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Affaire Sarkozy-Kadhafi : une République entachée

Sarkozy-Kadhafi _ Des billets et des bombesPar le plus grand des hasards, j’ai dévoré hier soir la bande dessinée sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi - Des billets et des bombes. Une enquête très bien expliquée par le dessin que je conseille à tous ceux qui veulent comprendre cette affaire d'Etat. On la trouve en bibliothèque, en occasion pour pas cher ou en librairie.

Aujourd’hui dans la presse (ici), au terme de 10 années d'enquêtes, nous apprenons que les juges ont renvoyé Nicolas Sarkozy en correctionnel pour « recel de détournement de fonds publics », « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « association de malfaiteurs » dans le cadre du dossier du financement présumé de sa campagne de 2007 par le régime de Kadhafi. L’ex-secrétaire général de l’Élysée et ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant sera jugé pour une dizaine de chefs d'accusation dont « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée », « corruption passive », « complicité de financement illégal de campagne électorale ». En plus de ces deux lascars qui semblent avoir été les commanditaires et les bénéficiaires principaux de ce système, d'autres personnalités de la Sarkozie seront sur les bancs des accusés, dont Éric Woerth (actuel député et Questeur de l'Assemblée nationale) et Brice Hortefeux (actuel député européen et conseiller régional d'Auvergne-Rhône-Alpes).

Les articles dans la presse retraçant cette affaire sont trop souvent ardus à comprendre, tant les circuits et les intermédiaires mis en œuvre pour mettre en place ces financements illégaux sont complexes et occultes. Mais la bande dessinée retrace bien les faits connus et les éléments de preuve mis à jour par l’enquête. Les éléments à charge sont lourds, très lourds, et le récit permet de mieux comprendre ce que la Justice pense de ce dossier, qui va bien au-delà de la question de l’élection et d’un financement occulte. Les effets collatéraux seront des exécutions sommaires, l’appui de dictateurs, de terroristes, et pour finir, des bombardements sur des populations civiles… soi-disant au nom du droit international. L’histoire est profondément choquante.

À la lecture de ces éléments, deux questions viennent assez naturellement.

  • La première est la lenteur de la Justice en France. Nous pouvons comparer facilement avec le cas américain où Donald Trump, qui semble du même acabit que Nicolas Sarkozy en matière d’éthique en politique, est aujourd’hui poursuivi de façon rapide et sérieuse. La justice fait son job, avec les moyens qui vont bien et rapidement (lire ici les échéances des affaires Trump qui s’étalent entre 2 et 8 ans). Pour Sarkozy, l’affaire remonte à 2007, la sortie dans la presse par Médiapart en 2011, le renvoi en correctionnel des juges est en 2023 et le procès est programmé pour 2025… 18 ans après les faits !
  • La seconde est l’impunité dont bénéficient les personnalités politiques en France par rapport à d’autres pays. Mercredi dernier, deux jours avant que les juges annoncent le renvoi en correctionnel et les chefs d’inculpation envers celui qui présida la France, ce dernier était l’invité du 20 h de TF1 pour marteler : « Rien de probant n’a été trouvé contre moi ». Il y a une forme de complicité de cette presse spectacle, qui fait passer l'avis des accusés avant celui des juges. Il y a aussi une complicité du pouvoir à considérer cet ex-président fraudeur avec tant d’honneur, alors qu’il existe une très forte suspicion que son élection fut irrégulière et que certaines de ses décisions lourdes en tant que chef d’État furent conduites dans l'objectif de masquer ses délits.

Tout cela est profondément indécent et ne grandit certainement pas la France.

Il y a urgence à changer les règles envers ceux qui trahissent la confiance de leurs concitoyens en dévoyant le pouvoir qui leur a été confié. Les responsables qui trichent devraient être rapidement sanctionnés d’inéligibilité par les juges. De nombreux concitoyens sont envoyés en prison sur la base d’éléments de preuve, en attente d’un procès. Une pratique « d'inéligibilité immédiate » devrait s’appliquer aux politiques lorsque de lourdes charges pèsent contre eux et que suffisamment de preuves sont réunies. Il est inadmissible que des escrocs restent au sommet de nos institutions républicaines, usent de leur pouvoir à des fins personnelles et au mépris de l’intérêt général. C’est ainsi que nous tuerons nos démocraties.

Le principe de présomption d’innocence, fort usée publiquement par les dirigeants aux passés les plus sulfureux, est devenu une faiblesse de nos Républiques. Il profite à ceux qui abusent de leur pouvoir pour masquer leurs méfaits ou mentir éhontément devant la presse, comme devant les citoyens. Il serait grand temps de protéger nos Républiques des « racailles en col blanc », afin que l’opinion publique ne rejette pas toutes les personnalités politiques en bloc et dirige ses maigres espoirs vers les extrêmes, faute d'entrevoir une meilleure alternative.

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