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Troisième conférence bretonne de l’énergie

Electricité J’étais vendredi dernier à la 3ème conférence bretonne de l’énergie à la préfecture de région, dont l’objectif était de poser les grandes lignes du pacte électrique breton (voir aussi ici).

Engagé par la Région Bretagne, ce pacte porte l’ambition d’une réponse équilibrée d’un triskèle électrique, comme l’appelle Jean-Yves Le Drian : effort sur les économies d’énergie, effort sur la production en énergies renouvelables et réponse à la sécurisation moyen terme de la Bretagne par une unité de production d’appoint.

La conférence fut avare en scoop. Pour tous ceux qui avaient suivi les groupes de travail, aucune nouvelle annonce ne fut réellement faite. Des comptes rendu synthétiques des groupes de travail posèrent les grandes tendances de ce pacte électrique breton.

Sur l’axe des économies d’énergie, il est proposé d’opter pour une « MdE renforcée », avec pour objectif à 2020 l’équivalent de 200 MW économisés sur la Bretagne, ainsi qu’un effort substantiel sur l’effacement diffus pour un objectif similaire. Notons que l’effacement diffus n’est pas réellement de la MdE, mais plutôt un process d’optimisation des réseaux en vue de lisser les appels de pointe.

Sur l’axe des énergies renouvelables, il est proposé de passer de la production 2010 de 850 MW, à un objectif 2020 de 3600 MW, composé de différents modes de productions renouvelables (éolien, hydrolien, hydraulique, biomasse, photovoltaïque, etc …) L’objectif quantitatif serait de produire annuellement un tiers de l’électricité bretonne sur du renouvelable en 2020.

Sur l’axe de la sécurisation, il est proposé de renforcer les réseaux par des investissements en cours sur des déphaseurs, par la mise en place d’ici 2018 d’une ligne 225 kV enterrée Lorient - St Brieuc et par la construction d’ici à 2016, d’une l’unité de production d’appoint de 450 MW, située dans la région de Brest et sur la technologie d’une centrale à cycle combiné au gaz.

Après quelques questions et interventions de la salle, la réunion s’est conclue par l’annonce de la signature du Pacte électrique breton, sous une quinzaine, entre la Région, l’Etat, l’ADEME, l’ANAH et RTE (je dois en oublier un ou deux). Cette signature acterait tant des ambitions, que des objectifs et des financements liés.

Que dire de cette conférence ?

Peut-être d’abord saluer le travail de la Région et de son Président qui porte-là une vraie ambition pour notre territoire, avec le souhait de trouver autant que possible un équilibre dans le pacte énergétique. C’est aussi la volonté de répondre à la problématique bretonne sans retomber dans les méthodes à l’ancienne, comme ce fut le cas du projet de Ploufragan (sans concertation et sans prendre en compte les enjeux du dérèglement climatique). La réponse apportée aujourd’hui ne sera peut-être pas à la hauteur des espérances de chacun, elle n’en demeure pas moins une vraie réponse globale intéressante.

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Ensuite, pour être honnête, il me semble tout de même qu’il faille acter que ce pacte traduit un équilibre relatif. A l’horizon 2020, l’effort sur la maitrise de l’énergie est de 200 MW, quand l’effort sur les productions nouvelles est de 2750 MW en EnR, complété de 450 MW de l’unité d’appoint (soit 3200 MW supplémentaires au total). Un rapport de 1/16ème entre MdE et production ! ! Certes la population bretonne augmente de 25 000 habitant / an. Certes, l’unité d’appoint viendra en substitution de 3 unités de production en fin de vie, avec un rendement bien supérieur. Mais la question n‘est pas nécessairement là. Face à un problème d’équilibre (comme c’est le cas de la problématique électrique bretonne), on peut choisir de renforcer la production face à une demande donnée ou de travailler sur la demande face à une production donnée. Le parti pris est ici dans un équilibre de 1 à 16 pour le renforcement de la production face au travail sur la demande. Pourquoi ?

Mon sentiment est que la Bretagne ne peut pas ici mieux faire, elle aura fait son maximum et c’est là toute la limite de l’exercice. On nous a dit que 200 MW de MdE est déjà une ambition très forte (évaluée à un milliard), mais c’est faux en valeur relative. Quels investissements sont nécessaires pour produire les 3200 MW supplémentaires ? Le chiffre n’a pas été donné, mais il est probable qu’il atteigne plus de 10 milliards sur le cycle de vie des installations concernées. Avec la contrainte supplémentaire de certaines technologies qui ne produisent pas tout le temps, quand les économies d’énergie sont souvent des actions qui « économisent 24/24 ». Nous retombons sur le cœur du problème, il n’est pas aujourd’hui possible de financer des négawatt (énergie économisée), quand les watt supplémentaires se financent simplement sur leur vente. L’équation est-elle insoluble pour autant ? Non, le cas du photovoltaïque montre que lorsque l’Etat le veut, il est capable de rendre attractif une production d’énergie au rendement pour le moins désastreux ! Il ne s’agit que d’histoires de sous et pour être plus précis, de tarifications.

Voilà la limite de l’exercice, malgré tout le volontarisme breton, nous devons composer avec des règles fixés par l’Etat sur le rachat ou les économies d’énergie. La question est peu abordée, mais les coûts de rachat ou même la tarification des coûts de vente en fonction des périodes de consommation sont des leviers extrêmement puissants dans la réponse au problème de régulation et de limitation des consommations énergétiques. Et tous ces leviers ne sont bien entendu pas en Bretagne, mais à Paris et sous le « regard bienveillant » des groupes de production d’énergie qui, comme c’est le cas des majors de l’eau, n’ont aucun intérêt à voir baisser les consommations (malgré tous les plans marketing qui affichent le contraire). Là reste le blocage pour atteindre un équilibre plus harmonieux entre les 3 axes du triskèle électrique breton.

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Pour conclure sur cette troisième conférence, si la seconde fermait l’ère antérieur par la phrase du Préfet de région « Ploufragan est mort », celle-ci ouvre bien une nouvelle ère par un pacte électrique breton, certes quantitativement perfectible, mais en tout cas qualitativement sur de bonnes voies. L’ambition portée par notre région est réelle et le travail d’élaboration de ce pacte, depuis 2009, porte aujourd’hui ses fruits. Reste qu’un gros effort est à faire sur les politiques énergétiques nationales, pour rendre possible ce qui aujourd’hui ne peut l’être pour de simples raisons d’arbitrages budgétaires et de choix de tarifications.

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