La violence est le dernier refuge de l’incompétence
lundi 02 septembre 2019
Les vacances sont aussi le temps de prendre du recul et de réfléchir sur l’année passée. Le mouvement des Gilets jaunes en aura clairement été un marqueur fort. En plein cœur de l’été, le Monde a publié un article (ici) fort instructif par une analyse fine du mouvement à Bordeaux, considérer comme la « Capitale des Gilets jaunes ».
L’article met en lumière la fracture qui s’est installée entre les habitants de la périphérie par rapport au centre-ville (notamment des grandes métropoles). La phrase « Ici vous avez tout. Là-bas, on n’a rien » traduit bien à elle seule ce sentiment d’injustice et de relégation qui transpire des propos des manifestants. Une fracture construite d’une exclusion par le logement des habitants. Des centres-villes toujours plus agréables à vivre, où se côtoient la consommation, le luxe, la douceur de vivre, mais aussi l’immobilier spéculatif. Autour, des cités dortoirs où les habitants travaillent dans le centre-ville de l’agglo, mais se voient contraints à rentrer chez eux le soir venu, faute de moyen de partager cette vie parfois idéalisée.
Face à cette contestation, une volonté politique de dresser des murs par un courant sécuritaire affirmé (l’article le dit bien, mais plein d’autres reportages viennent témoigner de ces faits). Un gouvernement qui fera du maintien de l’ordre un écran de fumé pour nier cette montée des inégalités et taire le cri d’alarme de personnes descendues dans la rue parfois pour la première fois. Un recourt à la violence d’Etat, condamnée à de multiples reprises, comme pour mieux nier l’évidence de cette société de plus en plus divisée. Une façon tragique de défendre un modèle de société à bout de souffle.
En plein cœur de l’été paraissaient aussi les chiffres ubuesques de cette France championne du monde de l’enrichissement de ses milliardaires (ici). Ceux-là qui auront réussi à accroître de +35% leur colossale fortunes depuis le début 2019, selon le journal économique Bloomberg. Une France qui en tuant l’ISF aura causé une lourde perte aux dons pour les associations caritatives qui travaillent à réduire ces fractures sociales, mais aussi à l’investissement dans les PME qui produisent les emplois (ici).
A la fin de l’été, comme pour mieux effacer cette copie politique désastreuse, le Président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand prenait sa plume pour tenter l’insupportable amalgame entre la violence gratuite faite à certains élus (qui est en effet intolérable) et les violences de rue qui ont émaillées le mouvement des Gilets jaunes (ici). On le sait aujourd’hui, le dérapage de cette violence de rue aura été pour une large part le fait d’une réponse politique purement répressive, voire volontairement agressive du gouvernement.
Se sentant l’âme littéraire sous le soleil d’août, sa tribune se conclu par cette belle citation d’Isaac Asimov : « La violence est le dernier refuge de l’incompétence ».
Rappelons au Président de l’Assemblée national que cette citation, issue du premier tome du Cycle de Fondation, est le propos tenu par Salvador Hardin, maire de la planète Terminus. Le propos de l'auteur sur la violence ne s’adresse pas à la violence des peuples, mais bien celle découlant des décisions de dirigeants et dans le récit, Salvador Hardin possède une vraie finesse politique pour comprendre les enjeux de ses adversaires politique et donc éviter la violence.
Alors oui Monsieur Ferrand, la violence est bien le dernier refuge de l’incompétence … quand elle est produite par ceux qui possèdent le pouvoir. Cette citation est en effet parfaite pour questionner votre responsabilité de dirigeant dans le mouvement des Gilets jaunes. Je crains même qu’elle ne donne d’ailleurs déjà un élément de réponse !
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[Image : Artus De Lavilléon pour le magazine du Monde]