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Éclairage sur le Grand Stade au Froutven : 4 axes de questionnements cruciaux

Question financement grand stadeAprès mes précédentes notes « Grand stade : le compte n’est pas bon … du tout ! » et « Grand stade : Un projet dépassé, un projet du passé », je reviens sur les questions en suspens concernant le futur Grand Stade au Froutven. Au moins quatre axes de questionnement essentiels demeurent sans réponses sérieuses, impliquant nos collectivités pour l'avenir.

Axe 1 : L'énigme du financement du Grand Stade au Froutven

Malgré les annonces médiatiques et le coût final qui pourrait dépasser les 130 millions d'euros, le financement du Grand Stade au Froutven reste un mystère. Avant de prendre position, les élus de la Métropole de Brest et des collectivités territoriales impliquées doivent avoir une présentation détaillée du financement global, y compris les contributions des collectivités pour les aménagements de l'espace public indispensables au projet. Une décision éclairée ne peut être prise que dans la plus grande transparence. Actons qu’aujourd’hui, c’est plutôt l’opacité qui est organisée.

Axe 2 : Les implications du financement de l'emprunt

Un deuxième point majeur d'interrogation porte sur le financement de l'emprunt de 39 millions d'euros, qui couvrira 37 % du coût du stade et sera garanti à 50 % par les deniers publics de la métropole.

Depuis l'été dernier et les annonces dans la presse sur l’opération de « naming » du Grand Stade, nous savons qu’il portera le doux nom d’Arkéa (lire ici et ). Cette annonce laisse planer un (petit) doute sur le nom de la banque qui va prêter les 39 millions d’euros [1].

Cette situation soulève clairement des questions éthiques. Y aura-t-il une mise en concurrence de plusieurs banques, pour déterminer si le prêt accordé est réellement le mieux disant, comme c'est une obligation pour les emprunts publics ? [2 - Correction du 8/10/23] Nous pouvons en douter, puisque le projet est dit « privé » (alors que le public apporte plus de subventions et assume le risque, voir précédentes notes).

Cette question est très préoccupante, car si le remboursement de l’emprunt ne vient pas à proprement parler de l’argent public (sauf en cas de mise en faillite de la holding privée et l’activation de la garantie d’emprunt, dans 10 ou 20 ans), ce remboursement viendra des usagers du Grand Stade. C’est bien sur ces recettes qu’est prévu le remboursement de cet emprunt. Il intéresse donc directement les futurs usagers de ce stade.

J'ouvre une parenthèse pour dire que je ne reviens pas sur le questionnement du caractère légal de cette garantie d'emprunt, au regard d'une précédente qui avait conduit le maire de l'époque devant les tribunaux. J'en ai déjà parlé dans ma précédente note et c'est évoqué dans cet article (ici). Fin de parenthèse.

Axe 3 : Impacts sur les usagers

Le troisième axe d'interrogation porte donc sur les usagers de ce stade et c’est bien normal, c’est un peu le sens d’un stade, non ?

Au début du projet, les Frères Le Saint avaient promis des billets à 5 €, car l'accessibilité à tous d’un sport populaire est essentielle (ici). Bizarrement, dans le discours avant l’été, les éoliennes et les places à 5 € avaient sauté, mais pas les loges VIP !

Les places accessibles sont-elles toujours envisageables avec un stade aussi coûteux ? En quelle proportion ? Le Stade Arkéa est-il l’annonce d’une forme de gentrification du foot ? Les ultras pourront-ils encore se permettre d'acheter leurs billets ? Un foot, plus pour faire du business que pour illuminer le regard des vrais supporters, avec un rejet des classes populaires derrière leurs écrans de télé ? Nous aimerions bien entendre le maire/président et les promoteurs de ce projet nous dire leur vision aujourd’hui, maintenant que les coûts ont explosé. Parce qu’un beau stade de Ligue 1, c’est bien. Mais un stade où chacun peut aller, c’est mieux !

La même question se pose pour les billets aujourd’hui réservés aux associations ou aux quartiers de la ville de Brest et qui font le bonheur de nos jeunes et apaisent une part de la tension sociale qui montent. Ces quotas de billets seront-ils encore gratuits pour la ville de Brest, propriétaire du stade Francis Le Blé, comme c’est le cas aujourd’hui ?

Toutes ces interrogations essentielles nécessitent des réponses que nous n'avons pas encore, dans le discours flou qui nous est servi. Ces questions sont d’une grande importance pour l'avenir des supporters du Stade Brestois, si on ne veut pas qu'il devienne simplement le Stade Bourgeois !

Axe 4 : L’Avenir du Stade Francis Le Blé

Le quatrième et dernier point d'interrogation concerne le Stade Francis Le Blé. On nous affirme qu'il ne peut être rénové et que de toute façon, il est impossible d'atteindre une capacité de 15 000 places sur le site actuel. Rappelons que le projet initial des Frères Le Saint ne comportait que 13 000 places. Pourquoi a-t-on ajouté ces 2 000 places, qui semblent désormais compromettre la rénovation du Stade Francis Le Blé ?

Je ne voudrais pas faire affront aux supporters brestois en rappelant que les dirigeants des Merlus ont annoncé une jolie rénovation à coûts maîtrisés (42 millions d’euros, ce n’est pas 130, c'est plus de 3 fois moins !) du stade de Moustoir (ici). Pour en arriver là, ils ont lancé un vrai concours de projets, comme cela se fait pour tous les projets urbains d’envergure réussis et non du rapiéçage à la petite semaine, comme cela le fut depuis des années, à fond perdu, sur le stade Francis Le Blé, à grand renfort d’argent public.

Le projet de rénovation « impossible » et son financement détaillé n’ont jamais réellement été publiquement présentés. Là encore, il faudrait croire des dirigeants qui ont déjà fait leur choix, en mobilisant majoritairement l’argent des autres, mais sans partager les vrais enjeux. Il est difficile de simplement accepter les affirmations ou promesses, sans une volonté de transparence complète.

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Pour finir, il faut vraiment insister sur la nécessité d’une clarification du projet et de ses coûts. Y compris l’annonce de cet été, avec des engagements financiers d’Arkéa, nous aurons laissé dans le plus grand flou. Ont-ils parlé de financements pour le stade ou pour l'équipe ? Je ne suis pas sûr que cela ait été dit clairement, là encore.

La gouvernance future d'un stade financé en grande partie par les usagers et de l’argent public mérite aussi la plus grande attention de nos élus. Elle soulève des questions essentielles lorsque l’on sait que la holding qui contrôlera l’ensemble sera majoritairement privée … pour 30 ou 40 ans.

De tels engagements financiers, sur de si longues durées et avec une récupération du patrimoine à la fin par la collectivité, ne peuvent se faire sans le plus grand sérieux et sans transparence, comme c’est le cas aujourd’hui à Brest.

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[1] Pour rappel, les taux que l’on constate aujourd’hui pour des emprunts de ce genre sont aux alentours de 3,75 %. Voir les dernières délibérations votées en Conseil de métropole, sur des garanties d’emprunts dans la même gamme de montants ou de durées, portées par la Banque Postale, la Caisse d'Épargne ou même Arkéa.

Un emprunt de 39 millions d’euros à 3,75 %, étalé sur 30 ans, cela donne des remboursements trimestriels d’environ 530 000 € et surtout des intérêts cumulés de 27 millions d’euros. Étalé sur 40 ans, cela diminue les remboursements de 12 %, mais augmente les intérêts cumulés de 28 %. Les intérêts d’emprunts au bénéfice de la banque passent alors à 37,8 millions d’euros, c’est-à-dire l'équivalent de la somme empruntée !

Nous voyons clairement que la nature du contrat qui sera passé avec la banque prêteuse, tant sur le taux que sur la durée, fera une grosse différence en termes de bénéfices … pour l’heureux gagnant ! La mise en concurrence n'est donc pas une question anecdotique.

[2] Ajout du 8 octobre 2023 : j'ai noté dans le texte que la mise en concurrence était une « obligation pour les emprunts publics ». Un lecteur attentif et connaisseur du sujet m'a gentiment fait remarquer qu'il n'en était rien. De nombreuses collectivités le font (la ville et la métropole de Brest le font de mémoire), mais ce n'est pas une obligation légale. C'est donc plutôt un bon usage, contrairement à ce que j'ai écrit.  

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