Safer Seas 2011 à Brest
lundi 16 mai 2011
Dans le cadre de ma délégation, j’ai passé quelques heures de la semaine dernière aux journées Safer Seas, qui se déroulaient au Quartz, à Brest. Colloque international sur la sécurité en mer, sous toutes ses formes, cette troisième édition semble avoir été un succès. De nombreux experts internationaux était présents, à la fois pour échanger entre eux, mais aussi pour rappeler que cette question devient un enjeux de premier ordre.
La sécurité en mer prend aujourd’hui plusieurs formes : sécurité des hommes en cas de défaillance matériel, mais aussi sécurité des hommes en cas de piraterie ou de prise d’otages, sécurité des milieux face à des catastrophes technologiques comme des marées noires ou face à de la malveillance économique, comme lors des dégazages ou des vidanges d'eaux de ballastes et enfin, la régulation des trafics en tous genres (licites comme illicites).
Les mer, les océans tranchent aujourd’hui avec la terre. Longtemps conceptualisés comme un ailleurs qui pouvait s’autogérer, au-delà des petites frictions côtières, les mers sont encore largement des espaces peu contrôlés.
Face aux politiques sécuritaires des nations et aux nouvelles technologies, tant sur l’aspect surveillance que sur l’aspect interception, la criminalité est rendue plus difficile à terre. De façon assez naturelle, elle se développe en mer. Le territoire est très large, la surveillance et l’interception plus difficiles et la collecte de preuves souvent impossible. Par ailleurs, le droit international dicte encore mal les règles de jugement à terre, de criminelles capturés en mer, au-delà des zones gérées par chaque nation. Il s’en suit donc un flou propice aux trafics (y compris d’humain) ou à la piraterie et à la prise d’otages contre rançon.
Même si cela reste encore aujourd’hui une criminalité localisée et tenant sur un petit nombre d’individus sur le plan mondial, le risque est grand de la voir se développer et changer d’échelle dans un monde en tension. Au fils des prises et des rançons, les criminels montent en gammes en terme de technologie d’interception et accentuent donc les risques.
Mais Safer Seas ne fut pas que sur la criminalité, bien-sur. On y a aussi parlé des bateaux du futur, avec des avancées afin de rendre les échanges plus propres et plus sûr. Quelques pistes intéressantes auront été lancées, non technologiques, mais plutôt dans les usages : des pistes atteignables dès aujourd’hui, par une meilleure planification globale, par exemple.
Conférence intéressante aussi sur les routes émergentes du nord, où des lieux communs médiatiques ont été battus en brèche par des experts mondiaux de la question. Les routes du nord resteront encore du domaine de la science-fiction pendant quelques années pour le trafic mondial, même si la fonte de la banquise arctique est, quand à elle, une donnée bien réelle. Là aussi, les usages et les pratiques contredisent l’imagination ou de simples comparaisons de distances sur un globe terrestre.
Enfin, de larges débats entre nations présentes auront témoigné du travail déjà initié en terme de coopérations, mais laissent aussi entrevoir l’immensité de ce qu’il reste à faire et du chemin à parcourir, entre enjeux et cultures différentes, pour arriver à répondre aux différentes problématiques de ce vaste territoire commun.
Comme lors d’autres débats sur la mer, Safer Seas nous apprend que nous sommes d’abord des terriens et que jusqu’à maintenant, nous avons tenté de répondre aux enjeux posés en mer, par des réponses venant de terre. Or la mer est un territoire très différent. C’est d’abord un territoire à trois dimensions. C’est ensuite un territoire en mouvement, dans l’espace et dans le temps, où les usages se chevauchent et ne peuvent être associés directement à des parcelles, comme à terre. C’est enfin dans sa majorité un espace partagé, sans notion d'appartenance et de propriété.
Allez en mer, c’est accepter de perdre ses repères de terrien, de s'en éloigner, pour en apprendre d’autres. C’est sûrement cela qui fait la force des marins, partager et se comprendre dans un environnement très différents et certainement plus riche et complexe que celui des simples terriens. Ne doutons pas que nous ayons beaucoup à apprendre de la mer. Nombre de nos certitudes risquent de voler en éclat, mais cet apprentissage est nécessaire car, comme l’a rappelé le Chef d’état major de la marine nationale, l’Amiral Forissier, si notre planète s’appelle « la Terre », un peu de recul et d’observation nous auront rapidement fait changer d’avis. Nous habitons la planète « Mer ».