Affaire Vivre à Brest : Renvoi en correctionnelle
Faux témoignage en Conseil municipal de Brest

Le PS est-il devenu une imposture du socialisme ?

Php0HCESj - CopieDécidément, la semaine fut bien remplie. Après le renvoi au tribunal correctionnel du maire de Brest, François Cuillandre, dans l’affaire « Vivre à Brest » pour laquelle je suis partie civile (lire ici), voilà que le Parti socialiste apporte une démonstration éclatante sur l’absence de règles qui règne aujourd’hui en son sein, lors des élections. Etat de fait contre lequel, faute d’avoir été entendu en interne, je me suis élevé en assignant le Parti socialiste en justice (ici).

Dans cette période de manifestations contre la réforme des retraites, je pourrais parler de « convergence des luttes » (de « mes luttes ») contre ce qui s’est déroulé au Parti socialiste, à Brest et en Finistère, et qui semble bien avoir contaminé sévèrement le niveau national.

Les plus hauts responsables à la tête du Parti socialiste dénoncent aujourd’hui des fraudes lors de la désignation du Premier secrétaire. N’est-ce pas une fraude que j'ai moi-même dénoncée ? Une assignation balayée du revers de la main par les responsable locaux et nationaux fin septembre 2022, dans la presse locale (ici).

Malheureusement, toutes ces tricheries mises en lumière dans la presse cette semaine sont parfaitement connues et tolérées depuis longtemps. Ainsi en octobre 2019, lors de la désignation de la tête de liste aux municipales, voici quelques exemples amusants et éclairants de ce que je pus observer :

  • Je vis des adhérents se faire tancer par des élus, simplement parce qu’ils faisaient campagne pour ma candidature, osant évoquer le fait que le candidat maire puisse être mis en examen (même pas renvoyé en correctionnelle). Il leur fut reproché d’oser critiquer le maire ! Pas simple de faire campagne et c’est pourtant bien une réalité qui s’est avérée.
  • Alors que j’étais responsable du Parti socialiste à Brest depuis 7 ans, je vis venir voter des militants que je n’avais jamais vus auparavant, jamais croisés au parti dans toutes les réunions auxquelles j’avais pu participer. Un stock d’adhérents dormants, probablement attendant l’heure du renvoie d’ascenseur.
  • Aimablement « covoiturés » par un élu de la majorité, je vis arriver d’anciens adhérents, depuis longtemps plus à jour de leur cotisation. Devant le trésorier, l’élu/chauffeur sortit parfois lui-même de son portefeuille le bifton de 20 € pour régler la cotisation, tout en désignant à « l’adhérent », l’isoloir pour qu’il s'acquitte de son « devoir » !
  • Alors que statutairement, seuls les adhérents électeurs dans la commune avaient le droit de voter, je vis même une élue de Quimper voter ! Ayant pris grand soin de ne pas faire son changement d’adresse, juste quelques semaines plus tard, elle se présentera sur la liste aux municipales de Quimper et fut élue. Je vous laisse deviner qui est cetté élue à la bougeotte ! (un petit indice dans la première vidéo de cet article ici).

Tout cela était vécu comme un folklore propre au Parti socialiste, contre lequel on ne pouvait s'élever. Mais souvent, les adhérents sincères et engagés, les seuls vrais socialistes de ce parti, hallucinaient à voir ces sketches d’élus, quand des enjeux personnels ou de pouvoir pointaient.

Finalement, je n’ai attaqué le Parti socialiste en justice que sur des motifs lourds : le fait d’avoir concouru face à un candidat qui ne pouvait tout simplement pas l’être, et que cette réalité connue des dirigeants locaux me fut volontairement cachée, malgré plusieurs demandes écrites pour plaider une désignation régulière, y compris au Premier secrétaire, Olivier Faure.

Et encore, je peux m’estimer chanceux : un ami, ex-responsable au Parti socialiste dans un autre département, me raconta s’être aussi battu pour la régularité d’une désignation, après avoir découvert qu’une grande proportion de cartes d’adhésion avaient été payées en liquide et pour certaines (80 de mémoire), domiciliées à une même adresse … dans un studio. Plus c’est gros et plus cela passe !

La fraude n'est pas en soi le vrai problème

Alors oui, il y a des fraudes lors des élections au Parti socialiste. Ce n’est pas nouveau, mais ce n’est pas vraiement le problème. Le vrai problème, c’est le modèle de pensée qui accepte cet état de fait, qui le tolère, ne s’y oppose pas, voire va jusqu'à le défendre en fonction des personnes. Le Parti socialiste d'aujourd'hui a inventé une démocratie de castes, où certains ont plus de droits que d'autres et notemment les « grands élus » aux amitiés influentes, pour s'affranchir des règles collectives.

Mon exemple est un cas d’école. Lorsque je dénonce la fraude (lire tout le détail ici), non seulement le Parti socialiste ment, en niant une évidence prouvée par des documents de police judiciaire, mais en plus, il paye une avocate du barreau de Paris pour défendre celui qui n’était pas à jour de ses cotisations, face à celui qui le fut. Le Parti socialiste prend la défense de la malhonnêteté, face à l’honnêteté ! C’est le monde à l’envers et c’est signifiant sur l’état d’esprit actuel de ce parti.

Lorsque l’on n’est plus cru, c’est qu’on est cuit

De crise en crise, le Parti socialiste se divise, et son électorat s’effondre à un rythme exponentiel. La raison est toute simple : « lorsque l’on est plus cru, c’est que l’on est cuit » comme aimait le répéter le maire de Brest.

La crédibilité, la confiance est au politique ce que la terre est à l’agriculteur. C’est sa matrice. C’est le terreau dans lequel il pourra cultiver ses idées, ses projets pour l’avenir. Nous n’avons plus que des partis qui s’assoie sur la réalité de la confiance que leur accordent ceux pour qui ils sont censés travailler. La défiance et l’abstention n’ont jamais été aussi hautes et on trouve encore des « responsables politiques » pour gazouiller le soir de la désignation, avant même les résultats tombés, pour revendiquer leur victoire, dans un parti complètement divisé et à l’étiage électoral.

Du déclin à l'imposture

Dans ce contexte, une question peut se poser : le Parti socialiste qui revendique l’héritage de l’histoire du socialisme a-t-il fini par devenir une imposture ? Comment ce parti s’est désaligné de ses fondamentaux ? Un rapide tour dans l’histoire de ses fameux congrès révèle quelques enseignements.

Le premier séisme se passe probablement à Rennes en 1990. C’est dans l’incapacité de se renouveler et à se questionner, alors que François Mitterrand est au pouvoir, que le parti socialiste va se diviser violemment une première fois. Le parti échoue sur la méthode et va construire dès cette époque de profondes divisions. Va succéder ensuite une période qui sera qualifiée d’apaisement, mais qui couvera l’émergence d’un profond déni des problèmes internes.

Le second séisme arrive avec l’échec sévère aux européennes de 1994, sur fond de divisions non affichées entre le Parti socialiste de Rocard et le cheval de Troie, Bernard Tapie, sous les couleurs des radicaux de gauche. En réponse à cette seconde division, le congrès de Liévin qui suivit fin 1994, acta bien la nouvelle ligne du parti. C’est l’enfermement dans le déni, avec deux lignes forts révélatrices qui s’opposeront : « Être socialiste » présentée par Henri Emmanuelli, qui recueillera 92% des votes et « Agir en socialiste », présentée par Vincent Peillon, qui recueillera moins de 8%.

Tout est dit de ce virage dans la symbolique des motions et des personnes pour les incarner. La puissance de l’affirmation identitaire de la gauche forte (prémice d'une insoumission en devenir), avant la réflexion sur l’action dans un monde en grand bouleversement. La force du rassemblement derrière une seule motion gagna très largement, face à la peur de l’inconnu d’une mise à nue et d’une mue pour un renouveau.

Le Parti socialiste a probablement lâché l’affaire à ce moment-là. A partir de là, le concept de rassemblement devint plus fort que les idées. Il fallait être « majo » comme il se disait, pour avoir le pouvoir et dominer les autres courants. La soif de pouvoir éteignit les ambitions idéologiques, dans un monde qui avait basculé massivement dans l’acceptation du libéralisme, après la chute du bloc communiste.

Le congrès qui suivi, celui de Brest en 1997, ne fit que mettre la bonne personne à la bonne place. François Hollande incarna le mieux cette nouvelle ligne pendant plus de 10 ans à partir de 1997. Une direction du Parti socialiste qui, face au choc du 21 avril, ne fut capable que d’appeler les militants au rassemblement, évitant toute forme de réflexion en profondeur sur ce qui sera imputé à une seule division aux élections. Puis vint la déferlante de 2005, le référendum sur la constitution européenne qui divisa encore une fois profondément la gauche en deux.

Enfin, après la « bataille Royal » qui conduisit au Sarkozisme, le rejet du petit homme agité poursuivi par la justice finit par mettre au pouvoir l’incarnation d’un socialisme sans fondation, sans relecture du présent, sans aspiration pour le futur. Une « monarchie socialiste énarquale », où deux conjoints se succèdèrent à la candidature, sans autre alternative. Un mandat Hollande catastrophique, parant juste avec agilité une actualité agitée. Sans vision, sans leadership et surtout sans inspiration pour le futur du socialisme. François Hollande (aidé d’un certain Valls) contribua à détourner de son sens un parti n’ayant plus d’alternative que le (dépôt de) bilan, sous l’égide d’Olivier Faure, pour tenter de s’excuser de ce qu’il s’était passé. Un mandat socialiste qui parut trop long et vit les rang se vider, dans une colère silencieuse.

Mais le bilan n'offrit pas de rebond. Non content d’avoir torpillé la candidature de Benoît Hamon en 2017, le Parti socialiste s’est évertué à descendre celle d’Anne Hidalgo en 2022, finissant la présidentielle bien loin derrière Lassalle, Roussel et Dupond-Aignan, et ne concurrençant plus que l’extrême gauche trotskiste révolutionnaire de Poutou et d’Arthaud.

Le parti de Jaurès a fini par devenir une coquille, vide de vision et d’électorat. A l’exemple de Brest, ce parti n'existe qu'au travers de baronnies locales, bien souvent héritières, dont le jeu politique n'oscille plus qu'entre clientélisme et divisions pour mieux règner. Des édiles qui ne savent ni renouveler la pensée socialiste, ni les personnes pour l’incarner et qui jouent la montre avec une chute programmée de tout leur camp.

Un parti bloqué, arc-bouté sur les bribes de pouvoir restants, incapable de se renouveler

C’est bien là le cœur du problème au Parti socialiste aujourd’hui : l’absence de renouvellement, du fait d’une absence de transmission et d’une accaparation du pouvoir, voire d’un blocage des anciens responsables qui ont généré cette situation (François Hollande en est l’exemple type). Un ex-parti « attrape-tout », vidé de son âme politique et dans l’incapacité à rebondir dans une conflictualité interne permanente. Un parti devenu incapable d’assurer ses propres règles de fonctionnement, qui tolère la tricherie et qui l’a intégré dans sa normalité, jusqu’à frôler l’ingouvernabilité aujourd’hui.

Mais la dégringolade électorale consécutive au déclin idéologique du parti socialiste, n’est pas sans impact sur la gauche. Le Parti socialiste est devenu une forme d’imposture du socialisme historique et de sa philosophie, préemptant le centre de la gauche. Un parti salit par ses propres membres, à l’image de menteurs, de tricheurs et pour finir de losers. Bien loin de pouvoir encore faire naitre l’espoir d’une vison nouvelle émancipatrice, ancrée dans notre époque. Cet effondrement du Parti socialiste laisse toute une partie de la gauche orpheline, sans autre alternative pour faire face à la droite et l'extrème droite qu'une radicalité insoumise ou une soumission marconiste.

La gauche mérite mieux que le cirque d’hier et ce n’est pas faute de le répéter ces derniers mois, la refondation de la gauche commencera nécessairement par une posture de droiture et d’éthique en politique. Il n’y a pas d’autre issue. Il n’y aura pas de reconquête de l’électorat de gauche, comme feu celui du Parti socialiste, sans clarifier cet aspect-là. Ce n’est pas l’identité ou l'appel au rassemblement qui refonderont le centre gauche, mais le retour de le confiance et l’espoir dans un nouveau récit fédérateur pour ce siècle. L’épisode de la semaine passée montre à quel point le Parti socialiste est aujourd’hui éloigné de cet objectif.

Le socialiste n’existe pas sans un devoir de sincérité et d’éthique en politique.

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