La maison ne brûle pas, mais elle est vermoulue de dettes
jeudi 09 juillet 2009
Bien que toussotant ces derniers temps, notre machine économique tourne. Nos entreprises continuent à produire et nos citoyens à consommer. Pourtant, même si notre système laisse apparaître la façade d’une économie sans faille, à la façon d’une maison attaquée par des termites, la structure de l’ensemble est en passe de s’effondrer.
Comme les termites, l’humain est en train de consommer, de se nourrir de ce qui l’entoure. Niant cette vérité inscrite dans les chiffres, il continue un développement qui se fait au détriment d’autres. Il ne fait plus l’effort de construire le monde en cohérence et de faire avancer l’ensemble : il préfère avancer vite, confortablement et accumuler des dettes.
Les dettes des nations sont depuis longtemps des mécanismes bien rodés. Dettes des pays pauvres aux pays riches, dettes des pays riches entre eux, dettes des pays riches aux pays en développement. Tous les politiques en critiquent les aspects négatifs, aucun ne propose de politique à court terme pour y remédier. Avec la crise financière, c’est encore par la dette que l’on tente d’amortir le « choc » provoqué par des déviances économiques passées.
Les subprimes sont l’emblème même de ce modèle à crédit en déclin. Véritables mèches de cette crise mondiale, ils ont volontairement rendu possible la consommation de foyers peu solvables, au travers d’un endettement voulu à risque pour eux. La logique n’étant pas l’accès pour tous à la consommation, mais bien la nécessité de la consommation de tous, pour soutenir le modèle économique. Après le 11 septembre, la machine économique devait se nourrir de tous bois pour ne pas s’effondrer … y compris des moins performants, des plus à risque … mais à la fin, quand tout fut mobilisé, badaboum !
Les dettes financières ne sont pas nos seules dettes. Nos pays développés nourrissent aussi leur développement rapide par de la dette écologique et de la dette sociale.
L’humanité consomme déjà plus que la bio-capacité mondiale, avec une disparité connue : dans le monde, 20% des populations consomment 80% des richesses. Notre surconsommation épuise les « richesses renouvelables » et gâche les richesses non renouvelables, en les utilisant avec des rendements bas. Nous allons léguer un monde cassé. Un monde où le capital environnemental aura été consumé sans qu’aient été mises en place des actions de préservation ou de régénération naturelle.
Dettes sociales enfin. Nos pays développés sont à la recherche de gains de productivité. Si certains de ces gains sont bien réels, reposant à la fois sur l’élévation des savoirs et l’ingéniosité de certains, une part de la productivité actuelles tient aussi à une pure spéculation sur des taux horaires mondiaux. Faire-faire plus, à des salaires plus bas, est-ce un gain de productivité ? Les prix de vente baissent, mais sommes-nous collectivement plus productif ? Non, nous profitons seulement des différentiels sociaux entre pays.
Chercher des gains de productivité peut-être une action noble et bénéfique à l’humanité. Spéculer sur la misère humaine l’est beaucoup moins. Le haut niveau de consommation de nos pays développés n’est possible qu’au travers d’une dette sociale vis-à-vis de ces hommes, femmes et enfants que la productivité fictive de nos entreprises exploite.
Dettes financières, dettes écologiques, dettes sociales, telles sont les réalités de notre développement. Ces dettes rongent peu à peu notre avenir, elles rendent de plus en plus probable un effondrement soudain de l’ensemble : un collapsus global de notre homosystème, dans l’incapacité à se redresser de façon pacifique.
Tout ceci n’est-il qu’un rêve d’illuminé pour se faire peur ou se rendre intéressant ? Vaut-il mieux rester dans le confort de la vision collective rassurante que l’on nous sert, afin de sucer jusqu’à la dernière goutte les bénéfices de notre consommation ? A chacun ses réponses, son analyse du réel.
Pour autant, rien de tout ceci n’est écrit. Si nous savons où nous mène un scénario tendancielle stable, nous possédons aussi tous les leviers d’un développement responsable qui s’assume et qui respecte. Comme chaque sur-endetté, il nous suffit d’abord de nous concentrer sur l’état des lieux de nos dettes et de notre capacité de remboursement. Une fois la situation assainie, nous pourrons alors poursuivre notre développement, notre croissance, à un rythme en phase avec l’augmentation réelle de notre productivité collective.
Des outils financiers existent pour épurer les dettes financières. Mais ils ne seront d’aucun usage sur les dettes écologiques et sociales. La nature et les Hommes ne sont pas des capitaux dont on dispose grâce à des règles écrites. C’est une richesse structurelle, dont chacun de nous bénéficie généreusement. A nous de préserver ce patrimoine qui a, jusqu’à maintenant, servi au développement de l’humanité.