Dati : deux poids, deux mesures !
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Conférence bretonne de l’énergie

Carte réseau électrique breton « Ploufragan est mort. » Tels furent les mots du Préfet de région pour introduire la conclusion à la réunion qui se tenait hier à Rennes. Ces trois mots traduisent bien à eux seuls l’esprit général de cette réunion, même si RTE semble avoir un peu du mal à passer le cap.

En toile de fond, le projet de Ploufragan fut assez peu évoqué, pour autant, la page semble belle et bien tournée, tant dans les méthodes de gouvernance que dans les ambitions sur l’énergie en Bretagne. Contrairement aux précédents débats que j’avais pu suivre, on sent que les acteurs sont passés dans le XXIème siècle, quand les propos tenus par certains, il y a seulement un an, témoignaient d’un ancrage dans l’ère d’avant.

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Le Président du Conseil régional, Jean Yves LE DRIAN fut très claire sur l’ambition portée par la région Bretagne et je dois dire que cela m’a fait plaisir d’entendre un propos aussi équilibré et volontariste, sur les trois facettes de la question énergétique bretonne. Cela découlait de la position issue du travail du B15 et du texte qui concluait les auditions et les débats à l’automne dernier. La position de la région repose sur un trépied équilibré, entre des ambitions fortes sur la mise en place d’économies d’énergies, des ambitions pour la poursuite du développement des énergies renouvelables sur notre territoire et un travail sur l’implantation d’une unité de production de pointe, pour faire face aux pics de consommation électrique.

 

 

 

La partie sur les économies d’énergies cible autant les techniques d’effacements diffus, que l’amélioration de l’habitat à grande échelle ou la modification de nos habitudes ou nos usages de l’électricité.

Le développement des énergies renouvelables (EnR) touche à l’éolien (déjà bien implanté en Bretagne), au photovoltaïque, à l’hydraulique, mais aussi aux énergies marines renouvelables sur lesquels la région Bretagne portent des ambitions fortes.

Le travail sur la définition d’une centrale de production de pointe n’est pas un « Ploufragan II, le retour », mais une vision plus large, intégrant aussi un renforcement du maillage entre les réseaux sud et nord bretons. A priori, cette centrale verrait plutôt le jour sur le réseau sud (là où Ploufragan était sur le nord). Cette centrale aurait vocation à soutenir les pointes de consommation qui vont en s’amplifiant en Bretagne, mais aussi à ré-équilibrer production et consommation sur notre territoire qui importe 92% de l’électricité qu’il consomme.

Enfin, le Président LE DRIAN souhaite imposer un rythme soutenu au travail mis en route, avec une prochaine étape à fin septembre pour définir des orientations sur les trois sujets, sur la base des groupes de travail qui se réuniront cet été. Selon lui, ces orientations devront intégrer : un calendrier, des objectifs et des résultats attendus à 2015 et 2020, ainsi qu’une méthode de travail.

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Le Préfet de région qui représente l’Etat et donc l’institution compétente sur le domaine de l’énergie, fut très en phase avec le Président de région sur la vision globale. On l’a senti aussi très présent sur le renforcement de la production en pointe, du fait du risque de « black-out breton ». Sur les deux autres axes, il a surtout insisté sur la nécessité de travailler d’abord sur les objectifs, en regardant bien les moyens et les délais. Il a conclu en ciblant un objectif de « division par deux de la progression de la consommation sur la Bretagne à 2015 ». Ce qui ne semble pas très ambitieux dans une première approche, même si c’est sûrement assez réaliste dans les faits !

Concernant le propos du Préfet de région et de l’Etat, on sent bien la nécessité de gérer la crise du risque de black-out breton, mais pour le reste, cela manque un peu d'ambition quand on sait qu’il s’agit-là de l’autorité compétente sur le sujet. L’Etat semble d’abord sur une gestion budgétaire serrée et sur un sujet de ce type, c’est un peu dommage.

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Assis en rang d’ognons au premier rang, la « team RTE » s’est lancée dans un exposé de la problématique bretonne qui frôlait parfois l’escroquerie intellectuelle. Je ne reviens pas sur leur thèse hyper anxiogène de l’insularité énergétique de la Bretagne, qui selon eux pose un véritable problème technique, là où je n’en vois personnellement pas [lire ici]. Mais ce serait compliqué à expliquer, comme ils disent ! Hier, ils nous ont développé une théorie des « patatoïdes » qui encore l’an passé ne posait qu’un problème de sécurité d’alimentation sur St Brieuc. En 2010, ils auraient (je cite) « découvert un risque d’écroulement de tension sur le réseau 400 000 Volt » marqué par un second « patatoïde », élargi à l’ensemble du territoire breton. Chez RTE, on ne lésine pas avec les moyens pour convaincre ! Ils nous ont enfin rappelé, graphique à l’appuie, que le pic de consommation de pointe avait augmenté de 25% en 4 ans, mais que RTE était un partenaire engagé pour résoudre ce problème … qui venait en grande partie de l’installation intensive de chauffage électrique ! On se demande de quel partenariat ils parlent … avec les vendeurs de grilles-pain ? ?

Là où l’on attend RTE sur une compétence technique et planificatrice de la production et de la distribution d’électricité, ils nous développent des théories abracadabrantesque sans se rendre compte de la légèreté de l’exposé, face à une salle qui est largement informée du sujet. J’imagine que ce type d’argumentaire plait assez dans certains milieux qui veulent absolument de la production supplémentaire, sans vraiment vouloir rentrer dans le sujet et se poser la question de l’intérêt général. Hier, ce n’était sûrement pas le panel de la salle et leur intervention aurait été risible s’il n’avait pas été question d’un sujet aussi sérieux. Personnellement, je le regrette sincèrement et j’attendais hier beaucoup plus d’eux, qui représentent à mes yeux le support technique de l’Etat sur ce sujet.

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Sur le débat avec la salle, deux types de postures ressortaient. La première appuyait l’ambition portée par le Conseil régional, en développant le nécessaire équilibre entre les trois axes proposés, mais aussi l’ambition de passer à l’action et plus seulement aux mots. La seconde posture était en phase avec les deux premiers axes, mais rejetait la mise à l’étude d’une unité de production de pointe. Au-delà de cette position de principe, le principal argumentaire sous-jacent était qu’une fois le projet réalisé, on ne mettrait pas les moyens suffisants pour les économies d’énergie et les EnR. Cela les laisseraient encore pour un temps à la marge, là où ces ambitions nécessitent des financements importants pour démarrer (comme tout d’ailleurs). Face à un problème de confiance vis-à-vis des acteurs (RTE et Etat), ils misent sur la crainte du risque de black-out pour servir de moteur au changement. C’est une posture qui peut se comprendre, au regard de ce que j’ai écrit plus haut sur mon ressenti face aux deux acteurs en question …

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Pour ma part, je reste définitivement en phase avec la conclusion du travail du B15 qui, bien qu’ayant accouché un peu dans la douleur, arrive à une position équilibrée et très justement reprise par le Président de région.

Je ne reviens pas sur les ambitions portées sur les économies d’énergie et sur les EnR qui ne font pas vraiment débat à ce niveau. Cela pourrait changer quand un calendrier et des objectifs chiffrés seront mis en face. Mais pour l’instant, la position exprimée par la Région a semblé convenir unanimement.

Sur l’unité de production supplémentaire et même si je fus opposé au projet de Ploufragan car c’était un mauvais projet, je l’ai déjà dit, cela me semble une nécessité pour le territoire [lire ici].

Le premier aspect est sur le ré-équilibrage de la Bretagne sur le plan de sa production électrique. Cela a aussi été dit hier par la salle, je crois qu’en terme de maîtrise de l’énergie les territoires seront d’autant plus intelligents qu’ils maîtriseront à la fois production et consommation. Comme dans bien d’autres secteurs de l’économie, la notion de circuits-courts fait sens en terme de bon équilibre d’un réseau (avec sûrement aussi comme contrepartie, une plus large cogestion de cet aspect entre l’état et le territoire concerné). J’en appelle donc, non pas seulement à une unité de production de pointe, mais aussi à de la production en base, afin de vraiment aller dans le sens d’un ré-équilibrage de l’ensemble et non pas seulement répondre au problème court terme. Dans le temps, cette unité supplémentaire devra aller en substitution avec d’autres unités qui arrivent en fin de vie, hors de notre territoire.

Sur la production de pointe, plus nous irons vers des EnR et plus la notion de production fatale (dépendante de la météo ou d’un facteur différent de l’appel de puissance en consommation) sera importante. L’électricité se stockant par nature très mal, si nous voulons conserver une bonne qualité de la disponibilité électrique en fonction de la demande, il nous faudra nécessairement traiter de plus en plus avec des productions de pointe, y compris avec un bouquet d’EnR diversifié. La justification d’une centrale de production de pointe n’est donc sûrement pas en réponse à l’augmentation de la consommation à cause de l’installation irraisonnée de grilles-pain dans l’habitat, mais doit être une réponse à un équilibrage territorial, en réponse au développement des EnR sur le territoire (pompes à chaleur, par exemple). A terme, une plus large part des besoins de pointe devra être couverte par mutualisation entre territoires. Les réseaux auront alors plus un rôle de ré-équilibrage globale en temps réel, qu’un rôle d’importation ou d’exportation de la puissance d’un territoire à l’autre.

La mise en route rapide d’une nouvelle unité correspond aussi à une phase de transition avec un développement plus lent des EnR et des actions de maîtrise de l’énergie. Aujourd’hui malheureusement, ces dernières peinent à trouver un modèle économique pour éclorent et nécessitent un véritable changement dans les mentalités, les priorités et les usages des français.

Enfin et pour conclure, afin qu’un nouveau projet puisse voir le jour, il faut éviter les écueils de Ploufragan. C’est à dire, bien choisir l’endroit, bien choisir l’énergie primaire et l’efficacité énergétique de l’unité dans le cahier des charges et enfin soigner la gouvernance autour du projet. Car on l’a vu encore hier, ce territoire a sûrement une particularité bien à lui sur ce sujet. Nous sommes face à une expression citoyenne compétente, consciente des enjeux et qui porte de véritables ambitions pour notre territoire. Peu de sujets politiques bénéficient d’une telle opportunité, il faut savoir en profiter car à mes yeux cela nous oblige à aller plus vite que les autres, dans le sens de l’histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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