bien ma modeste contribution. Et si elle vous semble trop longue, c'est peut-être bien que ce projet est bien trop dispendieux, comparé à une rénovation raisonnée du stade Francis Le Blé.
Retrouvez toutes mes notes sur le stade → ici
Enquête publique concernant projet Arkéa Park
Objet : Contribution, observations et objections dans le cadre de l’enquête publique sur le projet de stade Public/Privé au Froutven, Arkéa Park
J’interviens en tant qu’habitant de Brest, spectateur occasionnel de matchs du Stade Brestois à Francis Le Blé, mais aussi et surtout ancien élu de Brest de 2002 à 2020.
Durant cette période, je fus notamment vice-président à l’Urbanisme (2014-2018), adjoint et vice-président aux Finances à la ville et à la métropole de Brest (2018-2020), et enfin premier adjoint de la ville de Brest. De plus, j’ai occupé les responsabilités de président de la SEM et de la SPL Brest métropole aménagement et je fus ancien administrateur de la SEM Brest’aim.
Au regard de ces diverses expériences aux responsabilités des deux collectivités brestoises et au sein d’EPL liés à ce projet, j’en connais bien la genèse et les enjeux en matière d’urbanisme et de finances. Par ailleurs, ces 18 années au pilotage de plusieurs projets d’envergure m’ont permis de très bien connaitre le fonctionnement des collectivités territoriales et les différentes parties prenantes de ce dossier qui dévia très significativement de sa trajectoire initiale sous l’impulsion du maire de Brest, après les municipales de 2020.
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Deux niveaux de questionnement interpellent lourdement la nécessité de ce projet de nouveau stade au Froutven.
- Le premier est sur l’opportunité du projet au regard d’une rénovation de l’enceinte actuelle, l’information préalable sur le projet, la gouvernance future et le montage financier opéré pour financer l’Arkéa Park.
- Le second est sur la perspective réelle de recette de fonctionnement venant financer les importantes dettes de ce projet, dans un contexte de financement du football français très dégradé et par ailleurs dans un monde qui, inévitablement, se transformera dans les années à venir avec pour objectif la réduction des empreintes écologiques, individuelles comme collectives.
Avant de commencer, je me permets de rappeler la conclusion du rapport que la Chambre Régionale des Comptes Bretagne a publié en 2022 sur l’analyse des exercices 2016 à 2021 de la S.A. Stade Brestois 29 (ici). Il s’agit d’un document très éclairant sur le fonctionnement du Club, les participations publiques et les risques associés.
À la fin de cette analyse très riche datant de 2021, il était écrit sous le paragraphe : « Projet de nouveau stade » :
« Bien que ce projet de nouveau stade n’en soit qu’au niveau des discussions, la chambre attire l’attention de la SA Stade Brestois sur les coûts envisagés au regard de sa situation financière fragile. Un équilibre entre les ambitions du club et ses capacités réelles de financement doit être trouvé. »
Malgré un heureux passage lucratif en ligue européenne cette année, qui a une probabilité très faible de se représenter lors des 10 à 20 prochaines années, je ne crois pas que cet avertissement soit passé de raison.
Première partie
Alternatives, financement, information, concertation et règles d’urbanisme
Sur les aspects financiers, la gouvernance et l’opportunité d’un projet nouveau au regard d’une rénovation bien moins chère, voici les principaux éléments de ce projet qui me paraissent inquiétants, voire opposés à l’intérêt public de nos deux collectivités territoriales.
- Montant de l’investissement public disproportionné.
Bien que le stade ait été initialement annoncé avant les élections de 2020 comme entièrement financé par des fonds privés, le financement public sollicité se situe aujourd’hui à 30 millions d’euros, au travers de subventions directes de la métropole de Brest, du département du Finistère (pourtant financièrement exsangue dans la période sur ses compétences sociales propres), de la région Bretagne, de communautés de communes et de communes. Viennent se rajouter d’autres financements publics au travers de participations de SEM de la métropole brestoise. En outre, la métropole a accepté de se porter garante pour la moitié des deux prêts de 39 millions d’euros, soit une garantie de 19,5 millions d’euros, pour un projet financé sur une durée très longue (annoncée à 50 ans). Il est préoccupant de constater que cette garantie pourrait peser lourdement sur les finances publiques, déjà très endettées par le projet de tramway brestois, sans qu’il y ait de précisions suffisantes sur les bénéfices futurs pour la collectivité au regard d’autres alternatives possibles.
À ces subventions conséquentes des collectivités territoriales s’ajoutent les couts d’aménagement conséquents de la zone qui seront, là encore, portés par la métropole de Brest et qui peuvent être estimés entre 15 et 25 millions d’euros. Tous les aménagements ne semblent pas être annoncés aujourd’hui. La passerelle, considérée initialement comme essentielle à la sécurité du projet, a ainsi été supprimée. Nul doute qu’elle paraitra obligatoire après quelques années d’usage, en espérant que cela ne soit pas du fait d’accidents graves.
Le cout de construction du stade, annoncé dans la presse à 106,5 millions d’euros, plus les couts d’aménagement financés par la métropole, annoncés entre 15 et 25 millions d’euros, donne un cout consolidé du projet entre 120 et 130 millions d’euros. Comme sur tout projet d’envergure, des dépassements sont à prévoir, et l’acteur privé a déjà plafonné sa capacité à soutenir des couts supplémentaires à 10 millions d’euros. La collectivité devra-t-elle assumer ces dépassements d’un porteur de projet privé ? Personne ne le dit aujourd’hui.
A minima, la participation publique sera donc d’environ 50 millions d’euros, auxquels viendra se rajouter une garantie d’emprunt de près de 20 millions d’euros sur 50 ans. Nous ne sommes plus du tout sur la copie initiale d’un projet financé à 100 % par le privé, comme annoncé en 2018 par les décideurs locaux (privé comme public).
Cette copie purement privée était aussi celle validée par le maire actuel lors des municipales de 2020. Le projet d’envergure actuel ne porte donc aucune légitimité démocratique issue d’un programme électoral soumis aux citoyens de Brest métropole.
- Absence de débat public et d’évaluation des conditions d’occupation foncière
Le projet prévoit que la métropole de Brest mette en location un terrain de sa réserve foncière pour le stade (acquis à la suite d’un long contentieux dont j’avais moi-même suivi les derniers rebondissements en tant que vice-président à l’Urbanisme), sous la forme d’un bail à construction, sur lequel très peu d’information a été fournie publiquement.
Il n’a existé aucun débat public ni sur les modalités, ni sur les conditions de retour de cet équipement dans le domaine public, ni sur la durée d’occupation, annoncée à 60 ans et plus, alors que ces informations engageront les finances publiques de Brest sur le long terme. C’est une grosse lacune qui pourrait couter très cher aux générations de Brestois dans 50 ans, sans que nous sachions aujourd’hui qui dirigera cette société de projet, pour peu qu’elle existe encore.
Il nous a été dit aujourd’hui qu’une rénovation du stade actuel (Le Blé) couterait trop chère, qu’en sera-t-il de cette future enceinte dans 50 ou 60 ans lors de son retour dans le domaine public ?
- Étude non rendue publique concernant la rénovation du stade actuel
Une étude, financée par la ville de Brest à la demande d’élus brestois opposés au projet au Froutven, démontre qu’une rénovation du stade actuel (Francis Le Blé) est non seulement possible, mais coûterait environ deux fois moins cher que le projet de nouveau stade (entre 50 et 60 millions d’euros, aménagements extérieurs compris). L’étude met aussi en exergue que les normes des fédérations peuvent parfaitement être respectées après une rénovation, comme c’est le cas lors des rénovations faites par d’autres grandes villes.
Malgré son importance pour éclairer les citoyens, cette étude publique, finalisée en juin 2023, a été gardée confidentielle par la mairie de Brest, bien qu’il y ait eu des demandes répétées d’associations de la porter à la connaissance du public.
Il n’y a eu aucune présentation publique, par voie de presse, de cette étude par la collectivité qui en portait la responsabilité. Une omerta volontaire des décideurs de cette ville semble s’être installée sur l’alternative au projet que l’on nous présente. Seules des associations opposées au projet en ont fait la diffusion, après qu’une fuite du document ait eu lieu.
Aucun débat public n’a été organisé sur le sujet, alors que c’est une demande répétée de plusieurs collectifs de citoyens de Brest et de la métropole. Comment peut-on mener aujourd’hui une concertation publique sincère, si les éléments concernant une alternative plus économe et plus écologique sont gardés secrets par les dirigeants élus de la collectivité brestoise ?
- Opacité dans la gestion et répartition des fonds publics et privés
Selon mes estimations, l’apport de fonds propres privés (à terminaison) dans le projet global du nouveau stade s’élèverait à 16 millions d’euros, soit moins de 15 % du coût total de la construction et 12 % du cout global (hors intérêt d’emprunts). Côté collectivités territoriales, les contributions publiques (subventions publiques, couts d’aménagements et d’investissements de la métropole et des SEM brestoises) dépasseront 50 millions d’euros.
Toutefois, le montage prévoit la création d’une société de projet (SPV), dont le pacte actionnarial, et donc la gouvernance, sera très favorable aux acteurs privés (estimation de 75 % des actions contrôlées par le privé). Cette société sera donc dirigée par un ou des actionnaires privés majoritaires. La gouvernance des décisions sur ce futur stade et les bénéfices reviendront donc très majoritairement à des acteurs privés, ce qui pose de nombreuses questions au vu des apports publics engagés et d’un retour final dans le domaine public.
Plus largement, cette société de projet, ayant pour finalité annoncée de durer plus de 50 ans, a une probabilité très faible de rester sous le contrôle d’un même actionnaire sur cette durée. Aujourd’hui, il s’agit des dirigeants du Groupe Le Saint, via leur société Holdisports, actionnaire quasi unique de la SA Stade Brestois 29. Qu’en sera-t-il dans 10, 20 ou 30 ans ? Les dirigeants du Groupe Le Saint envisagent-ils une dynastie de plus de 50 ans dans la gestion du Stade Brestois et de son stade ? Il est possible d’en douter. En juin 2023, conscient du rapport de force qu’ils exerçaient déjà sur les élus politiques, ils menaçaient déjà dans la presse de revendre leurs deux Clubs (de foot et de handball féminin) si les collectivités locales n’adhéraient pas à leur projet de nouveau stade. Quid de la bonne gestion des futurs dirigeants successifs du Club sur cette même durée et de leur capacité à assumer leur part de financement ?
Du fait de ce montage hasardeux, toutes ces incertitudes font peser de nombreux risques pour la métropole qui sera pour sa part engagée sur la durée dans ce projet, tant par les garanties d’emprunts que par l’équipement en lui-même, occupant une parcelle publique. Une mauvaise gestion future risque de coûter très cher à notre collectivité et à ses contribuables dans l’avenir. Au-delà de la pertinence même de l’enceinte, il eut été beaucoup plus approprié de la part des responsables politiques de prévoir une gestion publique de l’enceinte au travers d’une SEM, par exemple.
La vision publique comme privée du projet semble s’inscrire dans des échéances à court terme : électorales pour le politique et un maintien en Ligue 1 pour les propriétaires du Club. Il ne semble pas y avoir de préoccupation sur les impacts financiers de futurs scénarios à risque qui ne manqueront pas d’arriver dans les 20 à 30 prochaines années, où d’importants changements impacteront la société et le sport professionnel (lire ci-après). Au-delà de ces enjeux futurs, de nombreuses collectivités françaises se mordent déjà aujourd’hui les doigts de ces ambitieux projets de stades, décidés dans l’euphorie du jeu, mais liés à la volatilité des résultats et des recettes des clubs.
- Manque de concertation, de transparence et diffusion de contrevérités
Une concertation a bien été menée par les porteurs privés du projet en 2022, puis rendue publique. Toutefois, cette concertation a sollicité l’avis de citoyens alors que le financement du projet n’était pas encore connu (il ne l’est d’ailleurs toujours pas très officiellement, aucune présentation d’un budget consolidé n’a été faite dans la presse).
Le bilan de la concertation mentionnait d’ailleurs bien (p. 27) : « Le maître d’ouvrage a expliqué que le projet serait financé majoritairement par les porteurs du projet, avec une contribution minoritaire des collectivités », ce qui n’est plus vrai aujourd’hui, comme cela vient d’être écrit ci-avant.
Dans ce même bilan de cette concertation, il y avait déjà un constat d’opacité et un engagement sur les enjeux financiers (p. 44) : « La maîtrise d’ouvrage est consciente du manque d’informations concernant le montage financier du projet. Elle s’engage à partager ces éléments, au plus tôt, dès qu’ils seront consolidés entre les différents partenaires financiers. » Aujourd’hui, sur le site internet de la concertation, qui s’est transformé en tribune marketing pour le projet renommé : « Arkéa Park », il n’y a aucun élément détaillé sur le montage financier du projet, alors que ces documents existent et sont partagés entre décideurs. De leur côté, bien que prenant des engagements au nom des citoyens, les maires/présidents des collectivités ne communiquent pas sur les détails de ces engagements. Tout cela est en contradiction avec les engagements pris en 2022, ainsi qu’avec le devoir de transparence de la décision publique, alors que le projet n’a aucun enjeu de confidentialité en soi.
De plus, le bilan de cette précédente concertation montre une volonté de désinformation sur la possible rénovation du stade actuel, scénario alternatif crédible au projet. Depuis le départ, cet argument est le fil rouge du discours des promoteurs du nouveau stade, plaçant le projet du Froutven comme seule alternative possible pour Brest. Cependant, nous savons qu’il ne l’est plus depuis l’étude validant la faisabilité d’une rénovation du stade Francis Le Blé à des couts deux fois inférieurs.
Ainsi, page 29 du bilan, est écrit : « Centenaire, le stade Francis Le Blé n’est plus aujourd’hui à la hauteur d’un club de l’élite. Depuis 2010, il ne répond plus aux normes imposées par la Ligue et fait l’objet de dérogations sur certains points. » Affirmation largement démentie par l’étude de faisabilité financée par la ville de Brest et volontairement non rendue publique par la collectivité brestoise depuis 2023.
Sur les coûts d’une rénovation, il est écrit : « Il a rappelé également que la rénovation du stade Francis Le Blé serait plus onéreuse pour les contribuables, car celle-ci serait 100 % à la charge des contribuables sur fonds publics. » C’est un postulat tout à fait contestable. Un projet de rénovation pourrait parfaitement se concevoir aussi avec des partenariats publics/privés. Les loyers du stade demandés au Club peuvent ensuite venir en remboursement de l’emprunt public. Enfin et de façon assez paradoxale, ils oublient de dire que la totalité du cout de la rénovation du stade actuel est de l’ordre de grandeur du montant des aides publiques sollicitées auprès des collectivités territoriales dans le projet au Froutven.
Le projet de stade au Froutven apparait donc plutôt comme une opportunité de financement public sur un projet dont les bénéfices seront très privés, un gouffre financier pour les collectivités par rapport à une rénovation et un gros risque sur le long terme assuré en totalité par l’argent des contribuables.
Enfin, bien que de nombreuses voix se soient exprimées lors de cette première concertation sur le caractère peu écologique d’un projet de nouveau stade sur une zone non artificialisée, ces arguments ont été balayés par les porteurs du projet au profit d’actions visant à verdir une nouvelle construction, par nature, contraire au bon sens environnemental face à une rénovation raisonnée.
Bien que le projet revendique une concertation préalable, une grande opacité entoure encore ce projet de stade, notamment en ce qui concerne les conditions de financement et la communication des documents clés éclairant des alternatives possibles. De plus, trop de contrevérités ont été dites et répétées publiquement. Seuls les éléments marketing ont été rendus publics afin de favoriser une adhésion au projet. Malgré des sollicitations auprès d’élus, d’associations et de citoyens pour davantage de transparence, de nombreuses informations demeurent inaccessibles au public.
Au-delà de l’instruction du permis de construire au regard des règles d’urbanisme, cette absence de transparence est aujourd’hui une entrave à une concertation publique éclairée.
- Contournement des règles du PLUi qui s’imposent sur la zone du Froutven, juste de l’autre côté de la rue
En tant qu’ancien vice-président à l’urbanisme de la métropole, je connais bien la zone du Froutven et les appétits des promoteurs qu’elle a suscités par le passé. La parcelle du futur stade fut une des plus convoitées, et c’est pour cette raison que la collectivité l’a rapidement bloquée dans son PLUi, comme dédiée à des activités sportives de rayonnement métropolitain (i.e. un stade). C’est aussi cette parcelle qui fit l’objet d’un long contentieux entre la métropole et ses anciens propriétaires trop gourmands, par suite de la préemption publique, bien avant ce projet de stade.
Cette parcelle est à très forts enjeux, car elle est au croisement des voies de circulation rapides à l’ouest de la métropole, tant vers Rennes et l’aéroport que vers Quimper et Nantes. Elle est donc très bien desservie en termes de flux routiers, sur tout l’ouest de la métropole. Les fonctions économiques placées sur la zone du Froutven ont un avantage concurrentiel très significatif sur la question de l’emplacement.
C’est la raison pour laquelle toutes les activités de la zone du Froutven sont verrouillées comme étant des Pôles commerciaux de périphérie dans le règlement du PLUi. Elles ne peuvent pas accueillir des activités économiques de petite taille, des commerces alimentaires, des magasins multi-commerces, des grandes surfaces ou même toutes les activités de loisir, par exemple. La liste de tout ce qui y est interdit ou contraint est longue dans le règlement du PLUi sur la zone du Froutven.
À l’opposé, la zone où prévoit de s’implanter le projet de grand stade, bien que juste sur l’autre trottoir du boulevard François Mitterrand, n’est assujettie à presque aucune règle aujourd’hui dans le PLUi. Dans la documentation graphique, elle est juste classée 1AUL avec un Secteur urbain faisant l'objet d'orientations d'aménagement et de programmation (Froutven - Botspern) qui ne traite pas vraiment du stade, voire 2AUS où les prescriptions sont quasi inexistantes. Pour leur projet, les Frères Le Saint semblent disposer d’un emplacement à très haute valeur ajoutée, sans restriction. Une belle entorse aux règles d’urbanisme commercial de la métropole brestoise qui apparait comme un joli cadeau intéressé de la métropole aux promoteurs de ce projet.
Nul doute que ce trou dans la raquette du PLUi sera utilisé à ses pleines capacités. Dans le projet, il n’est nul fait mystère que le dessous des tribunes abritera des petits commerces, de la restauration et des loisirs indoor (même au-dessus des tribunes), sept jours sur sept ! La Rue des Pirates porte bien son nom dans le projet, c’est un véritable hold-up sur les règles commerciales du PLUi qui est en train de se préparer, sous la raison de la passion pour le ballon rond ! Les boutiques de l’Arkéa Park n’auront très certainement pas la même réglementation que celles de l’autre côté du boulevard François Mitterrand.
Les grands gagnants de l’affaire seront les propriétaires de ces surfaces à très forte visibilité. En l’occurrence, la société de portage du projet, sous contrôle actionnarial du privé et dont les frères Le Saint devraient porter la majeure partie de l’actionnariat les premières années au moins.
Certes, ce seul équipement ne va pas vider le centre-ville de Brest, mais il contribuera assurément à son affaiblissement continu, en opposition avec toutes les politiques publiques menées depuis 30 ans par les vice-présidents de François Cuillandre.
De même, du fait de ses espaces VIP et de sa restauration, ce projet de stade viendra en concurrence directe des équipements d’agglomération plus vieillissants portés par la SEM Brest’aim. Ce sont les habitants de la métropole qui payent déjà la facture des déficits publics de ces équipements (via des subventions d’équilibre à Brest’aim) qui ne vont pas aller en diminuant, pendant que les actionnaires majoritairement privés de l’Arkéa Park rempliront leurs caisses. Une opération dans l’intérêt public ? Je me permets d’en douter fortement.
La raison d’être de l’Arkéa Park, c’est moins le foot que le business. Ce projet est conçu comme une « machine à cash », dont la partie liée aux matchs (hospitalités) ira dans le financement du Club, mais une autre dans la poche des promoteurs du projet, devenus les bailleurs d’espaces commerciaux à très haute valeur ajoutée, au regard du reste du territoire.
On notera qu’à ce jour la Société Anonyme (qui est réellement le Club Stade Brestois) et la Société de projet du stade sont détenues de façon très majoritaire par les mêmes personnes : les frères Le Saint. L’argent public doit-il financer ces projets-là à coup de dizaines de millions d’euros, avec une prise de risque forte et un intéressement minime aux bénéfices ? La question n’est pas triviale, elle mériterait d’être posée. Un débat éclairé devrait être engagé avec les citoyens/contribuables sur cette question au lieu d’une opacité entretenue par les promoteurs (publics et privés) du projet.
Ce projet soulève donc des préoccupations majeures quant à la bonne utilisation des fonds publics ainsi que sur la décision publique en matière de droit d’urbanisme, dans un contexte où les citoyens demandent plus de transparence et de rigueur dans la gestion des projets d’envergure. Ce projet arrive dans une période de tension forte sur le financement des collectivités territoriales et avec une collectivité déjà très endettée pour les années à venir. De son côté, l’acteur privé, intéressé de façon multiple au projet, n’hésite pas à prendre en otage les élus dans la presse en cas de choix alternatif, questionnant la sincérité des décisions publiques prises sous la menace. Enfin, la primauté de l’actionnariat privé dans le pacte d’actionnaires de la société de gestion du futur stade pose question au regard de la contribution financière publique très majoritaire. Un EPL (SEM ou SPL) semblerait le meilleur véhicule pour porter un équipement de cette ampleur. C’est d’ailleurs ce qui fut historiquement fait sur tous les grands équipements d’envergure métropolitaine à Brest, notamment via la SEM Brest’aim.
Comme bien souvent dans les projets en lien avec le football professionnel, les oppositions au projet ne sont pas entendues. Rappelons que Brest a déjà connu une funeste période dans les années 90, ayant conduit à la condamnation du maire de l’époque.
Seconde partie
Perspectives du projet dans un futur plutôt prévisible
Au-delà des coûts financiers et des aspects de gouvernance, il me semble essentiel d'examiner le contexte dans lequel s'inscrit ce projet. Implanter un projet d'envergure tel qu'un nouveau stade à Brest en 2025 diffère considérablement de ce que cela aurait été en 2005 ou en 2015. En 2025, le contexte général a évolué, et il est nécessaire de reconsidérer les priorités d'hier à la lumière de la vision actuelle de l'avenir.
Il me semble indispensable de prendre du recul à l'heure où environ 50 millions d'euros d'argent public vont être engagés pour au moins un demi-siècle, sans oublier les coûts de fonctionnement futurs que nous devrons assumer. En tant qu'ancien adjoint et vice-président aux Finances, je tiens à rappeler que 50 millions d'euros représentent le coût de construction de cinq groupes scolaires neufs, trois Fourneau (au Capucins), deux fois et demie la rénovation du Quartz ou 40 % de plus que le projet Métamorphose (rénovation complète d’Océanopolis, défini sur le site de la métropole comme un « chantier pharaonique »). Nous ne parlons pas ici de simples détails, mais de choix politiques concrets qui engageront l'avenir de notre territoire.
Sur le plan écologique, il est évident que la construction d'un nouveau stade sur des terrains actuellement non artificialisés constitue un préjudice environnemental significatif. Ce préjudice se manifeste d'abord par la perte de biodiversité due à l'artificialisation des sols pour un équipement qui, en réalité, sera peu utilisé si l'on considère sa fonction initiale : accueillir quelques matchs de football par an.
Ensuite, l'empreinte écologique de la construction est un autre facteur à prendre en compte. Il est désormais établi que le bilan carbone d'un projet immobilier est généralement proportionnel à son coût. Ainsi, une construction neuve deux fois plus coûteuse qu'une rénovation aura une empreinte écologique deux fois plus importante.
De plus, le nouveau stade, prévu pour être majoritairement accessible en voiture, contrairement au stade actuel situé près de la place de Strasbourg et de son réseau dense de transports en commun, entraînera une augmentation des déplacements des supporters en voiture.
Enfin, le projet prévoit de tripler les prestations VIP, souvent associées à des activités à forte empreinte environnementale. Il est difficile d'imaginer que ces espaces VIP soient conçus dans une optique de sobriété écologique.
Malgré les discours des promoteurs de ce projet, qu'ils soient privés ou publics, ces préjudices ne visent pas à offrir un nouveau stade pour permettre aux supporters d'assister à des matchs. Une simple rénovation du stade existant, Francis Le Blé, serait amplement suffisante pour cela. En réalité, ils répondent au modèle économique du football français, où le maintien en Ligue 1 dépend des capacités financières des clubs à mobiliser d'importantes sommes d'argent.
Ce modèle contraint chaque club, à l'exception de ceux détenus par des milliardaires, à concevoir des « machines à cash » pour alimenter un « foot business » aux rémunérations démesurées. Ce système aujourd'hui à bout de souffle et en fin de cycle condamne les équipes comme celle de Brest (sauf rachat par un Groupe milliardaire) à un avenir très sombre.
Chaque mois, des articles de presse abondent pour décrire l'effondrement du modèle économique du football français, qui s'est égaré dans des contrats initialement prometteurs mais finalement bien en deçà des objectifs financiers annoncés. La raison de cette faillite nationale des modèles successifs, tels que Mediapro et aujourd'hui DAZN, est bien connue : c'est le piratage des matchs par les supporters, en raison des coûts exigés trop élevés.
Cela soulève des questions très concrètes sur la volonté des passionnés de football à soutenir un modèle économique basé sur des salaires et des coûts de fonctionnement exorbitants, transformant ce sport en un business de multimillionnaires ou de milliardaires. La réponse actuelle est pourtant claire : le piratage. Les supporters ne soutiennent pas ce modèle que l’on semble vouloir mettre en œuvre à Brest avec ce projet.
Aujourd'hui, le projet de stade au Froutven, qui engage nos collectivités sur plusieurs décennies, ne tient absolument pas compte de cet effondrement. Pourtant, son financement repose sur la promesse de la pérennité d'un modèle déjà obsolète. Comme le soulignent de nombreux articles, l'avenir du football français en Ligue 1 semble désormais reposer principalement sur des clubs soutenus par des milliardaires, capables de financer personnellement les coûts et les aléas du jeu. Les petits clubs, comme Brest qui était encore il y a deux ans le club le moins doté de la Ligue 1, font faillite les uns après les autres, faute d'avoir pu atteindre leurs objectifs.
Ce projet propose donc de financer un nouvel équipement métropolitain en mobilisant une importante quantité de fonds et de garanties publics. Cependant, cette initiative intervient dans un contexte marqué par une incertitude grandissante quant à la viabilité du modèle économique de ce sport en France, surtout pour un club de taille modeste comme Brest.
Le montant excessif des sommes engagées dans ce projet est donc une posture très irresponsable. Les fonds publics ne devraient pas être engagés dans ce qui ressemble de plus en plus à un jeu de capitaux, où les clubs les plus riches détiennent un avantage concurrentiel significatif sur ceux du milieu et bas de tableau. Le football s'est transformé en un jeu de milliardaires dans lequel les petits clubs sont malmenés et finissent par payer un lourd tribut, entraînant avec eux les collectivités qui les ont soutenus, à fond perdu.
Les politiques publiques qui manquent de moyens sont suffisamment nombreuses pour ne pas dilapider des millions non nécessaires sur un jeu à l’avenir risqué.
Extrait d’articles récents du quotidien Le Monde, en appui des arguments développés
28 mars 2025 : L’équation ardue du modèle économique du football français : gagner moins et dépenser moins
« Les clubs du championnat de France, qui retrouvent les terrains vendredi après la trève internationale, traversent une crise économique qui incite les instances du football à réfléchir à un nouveau modèle. […]
Philippe Diallo [président de la FFF] et la ministre des sports, Marie Barsacq, ont déjà esquissé les contours de ce chantier d’ampleur, visant à remédier à « un problème structurel » : les graves difficultés financières des clubs professionnels. Dans leur esprit, les formations de Ligue 1 et de Ligue 2 – dont plusieurs sont « menacées dans leur existence », selon les termes du président de la FFF – doivent bâtir un nouveau modèle. […]
Un constat partagé par le président de la FFF. « Le modèle économique sur lequel nous reposons depuis plusieurs décennies, avec les deux piliers des droits audiovisuels et du système des transferts, est questionné. Il faut que nos clubs puissent intégrer cette donnée pour que nous adaptions notre modèle » […]
« Le risque, c’est de tomber dans un cercle vicieux avec un déclassement de la Ligue 1, qui comptera moins de joueurs de haut niveau, analyse Jean-Pascal Gayant, économiste du sport et directeur de l’IUT de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Cela peut aboutir à un championnat moins attractif, avec un produit dévalué, qui générera donc moins de recettes sur les droits télévisés. » […]
« Dans le football d’aujourd’hui, il faut des investisseurs puissants qui se mettent au niveau des autres championnats européens. Ce qui fait un club, c’est aussi la surface financière de son actionnaire », déclare Vincent Labrune au Monde. Constat froid d’un dirigeant de l’élite : « Les clubs qui vont mourir sont ceux qui n’auront pas moyen de remettre au pot en cas de coup dur. » Alors que cinq à sept clubs professionnels sont menacés de dépôt de bilan, le football français semble plus que jamais réservé aux plus fortunés. Quitte à laisser les plus faibles sur le côté. »
11 avril 2025 : La fin annoncée des clubs de football professionnels français « à l’ancienne »
« Confrontées à de graves difficultés financières, plusieurs institutions détenues par des chefs d’entreprise locaux luttent pour leur survie. Difficile, pour eux, de concurrencer les grands groupes et les fonds étrangers qui contrôlent déjà deux tiers des meilleures formations tricolores. […]
En Ligue 1, seule une poignée de présidents incarnent encore ce type de gestion, plus ancré localement que tourné vers l’international. On retrouve dans cette catégorie […] celui de Brest, Denis Le Saint, à la tête d’une firme de distribution en fruits et légumes. […] Ces « dinosaures » tentent de maintenir leur club sous perfusion en investissant une bonne part de leur fortune personnelle. […] A part le Stade brestois [en 2025], ces clubs bataillent pour leur survie en queue de peloton du championnat de France. Tout sauf un hasard tant leurs difficultés sportives sont corrélées à leur fragilité financière. […]
Un mouvement qui s’est accéléré avec le rachat du Paris Saint-Germain par le fonds souverain Qatar Sports Investments (QSI), en 2011. Une date synonyme de nouvelle ère pour le football français, passé peu à peu sous pavillon américain (Marseille, Lyon, Toulouse, Le Havre), luxembourgeois (Lens et Lille), chinois (Auxerre), russe (Monaco), britannique (Nice) ou canadien (Saint-Etienne). Avec une progression fulgurante : alors qu’en 2019, seuls six clubs de Ligue 1 étaient majoritairement détenus par des propriétaires étrangers, ils sont aujourd’hui douze sur dix-huit. […]
Pour l’instant, en France, l’attitude dominante est plutôt d’accepter toute arrivée massive d’argent, quelle que soit sa provenance. Et peu importe si cela revient à condamner progressivement des clubs historiques, habitués à la traditionnelle gestion dite en « père de famille ».
14 avril 2025 : « L’ampleur du piratage de la Ligue 1 démontre l’intérêt du public pour celle-ci, mais pas à n’importe quel prix »
« Du point de vue de DAZN, qui, selon le médiateur, enregistre déjà 200 millions à 250 millions d’euros de pertes sur cette saison, régler la somme de 400 millions d’euros annuels en moyenne sur la durée du contrat (2024-2029) n’est pas tenable. La société pèse sur les négociations en réclamant 573 millions à la Ligue de football professionnel (LFP) « pour manquement observé » et « tromperie sur la marchandise ».
« Les discussions entre la Ligue de football professionnel et le service de streaming DAZN, entamées au début de mars, ont échoué mardi. Les clubs français ne sont pas plus avancés qu’il y a un mois et demi quant à l’avenir de leur collaboration avec leur principal diffuseur. […] A cette heure, difficile pour toutes les parties prenantes de savoir comment va s’achever ce dossier. Une option reste sur la table : la possibilité pour la LFP ou DAZN d’activer une clause de leur contrat, en décembre 2025, si le diffuseur n’a toujours pas atteint 1,5 million d’abonnés (ils sont environ 500 000 aujourd’hui). Ce qui acterait définitivement la fin de leur collaboration à l’issue de la saison 2025-2026. « On ne sait pas ce qui va se passer », regrette un président de club, qui tire un constat amer de cette journée : « On était déjà faibles. Maintenant, on est archifaibles. »
Cette revue de presse des articles des deux derniers mois révèle beaucoup sur l'état et les dynamiques du football français. L'épisode réjouissant mais temporaire du Stade Brestois en Ligue des champions éclipse localement la réalité de la restructuration financière en cours. Les certitudes d'aujourd'hui ne seront pas celles de demain pour le Club Brestois.
Un dernier point de perspective incontournable est l'évolution prévisible des pratiques collectives dans les années à venir. Sommes-nous, à Brest comme à Washington, en train de nier les enjeux climatiques et nos responsabilités en matière de pratiques humaines, voire de vouloir dénoncer les accords de Paris sur le climat ? Ce projet semble ignorer totalement les enjeux climatiques ainsi que les changements de pratiques nécessaires à moyen et long terme.
À l'horizon 2050, soit les vingt premières années de fonctionnement de ce nouvel équipement, la France s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre par six, soit de plus de 80 %, pour atteindre la neutralité carbone. Cet objectif est inscrit dans la Stratégie nationale bas-carbone (voir ci-dessous). Pense-t-on sincèrement que la réalisation de ce projet, potentiellement deux fois plus émetteur que la rénovation du stade Francis-Le Blé, répond aux exigences de cette stratégie nationale ? Au-delà de l’impact négatif de cette construction, croit-on qu'à cet horizon de vingt ans, nous continuerons à remplir des stades de 15 000 personnes à chaque match, tout en visant une réduction de nos émissions de 80 % ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Ce projet est non seulement antinomique aux objectifs de la SNBC, mais il ignore l'évolution des comportements et des pratiques qui se produiront inévitablement au cours des deux prochaines décennies et au-delà. C'est un modèle dépassé, conçu par des acteurs politiques et privés vieillissants, qui continuent de penser « business as usual », comme si rien ne devait changer. Mais tout doit et va changer !
Site ministère de l’Écologie : Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)
« En France, atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 implique une division par 6 des émissions de gaz à effet de serre sur son territoire par rapport à 1990. Concrètement, cela suppose de réduire les émissions de la France à 80 MtCO2e contre 458 MtCO2e en 2015 et 445 en 2018. »
L'avenir ne s'écrit jamais à l'avance, mais les grandes tendances peuvent être anticipées (ce qui est censé être le rôle des politiques, d’ailleurs). Il est évident que les déplacements individuels, un poste très important dans les émissions de gaz à effet de serre, vont progressivement se limiter aux fonctions les plus essentielles. Remplir des stades de 15 000 personnes tous les quinze jours ne sera ni la priorité des décideurs de demain, ni celle des supporters, qui pourront suivre les matchs via divers médias. L'accès aux tribunes des matchs deviendra de plus en plus une activité réservée à un faible nombre de privilégiés, ceux qui auront grandi dans ce modèle. Les autres suivront les matchs d’une autre façon, que l’avenir s’occupera de définir (média, fan zone locale, bar, etc.).
Les jeux de ballon tels que le foot ne sont certainement pas près de disparaître, mais il est très probable qu'ils évolueront vers d'autres formats, mieux adaptés à l'époque dans laquelle nous vivrons. Déjà, de nouvelles formes de jeux émergent rapidement en Europe. La Kings League par exemple (lire ci-après), encore méconnue en France, commence à rencontrer un succès notable dans plusieurs autres pays européens. Ce format de football, soutenu par des joueurs renommés, est beaucoup mieux adapté aux formats numériques et aux jeunes générations ayant grandi avec la culture des jeux vidéo. Il ne manquera pas de séduire la génération montante.
Le Monde du 6 avril 2025 : Kings League : la nouvelle compétition de foot aux règles originales et au succès fou
« Dimanche 6 avril commence un tout nouveau championnat de football en France : la Kings League. Créée par l’ex-footballeur Gerard Piqué, et portée par le streameur AmineMaTue en France, la Kings League est un tournoi de football à sept aux règles innovantes […] Chaque équipe est dirigée par des capitaines très connus, comme les footballeurs Aurélien Tchouaméni, Jules Koundé et Adil Rami […] Diffusée gratuitement sur Internet, notamment sur Twitch et YouTube, elle séduit un public jeune, friand de contenu interactif. En Espagne, son succès est tel qu’il inquiète la Liga, le championnat traditionnel. »
Nous sommes à un tournant, et faire semblant de ne pas le voir pour continuer à faire perdurer un modèle en déclin constitue une faute lourde politique. Les acteurs publics risqueraient d'investir à perte des dizaines de millions d'euros dans un nouvel équipement, alors qu'il existe une alternative tout à fait viable, mais volontairement négligée.
Cependant, ne pensons pas que ce projet est une erreur pour tout le monde. Il génère évidemment des bénéficiaires qui semblent en avoir bien conscience. Pour les acteurs privés, ce projet de nouveau stade, largement subventionné par des fonds publics, représente une opportunité unique. En effet, les acteurs privés évaluent leurs profits sur un horizon de 5 à 10 ans. Il ne fait aucun doute que ce stade, avec sa « Rue des pirates » portant si bien son nom, sera un succès commercial à cet horizon. Probablement au détriment d'autres initiatives économiques en cœur de Brest, mais ce n'est pas le sujet. Pendant 8 ans, la société de projet bénéficiera de la fraicheur de l’équipement et d'un soutien financier important grâce au naming Arkéa Park.
La question que pose ce projet sera pour l'après-2040, lors de la deuxième décennie de cet équipement métropolitain, lorsque la nouveauté aura disparu, que des frais de gros entretiens et de renouvellement des équipements seront nécessaires (comme la collectivité en a l'habitude pour tous ses équipements métropolitains), que le naming se sera envolé faute de n’être plus dans l’air du temps et que le Club ne fera plus la une des journaux. Lorsque les promoteurs de ce projet, après avoir empoché les bénéfices des premières années, céderont le Club et la gestion du stade. Lorsque la métropole de Brest se retrouvera finalement seule à devoir éponger les dettes et éviter le naufrage du « bateau pirate », abandonné par ses capitaines, partis vers d'autres aventures économiques plus profitables.
L'incapacité de nos collectivités locales à maintenir le stade Francis Le Blé à flot au cours des deux dernières décennies laisse peu de doute sur ce qui se passera ensuite dans les 20 ou 30 prochaines années pour ce nouvel équipement, qui aura perdu la rentabilité due à sa nouveauté. Soyons-sûrs que la question du classement du Club brestois sera alors devenue une question très secondaire, pour de nombreuses années.
Je conclus ici cette analyse prospective concernant un potentiel équipement métropolitain à 130 millions d'euros, qui risque fort de devenir un fardeau pour le football brestois dix ou quinze ans après sa construction, lorsque le remboursement des dettes alourdira les coûts de fonctionnement croissants du Club pour encore quarante ans. À ce moment-là, il sera trop tard pour faire marche arrière. Des tours auront déjà poussé sur la parcelle de Le Blé, laissée à la gourmandise des promoteurs immobiliers. Tout le monde se souviendra de l'éclat des années Le Saint et accusera leurs successeurs, tant publics que privés, mais ce sera tout à fait injuste. Dès aujourd'hui, tous les problèmes futurs sont clairement visibles et prévisibles. C'est pourquoi, en toute responsabilité, je tenais à les exposer ici.
Sur la question du football professionnel à Brest, en 2025, la seule option raisonnable et durable est une rénovation du stade existant. Les contraintes d’une rénovation réussie, qu’il ne faut pas nier, sont tout à fait à la portée d’architectes et de maîtres d’œuvre imaginatifs et compétents. La majorité des autres villes se lancent dans des rénovations de leur stade, pourquoi pas nous, puisqu’ici c’est Brest ? Par ailleurs, n’a-t-on pas fait une superbe rénovation aux Capucins ? Pour y avoir participé, c’était loin d’être gagné d’avance, et quelques voix préconisaient alors de raser les ateliers. Tout est possible, pour peu qu’une vision et de l’ambition soient portées.
Pour résumer mon propos, je suis évidemment contre ce projet de nouveau stade au Froutven pour les raisons suivantes :
- Opportunité réelle non travaillée volontairement par les dirigeants (mais actée par une préétude) d’un projet alternatif de rénovation du stade Francis-Le Blé, à un coût deux fois moindre et une empreinte écologique environ deux fois meilleure.
- Depuis 2020, absence de transparence des promoteurs du projet sur le financement, alors que les subventions publiques dépassent aujourd’hui très largement les fonds propres apportés par les acteurs privés (sans compter les garanties d’emprunt à parité).
- Gouvernance à terminaison de l’enceinte complètement biaisée et ne prenant pas en compte les apports financiers des collectivités, alors qu’une gestion par un EPL à majorité publique serait de raison, à l’instar de tous les équipements métropolitains brestois.
- Absence de garanties (connues) sur les modalités de retour dans le domaine public de l’équipement et, dans tous les cas, quasi-obligation pour la collectivité de reprise de l’enceinte et de la moitié des dettes garanties, en cas de faillite de société de projet.
- Décalage complet du projet vis-à-vis de toutes les préconisations de la Stratégie nationale bas-carbone qui engage à penser les évolutions que nous allons devoir mettre en œuvre pour tenir les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.
- Positionnement du projet en bout de ligne de tramways et loin des autres réseaux de transports publics, qui conduira les usagers du stade à venir en voiture, d’où l’enjeu de la mobilisation des stationnements attenants au stade, les parkings prévus dans le projet étant très majoritairement dimensionnés pour la seule « classe VIP ».
- Concurrence déloyale par l’absence de contrainte réglementaire en matière d’urbanisme commercial sur la parcelle de l’équipement, alors que tous les acteurs économiques de la zone du Froutven attenante ont été fortement contraints pour éviter la fragilisation du centre-ville de Brest et des communes de la métropole.
- Projet qui ne se situe pas dans la perspective de l’évolution plus que probable du foot professionnel français dans les années à venir, tant du fait des enjeux de financement de la Ligue 1 et 2 que du fait des changements de pratiques en termes de mobilité liés à la montée des contraintes pour contenir le dérèglement climatique.
Pour toutes ces raisons objectives, ce projet de nouveau stade au Froutven, sous le contrôle d’acteurs privés ne portant que des objectifs à court et moyen terme, m’apparait comme un très mauvais projet, dans une mauvaise période de fort endettement de notre collectivité métropolitaine.
Nota : De nombreux promoteurs ou partisans de ce projet ne manqueront pas de qualifier mes propos d'expression d'une simple opposition politique. Je tiens donc à préciser que je ne suis affilié à aucun parti politique, ni à aucune association brestoise, qu'elle soit en faveur ou contre ce projet. De plus, je n'ai pas l'intention de me présenter aux prochaines élections municipales à Brest. Je ne pense pas avoir de conflit d'intérêt particulier concernant ce projet, que j'ai pris le temps d'analyser en profondeur sur mon blog depuis 2023, à la suite de l'annonce de l'abandon d'un projet 100 % privé. Dès cet instant, ce projet m'a semblé en décalage avec les intérêts de notre collectivité et, de surcroît, entaché de nombreux non-dits et (cela va souvent avec) de risques évidents de conflits d'intérêts.
Dossier sur mon blog : Le Blé contre Le Saint - Mes notes sur l'avenir du stade de football de Brest
Je vous remercie de m’avoir lu jusque-là, mais aussi de prendre en considérations mes objections et mes remarques dans le cadre de cette concertation.