La stratégie du Projet
Grand stade : Un projet dépassé, un projet du passé

Grand stade : le compte n’est pas bon … du tout !

Analyse - Plan de financement stade brestois 29 Froutven suite conférence de presse 12 juin 2023Lundi 19 juin, lors d’une conférence de presse dans un hôtel de luxe à Brest, les deux frères Le Saint et le président de la Métropole, François Cuillandre, ont présenté le plan de financement de leur projet de grand stade. Il est intéressant d’analyser cette prestation, pour le moins décalée entre le discours et la réalité des chiffres.

Un bateau ivre budgétaire

Le premier point questionnant est la dérive financière du projet. En 2018, un premier projet des frères Le Saint avait été évoqué, pour un coût 100 % privé annoncé à 80 millions d'euros avant d'être réellement estimé à 130 millions d’euros. Il avait été révisé car beaucoup trop cher (et aussi potentiellement parce son design prêtait à rire !) En mars 2022, le budget de 85 millions d’euros restait à boucler. Pudiquement, les porteurs du projet annonçaient la nécessité d’un financement public dont les montants restaient à fixer. Il faudra encore attendre 6 mois, en octobre 2022, pour qu’un chiffre tombe : « 30 millions d’euros d’argent public sur un investissement global de 100 millions d’euros », soit 30 % d’accompagnement public. On notera que moins d’un mois plus tôt, en septembre 2022, François Cuillandre annonçait dans la presse : « le niveau d’engagement de la collectivité n’est pas décidé ». A croire que l’enveloppe de 30 M€ soit tombée du ciel entre le 21 septembre et le 12 octobre 2022 !

La semaine dernière, en juin 2023, l’annonce est faite, toujours par les mêmes compères, que le budget du stade est de 106,5 millions d’euro (c’est précis !) et que les subventions publiques représenteront un quart (25%), soit 27 millions d’euros.

Entre octobre 2022 et juin 2023, de 30 millions à 27 millions, la copie a peu bougé, pourrait-on se dire ? C’est trompeur, la copie a encore bougé lourdement et nos « chers » présentateurs nous ont fait un joli tour de passe-passe en nous exposant les choses d’une nouvelle façon. En fait, à périmètre constant, le stade s’est encore pris un écart positif significatif, puisque le budget global n’est pas de 106,5 millions d’euros, mais plutôt aux alentours de 125 à 130 millions d’euros. Dans la nouvelle copie, l’apport public sera bien supérieur aux 27 millions d’euros annoncés.

Petite parenthèse sur l’inflation. Les frères Le Saint, en présence du président de la Métropole qui rappelons-le, fut professeur de finances publiques, nous font le coup de l’inflation pour justifier la dérive du projet sur 18 mois. Alors, pourquoi pas, mais qu’en disent les indices ? En 2021, l’indice du coût de la production dans la construction (ICP-F) est à 110 (ici). Il passe à 125 en 2023, soit une augmentation de 6,5% par an, ce qui est déjà très significatif. Mais le projet présenté passe de 70-80 à 105-110 millions d’euros en 18 mois, soit une « inflation » de plus de 15% par an. C’est plutôt un ordre de grandeur d’inflation mesurée en Ukraine ou en Moldavie, pas vraiment à Brest ! De là à penser qu’ils nous prennent pour des dindons, comme le font les prestataires de la grande distribution sur l’augmentation des prix dans leurs rayons, il n’y a qu’un pas. Fin de la parenthèse.

Quel est le cout réel et le plan de financement du grand stade ?

Depuis la dernière conférence de presse, on sait un peu mieux à quoi va ressembler le plan de financement de 106,5 millions d’euros (M€) du nouveau stade (ici):

  • 24 M€ par la holding Holdisports (22,5%)
  • 39 M€ par emprunt (36,6%) dont la métropole s’est portée garante à 50%
  • 15 M€ par une avance de loyer du Club (14,1%)
  • 1,5 M€ par du financement participatif (1,4%)
  • 27 M€ par des subventions publiques (25%)

Mais cette jolie présentation oublie de donner deux chiffres qui initialement faisaient partie des précédents plans de financement du projet. François Cuillandre n’a pas dit combien allaient coûter les aménagements autour du stade, à la charge de la Métropole et estimés 15 M€ il y a deux à trois ans. Il est aussi évoqué aujourd’hui que le foncier reste une propriété de la Métropole, alors qu’il était assez logiquement prévu de le vendre au porteur de projet avant 2020. Ce coût du foncier à Guipavas peut être estimé à un minimum de 150 €/m² au regard de l’emplacement très favorable au projet, soit environ 5 M€ pour la surface annoncée de 33 500 m² du projet. Le cout global du budget est donc à rehausser de 20 M€ d’argent public, dont la dernière conférence de presse s’est bien gardée de parler.

Analyse financière de chaque poste

La politique, ce n’est pas gober sagement les belles paroles présentées à grand coup de communication et de propos souvent invérifiables (500 réunions annoncées sur le dossier !!) par des « responsables ». Il faut porter un regard critique sur les propositions et surtout, savoir lire entre les lignes pour décrypter ce qui s'y cache ... parfois.

Nébuleuse Holdisports (24 M€ / 22,5%)

C’est probablement la partie la moins claire du projet. Comme par hasard, c’est aussi au travers de celle-ci que se définit la gouvernance de ce qui est projeté. Il est dit dans le Télégramme :

« Une association de préfiguration sera créée pour lancer le nouveau stade. Les partenaires privés, au travers de Holdisport, y seront majoritaires, à 54,5 %, des sociétés d’économie mixte (dont les capitaux sont en majorité publics : Brest Métropole aménagement, Brest’aim, la Sempi, société d’économie mixte de portage immobilier) à hauteur de 41,5 % et un partenariat bancaire pour 4 %. »

Or, il existe déjà une société Holdisports (avec un s) créée en 2020. Le président est déjà Gérard Le Saint et le Directeur général Denis Le Saint, avec un actionnariat qui fut alors porté à 89% par chacun des deux frères, et à 11% par la société FIDEGE … dont les gérants sont étonnamment nos amis Gérard et Denis. Une affaire familiale en quelque sorte !

Bon, Holdisports, c’est clairement initialement les deux frères Le Saint et la vocation de l’entreprise semble avoir été de monter la concertation du grand stade. Pourquoi pas. Ce que l’on comprend dans la presse, c’est que cette société a vocation à servir de gouvernance à la nouvelle entité que sera le Grand Stade. Holdisports sera alors gérée suivant un pacte actionnarial à 54,5% privé, 41,5% semi public (SEM) et 4% bancaire.

Cette répartition de la gouvernance est rarement choisie suite à un « chifoumi » entre amis, mais au prorata de ce que chacun des actionnaires apporte en capitaux, dans les fonds propres de la société. Il est donc logique de penser que les trois SEM citées vont apporter 41,5% des 24 M€ attendus dans ce volet du financement.

Mais ces trois Sociétés d’Economie Mixte brestoise (BMa, Brest’aim et SEMPI) ont-elles-mêmes des fonds propres et leur propre capitalisation, au regard de leur propre pacte actionnarial, dont une très grande majorité vient d’argent public.

  • Pour BMa : 60% Métropole, 5% BMH, 10 % Caisse des dépôts et seulement 25% de capitaux privés (banques)
  • Pour Brest’aim : 65,47% Métropole, 5,69% Ville de Brest, 14,72% Caisse des dépôts et seulement 14,12 % de capitaux privés.
  • Pour la SEMPI : 61,36% Métropole, 9,65% Ville de Brest, 15,29% Caisse des dépôts et seulement 13,7 % de capitaux privés.

Petite parenthèse. On peut s’étonner que la SPL Eau du Ponant ne soit pas dans le tour de table, car ils le sont souvent au carré VIP des diners d’après match du Stade Brestois ! Mais la SPL a des règles plus strictes pour l’usage de l’argent public, en tous cas pour l’apport de fonds propres. C’est une bonne chose. Fin de parenthèse.

Sur cette base, dans les 24 M€ injectés dans les capitaux propres de la société Holdisports, le financement public devrait représenter un apport de 8,2 M€. En prenant pour hypothèse que les trois SEM contribueraient à hauteur égale (ce qui est peu probable compte tenu de leurs fonds propres respectifs), la métropole mettrait 6.2 M€, la ville de Brest 509 000 €, la Caisse de dépôts 1,32 M€ et BMH (Office HLM brestois) 166 000 €.

En face, côté actionnariat privé de la société Holdisports, on imagine 14,04 M€ de partenaires privés, en incluant les 4% des banques. Mais aussi 1,75 M€ en prenant en compte les actionnariats privés contenus dans l’apport des SEM (17,6%).

Pour synthétiser, si on fait la vraie part des choses, sur les 24 M€ de capitalisation de Holdisports, 8,2 M€ seront publics (34%) et 15,8 M€ seront privés (66%). Nous pourrions conclure un peu vite que si la gouvernance entre public et privé est à 41,5% / 58,5%, le public est plutôt mieux représenté que son apport actionnarial. Ce serait un deal « fair », comme on dit.

Mais si Holdisports représentera probablement 100% de la gouvernance du grand stade, sous la houlette ferme de la Team Le Saint, il s’agit de seulement 22,5% de la réalité du financement de ce nouvel équipement (public/privé).

Il convient de regarder l’ensemble de la copie financière. Alors continuons !

Prêts bancaires (39 M€ / 36,6%)

Les prêts bancaires représentent la plus grosse part du financement et ce n’est pas choquant. Cela permet d’étaler des investissements sur les futurs usagers. Ce n’est pas un cas unique et ce n’est pas une mauvaise pratique sur une part maîtrisée du financement (ici un tiers).

On imagine bien que le remboursement des prêts en question ne viendra pas de Holdisports, qui au contraire ne mettra plus rien et attendra peut-être même un petit rendement de l’argent investi.

Le remboursement des prêts se feront sur les entrées dans le stade, voire la location au club (une fois l’avance des 15 M€ échue) et sur les bénéfices des autres activités portées dans l’enceinte. Donc cette part n’est clairement ni de l’argent public, ni de l’argent privé. C’est l’argent des usagers du stade.

On ne connaît pas d’ailleurs la réalité du coût final, car les prêts ne se font pas à titre gratuit et dans une période de remontée des taux, cela peut coûter cher (probablement 60 à 70 M€ avec les intérêts sur 25 à 30 ans). Mais c’est vrai pour tous les emprunts.

A noter que le 4% de capitalisation de Holdisports venant des banques est souvent lié au partenariat bancaire qui sera choisi pour le financement. C’est une sorte de « marge arrière » : vous capitalisez et on prend l’emprunt chez vous. En politique, cela s’appelle un accord donnant-donnant. Du « win-win » dans le jargon entreprenariat ! 😊

Cela veut dire qu’une part de la capitalisation de Holdisports (1 M€ / 4%) vient en fait d’une part du bénéfice fait sur le prêt de 39 M€, qui sera remboursé par les usagers. Dit comme cela, c’est moins sexy, mais c’est bien cela la réalité de la mécanique financière ! Actons que c’est un montant anecdotique sur l’ensemble.

Sur les prêts bancaires, il y aurait peu de chose à dire si on n’apprenait pas de la conférence de presse un point majeur qui semble être passé inaperçu : une garantie d’emprunt de la métropole de 50%.

Pour de nombreux projets immobiliers (en majorité dans le logement social), la collectivité se porte garante de prestataires publics comme BMH, des SEM ou même parfois d'organismes du logement social associatifs ou privés. Cela fait sens et le risque est maîtrisé puisqu’en cas de carence dans le remboursement du prêt par l’organisme, il y a toujours la possibilité de reprise et de vente des logements en question. La garantie est elle-même couverte par un bien qui a une valeur de marché et qui peut se revendre. Il faudrait une énorme crise immobilière pour que le système vacille, et le remboursement des garanties d’emprunts par la collectivité ne serait probablement pas le principal problème … y compris pour les banques qui joueraient leur survie !

Les garanties d’emprunts s’entendent bien dans ce contexte très maîtrisé et tendu en termes d’accession au logement. Les banques ne veulent pas s’occuper de la gestion ou de la revente des biens en cas de faillite de l’opérateur (qui est rare). Elle délègue ce risque aux collectivités qui, souvent, ont des compétences en ce domaine (BMH et SEMPI pour Brest, par exemple). Cela permet de baisser les taux d’emprunt et de favoriser la création de logement à plus bas coût. C’est une bonne pratique de gestion des risques.

Nous sommes-là dans un contexte bien différent. Point de logement social ici. Point de logement tout court d’ailleurs. Il s’agit du financement d’un équipement sportif qui n’a aucune valeur de marché. Nous sommes sur un équipement qui est très largement lié à la qualité de jeu des personnes qui poussent un ballon … avec talent, reconnaissons-le ! Mais tout cela relève plus de paris et de jeux, que d’un investissement en bon père de famille dans la pierre. Si le Stade brestois descend en Ligue 2, les financements ne seront plus les mêmes. Idem, si plus aucun « Le Saint » ne vient s’occuper du Club, quid d’une descente rapide et d’un Club en difficulté.

Ce dernier point n’est pas anecdotique quand, seulement quelques jours plus tôt, celui qui tient les ficelles de tout ce dossier en est venu à menacer dans la presse de tout laisser tomber, si on ne faisait pas ce qu’il demandait : menace de vente du Club à des investisseurs américains et arrêt du handball féminin, tenu par le frère (ici).

Petite parenthèse pour dire que cet épisode m’a choqué. Souffler le chaud et le froid, cela s’appelle du management toxique. C’est plutôt la marque des narcisses que de ceux qui aiment le collectif et se donnent à leur territoire, comme cela semble avoir été dit lors de la conférence de presse. Il y a un moment où il faut tenir un discours cohérent … à dix jours d’intervalle. Fin de la parenthèse.

Une fois le dossier emmanché et une garantie d’emprunt sur le dos, quelles seront les marges de manœuvre de la collectivité ? On parle de 20 M€ sur les finances de la Métropole (probablement 30 à 35 M€ à rembourser avec les intérêts en cas d’activation de la garantie d’emprunt). On parle d’un investissement sur 30 à 40 ans. On imagine bien que les premières années ne seront pas les plus dangereuses pour le Club, mais quid dans 10 ans, dans 20 ans. Si le club dépose le bilan (si-si, cela s’est déjà vu !) les brestois devront payer la facture à hauteur de 20-30 M€. Super cadeau aux générations futures de petits brestois ! On oublie un peu vite que Pierre Maille fut condamné à trois mois de prison avec sursis pour « complicité de banqueroute » du FC Brest Armorique, justement parce que la municipalité avait pratiqué des garanties d’emprunt (ici). L’histoire ne semble pas rendre les décideurs plus prudents, lorsque l’on parle de foot à Brest !

La question de la garantie d’emprunt à 50%, sur les seules épaules de la Métropole, est en soi une vraie question qui semble être passée au second plan du discours sur le financement. Elle est au contraire du premier ordre.

A noter qu’en cas de non-solvabilité et d’activation de la garantie d’emprunt, il est fort à parier sur le dépôt de bilan de la société Holdisports et donc l’irrécouvrabilité des 8,2 M€ apportés en fonds propres publics. La facture pour la collectivité serait sévère, probablement plus de 40 M€ d’euros de perte … pour un stade qui prendrait l’eau. J’espère que la godille et les gilets sont prévus dans le bateau des frères Le Saint, car tout marin le sait bien : pour faire une belle traversée, le pire se prépare avant le départ !

Cette garantie d’emprunt à hauteur de 30 M€ sur la seule tête de la collectivité métropolitaine (aucune autre collectivité n’est sollicitée) est une roulette russe peu rassurante pour notre collectivité. Ce n’est clairement pas une gestion sans risque.

Au passage et puisque les emprunts seront remboursés par les recettes sur le tarif des places, les promoteurs du projet s’étaient engagés en mars 2022 à un tarif à 5 € la place. Ce détail semble avoir échappé aux journalistes qui ont assisté à la conférence de presse la semaine dernière. Ce petit engagement aurait-il sauté en même temps que les éoliennes ?!

Quid aussi des places que la ville octroie pour les associations et les quartiers dans les tribunes de Le Blé ? Un quota gratuit est-il déjà négocié ou la ville devra-t-elle le payer ? Je ne suis pas sûr que le sujet ait été évoqué … au moins publiquement.

Avance de loyer du Club (15 M€ / 14,1%)

Peu de chose à dire sur cet aspect, si ce n’est que l’on ne connaît pas la durée à laquelle correspond cette avance : 3 ans, 5 ans, 10 ans ? En corollaire, on ne connaît pas non plus le montant de la location au Club. Vu que le patron du Club est aussi le patron de Holdisports, on est sûr que les deux se sont entendus, mais on ne sait pas sur quel montant a atterri la négociation. Ce n’est pas tout à fait anecdotique.

Enfin, il est possible de se demander si cette même location était demandée pour l’usage du stade Francis Le Blé. Cela aurait-il permis de mettre de l’argent de côté pour sa rénovation ? N’est-ce pas la bonne gestion que l’on préconise dans les copropriétés ?

Plus de questions que de réponses pour cette partie du financement.

Financement participatif (1,5 M€ / 1,4%)

Plutôt anecdotique dans le schéma global. Ce volet de financement ressemble à celui proposé dans le cadre de la seconde ligne de Tramway, dont la presse nous donne les grandes lignes cette semaine.

Un rendement de 4%, annoncé meilleur que le Livret A, ce qui est mensonger puisque le livret A est défiscalisé (en crowdfunding, 4% brut donne en fait un rendement net de 2,8% après PFU de 30%, donc moins que les 3% du Livret A, aujourd’hui et bien moins que demain s’il passe à 4%).

Sur le principe, je trouve plutôt cela bien. Mais nous devrions utiliser cette mobilisation de l’argent des ménages pour démultiplier les investissements sur la transition écologique, qui en a grand besoin, plutôt que pour construire des nouveaux stades.

Ce genre de mesure est aussi une façon de faire participer les habitants et donc de travailler l’acceptabilité d’un projet. C’est utilisé dans le financement des projets d’éoliennes par exemple (souvent très contestés), pour s’assurer le soutien de petits investisseurs intéressés au projet, mais avec des taux plus proches de 7% (le clientélisme à un prix !)

Mais pourquoi pas …

Subventions publiques (27 M€ / 25,4%)

Le chiffre annoncé est faux puisqu’il exclut l’assiette foncière de 5 M€ (la vente du terrain) et les aménagements autour du stade qui avaient été annoncés en 2022 à 15 M€. Ces deux postes apparaissent clairement comme des coûts induits de ce projet, même s’ils ne seront pas portés par Holdisports.

L’absence de vente du terrain est un manque à gagner pour la métropole qui en a fait l’acquisition, après un long contentieux dont j’ai moi-même suivi la fin en tant que vice-président à l’urbanisme.

Par ailleurs, les aménagements autour du stade sont logiquement portés par la Métropole, mais il paraît trompeur de les exclure des coûts publics du projet. Ce coût sera bien financé par la collectivité et les impôts des contribuables. C’est bien de l’argent public lié à l’existence de ce projet de stade.

Sur les subventions publiques, François Cuillandre semble avoir déjà engagé la Métropole pour 10 M€ sur les 27 annoncés. Il semble attendre des subventions du département parce que c’est le Stade Brestois 29. Super argumentation ! La contribution de la Région n'est pas très claire dans les articles, difficile de savoir ce qu'il en est ou pas. Enfin, le président du Pays de Brest semble souhaiter faire la quête auprès des communautés de communes (Com-Com) du Pays pour arriver à boucler le budget de subventions. Le moins que l’on puisse dire est que l’accueil fut froid !

Il reste donc 17 M€ de subventions publiques à trouver … Allez, un million par Com-Com, cinq pour le Département et cinq pour la Région … cela ne devrait pas poser de problème pour avoir accès aux loges du nouveau stade ... et ce n'est rien par rapport à ce que vont supporter les contribuables de la Métropole !

La synthèse

Alors, maintenant que l’on a pris le soin de regarder chacun des postes, on va faire les totaux, les vrais !

Ho ! Surprise, le financement n’est pas à majorité privé, mais aux deux tiers publics (59%), si on compte que le prêt est avant tout une prise de risque, dans laquelle la Métropole s’engage pour moitié.

Analyse plan de financement stade brestois 29 froutven suite conférence de presse 12 juin 2023

Ainsi, la Métropole et la Ville de Brest assument à elles seules un peu moins de 7 M€ via les SEM, 10 M€ en subventions et assument le risque de près de 20 M€ d’emprunt (plus intérêts) en cas de difficulté du Club.

De leur côté, les acteurs privés portent en réalité les 16 M€ en fond propre dans Holdisports (potentiellement saisis en cas de dépôt de bilan de la société, pour rembourser une part de l’emprunt restant) et c’est tout ! On imagine que les 15 M€ d'avance sur la location du Club les premières années (venant des droits TV) ne poseront pas de problèmes et que le financement participatif non plus.

La belle affaire ! Un stade public/privé où le privé prend part pour 12% du financement, mais détient 54,5% de la gouvernance de la société qui gère les affaires. Il n’y a pas à dire, les frères Le Saint sont de sacrés entrepreneurs. Mais je suis moins sûr que le maire/président de Brest défende vraiment l’intérêt de ses administrés et le bon usage de l’argent public dans cette affaire de gros sous, fortement engageante pour l’avenir de Brest.

Les questions financières ouvertes

Des questions restent sans réponse et sont pourtant importantes dans les risques financiers que ce projet fait courir par les engagements pris pour les mandats futurs.

En septembre 2022, François Cuillandre avertissait que « la réglementation européenne est assez stricte sur la possibilité pour les collectivités territoriales d’intervenir financièrement sur des projets qui sont d’abord des projets privés ». Nous étions plutôt heureux et rassurés de l’entendre. Mais le nouveau montage, avec ses tiroirs de financement à tous les étages, témoigne d’un projet porté très largement par de l’argent public et des collectivités territoriales, directement ou indirectement. Ce montage financier a-t-il été mis en place par des esprits tortueux pour contourner la réglementation européenne qui protège les citoyens des lendemains difficiles, comme cela a pu se connaître ailleurs en France ou en Europe ? Nous aimerions mieux comprendre ce qui en est.

Il est dit que le stade redeviendra public au bout de 40 ou 50 ans. Quid du devenir futur de Holdisports et des 8 M€ publics injectés dans l’actionnariat ?

Le foncier restera la propriété de la collectivité et le financement public est objectivement majoritaire. Au-delà de la pertinence même de ce projet de nouveau stade (seconde note à venir), pourquoi ne fait-on pas les choses dans un cadre défini et contrôlé, sous la forme d’une DSP (délégation de service public) dans laquelle le concessionnaire s’engagerait à faire des investissements ? Au moins, cela aurait le mérite de coller à la réalité des responsabilités financières. Cela donnerait de la transparence contractuelle sur les apports respectifs à l’équipement. Cela offrirait la capacité aux citoyens de suivre le contrat sur sa durée, au travers de la CCSPL. Enfin, dès le contrat initial, la définition de l’état de retour de l’équipement serait actée et des avenants au contrat pourraient faire évoluer la copie, en transparence par rapport au Conseil de métropole.

Au lieu de cela, on a l’impression que notre collectivité fait un chèque en blanc, pour 40 ans. Le concept flou de partenariat public-privé est une jolie façon de noyer le poisson, de donner les pleins pouvoirs et la possibilité d’absence de transparence à des acteurs économiques dont les logiques peuvent profondément varier sur 40 ou 50 ans. Je ne fais pas de procès d’intention aux frères Le Saint qui ont le mérite de crocher dans un projet avec passion (même si les p’tites menaces m’agacent). Mais il est du rôle des responsables politiques d’anticiper les risques et de cadrer les ardeurs de certains acteurs, dans un futur difficilement lisible. Cela ne semble pas être la priorité d’aujourd’hui du principal responsable en place.

La question du retour de l’équipement dans le domaine public est une vraie question, tout comme celle de la descente du Club ou de la raréfaction des financements du foot dans un contexte de crise plus global. Ceux qui décident aujourd’hui ne sont pas ceux qui assumeront les problèmes dans 40 ou 50 ans, en 2060 ou 2070.

C’est là la principale source d’inquiétude financière de ce grand stade qui apparaît comme un projet fondé sur un modèle du passé. Nous verrons cela dans la prochaine note (ici), qui s’intéressera moins au financement, qu’à la pertinence du projet et à une alternative, plus crédible et moins antinomique avec l'avenir qui se dessine.

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