Les électeurs du FN, tout comme les abstentionnistes, ont des motivations très diverses. Leur logique de vote n’est pas une logique politique au sens où nous l’entendons : une approche sociétale. C’est une logique liée à un problème, un enjeu particulier qui envahit leur vie, au point parfois de la rendre très anxiogène, quand ce n’est pas invivable.
Le vote FN, c’est un vote guillotine : « … tous à la guillotine ! ». J’entends par là, un rejet global et violent de la classe politique, dans son ensemble, au travers de ce que cette classe politique qualifie de pire : le FN. Ce parti n’est pas choisi pour ce qu’il est, mais comme message à ses adversaires. C’est une opposition violente par le vote, parce que des problèmes importants et structurants dans la vie de ces citoyens ne trouvent pas de réponses ou même d’écho, au plan politique. C’est un message de colère, de ras-le-bol.
Le vote FN, c’est ensuite une demande de protection. On croit souvent que la question de la sécurité est centrale, mais c’est probablement l’arbre qui cache la forêt. Nous sommes dans un monde extrêmement anxiogène : crise économique, crise écologique, crise démographique, crise climatique, conflits internationaux, inquiétude sur ce que nous mangeons, sur ce que nous utilisons (portable & co), sur nos façons de produire, etc … Autant de sujets qui interpellent, sans que l’on nous apporte de perspectives rassurantes. C’est l’impression d’être un jouet aux mains d’une mondialisation désincarnée ou d’un système de pouvoir économique tout puissant, contre lequel on ne pourrait rien, que l’on subit passivement. Le fait de requalifier des limites, des frontières, des barrières face à ce monde et d’afficher des décisions autoritaires tend à rassurer sur notre capacité d’action. C’est bien sur un leurre, mais cela rassure probablement un peu plus que l’inconnu, dans un monde qui ne croit plus en rien.
Le vote FN, c’est aussi celui des oubliés de la droite. La segmentation droite / gauche n’est évidemment pas qu’une affaire de classes. Il y a des personnes modestes de droite, comme des riches de gauche. Depuis cinq ans, toutes les personnes fragiles ont été stigmatisées par l’UMP : assistanat, retrait de l’Etat, baisse des aides, privatisation de la santé, etc … Quelle alternative pour ces personnes, qui ne voteront jamais à gauche par conviction, pour affirmer leur désaccord à ces 5 années, où le président qu’ils avaient élu s’est essuyé les pieds sur leur amour propre ?
Le vote FN, c’est enfin hélas un vote de rejet d’une partie de la population contre une autre. C’est le résultat d’une violente fracturation du corps social, à la suite d’une entreprise continue de stigmatisation de segments de la population : musulmans, Rom, chômeurs, malades, etc … L’UMP a donné raison par ce biais aux thèses du FN. En fabriquant des coupables aux peurs, aux jalousies, à la faiblesse humaine, il a construit des haines qui se traduisent probablement dans le vote le plus à même de les porter.
Le vote FN populaire, c’est probablement tout cela. Ce n’est pas à proprement parlé un vote d’extrême droite sur le plan politique, mais c’est bien l’extrême droite politique qui en profite.