L’emballement du monde
mardi 22 novembre 2011
Ce soir, devinette : quel point commun entre le dessin animé « Tempête de boulettes géantes » et le livre « Changer le monde : tout un programme ! » du polytechnicien Jean-Marc Jancovici ? Et bien surprise, ils décrivent chacun (à leur façon) la même chose : l’emballement du monde.
Le dessin animé est une fable qui illustre à merveille la situation vers laquelle nous nous dirigeons. Bercé par la technologie qui nous entoure et nous nourrie, chacun de nous regarde ailleurs, fait semblant de ne pas voir et continue à consommer, pendant que la situation se tend de plus en plus, vers une situation où cela risque de finir fort mal. La corne d’abondance à laquelle le petit monde de ce dessin animé devient dépendant est une invention qui transforme de l’eau en nourriture. L’eau étant disponible en quantité inépuisable et l’appétit des hommes aussi, la machine finie par s’emballer dans une gigantesque apocalypse gargantuesque et dévastatrice !
De son coté, le polytechnicien fait plus sobre et plus sérieux, mais ne raconte pas vraiment autre chose. Partant de la description des deux derniers siècles, il nous raconte comment l’Homme a accéléré brutalement la transformation de la société en découvrant une énergie peu chère et considérée comme infinie. La corne d’abondance du livre, c’est le pétrole ou le gaz qui ont permis à l’homme une accélération fulgurante de son développement. Le fond de l’histoire du livre, c’est de nous montrer comment nous avons oublié sur quoi reposait notre développement et à quel point nous étions dépendants de cette énergie pour vivre dans ce monde que nous avions construit.
La tempête n’est pas encore décrite dans le livre, mais elle se dessine à l’horizon. A la fois la nécessité de maitriser le climat, mais aussi celle de gérer la diminution des stocks d’énergies fossiles vont rapidement nous forcer à un sevrage sévère, créant probablement une tempête planétaire plus dure à maitriser que celle du dessin animé.
Tout notre monde tient sur la dépendance à une énergie que nous avons cru inépuisable. Il est temps de prendre conscience que tel n’est pas le cas et que nous jouons dans un monde fini, tant en terme de ressources qu’en terme d’espace et d’écosystème pour l’espèce humaine. Revenir à la normal ne signifiera pas revenir en arrière, bien au contraire. Ce sera plutôt acquérir un niveau de maturité supérieur, ce sera grandir en termes d’espèce.
Prévenir le risque d’un effondrement de la société que nous avons bâti et aspirer à y réduire les inégalités ne sera jamais aller dans le mauvais sens. Ne pas prendre en considération les risques de notre façon de nous développer et finir par en payer le prix fort conduira par contre un retour en arrière, bien réel.
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Début du livre Changer le monde. Tout un programme !
« Nous sommes en 1788. Une grande famine frappe la France, qui contribuera au renversement de la monarchie l’année suivante. Un Français ordinaire de l’époque, c'est-à-dire un paysan (plus des deux tiers de la population travaillaient alors dans l’agriculture) qui ne quittera jamais sa demeure de sa naissance à sa mort, 28 ans séparant les deux e, moyenne, et qui mange plutôt mal (surtout des céréales) – quand il y a quelque chose à manger -, a une hallucination. Il s’imagine que, dans 8 générations seulement, toute la population pourra manger de tout en toute saison et de la viande à tous les repas ; il rêve que tout le monde pourra se déplacer à cent à l’heure d’une légère pression du pied, que l’on pourra préserver la totalité d’une habitation du froid ou du chaud d’un simple geste, qu’il faudra à peine 6 mois pour faire construire son logement de 100 m², que l’on pourra voler comme Icare sur 1 000 km pour le prix d’une matinée de travail payée au salaire minimum, que des monstres d’acier obéiront au doigt et à l’œil pour extraire des entrailles de la Terre tout ce qui s’y trouve d’intéressant et le transformer en objets répondant à tous nos désirs ; il rêve que nous pourrons converser avec les antipodes, que l’or, les diamants et la soie seront un luxe à la portée de presque toutes les bourses, que nous pourrons changer de vêtements et nous laver à l’eau chaude tous les jours, que nous aurons tous les moyens et le temps disponible pour envoyer nos enfants à l’école et recourir aux services d’un bon médecin, que notre courrier nous sera livré tous les jours et nos ordures évacuées quotidiennement loin de notre vue, que nous vivrons trois fois plus longtemps, et encore mille choses qu’il ne serait pas raisonnable de raconter ici.[…]
Si notre ami avait parlé de son rêve à son voisin, il aurait pris un aller simple pour l’asile. Et pourtant … »
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La bande annonce du dessin annimé.