Sarkozy : service marketing d’un ultralibéralisme en crise
vendredi 06 février 2009
Hier soir, la télévision française diffusait un bien mauvais téléfilm en prime time. Dans le rôle principal, un acteur bien connu concourant pour les nominations aux césars. Mais le scénario, écrit dans l’urgence, manquait de réalisme malgré les efforts non dissimulés de l’acteur pour essayer de nous transmettre quelques brides d’émotions longuement travaillées.
Au-delà de la dérision que m’inspire l’exercice du Président hier soir, c’est surtout le retournement de position idéologique qui me marque et m’effraie vis-à-vis de sa « sincérité politique ». Qui peut croire qu’un homme qui depuis 40 ans agit avec un raisonnement purement ultralibéral, peut d’un jour à l’autre, reprendre des propos tenus hier encore par la CGT ou par sa propre opposition ?
Il y a dans l’exercice d’hier, non pas une volonté de réussir ce qui est annoncé, mais surtout une envie de renvoyer aux français l’image du Président qu’ils attendent. Ce n’était pas un exercice politique hier soir, c’était du « marketing politique » : un travail sur l’emballage, pour mieux coller à ce que Nicolas Sarkozy espère comme une situation conjoncturelle et surtout, se donner du temps, pour ne rien changer sur le fond.
Qui peut croire que Nicolas Sarkozy va favoriser une juste répartition de la richesse : « 1/3 pour les actionnaires, 1/3 pour les salariés et 1/3 pour l’investissement ». Ce type de propos est revendiqué par les organisations syndicales depuis de nombreuses années. Qui d’autres que ses amis rigolent de ce genre de propos, comme contraire à la bonne marche du modèle économique ultralibéral.
Qui peut croire que Nicolas Sarkozy va favoriser la disparition des paradis fiscaux quand, il y a encore quelques mois, lui et ses amis raillaient le député PS Arnaud Montebourg, partant en guerre contre ceux-ci, comme Don Quichotte contre des moulins à vent ! D’un seul coup, Nicolas Sarkozy se rend compte de la toxicité de ces « enfers fiscaux » où pullulent l’argent sale et la défiscalisation à outrance. Grand visionnaire que notre président !
Qui peut croire que Nicolas Sarkozy va réformer et les hyper-bonus des traders et les agences de notation financières qui sont au cœur du dérèglement que l’on vit. Il n’a apporté que deux réponses : primo sanctionner les agences pour la faute commise (l’anticipation, c’est décidément pas son truc, mieux vaut faire peur que réfléchir), secundo fustiger les « jeunes traders » qui prennent des risques inconsidérés quand les patrons des banques françaises (qu’il a d’ailleurs réussit féliciter au passage dans son discours … très fort !) n’auraient rien à se reprocher. Un peu facile non, surtout pour quelqu’un qui tient le discours de la Responsabilité, quelques minutes plus tard au sujet des préfets !
Qui peut croire qu’il va réellement négocier avec les autres pays ? Commencer une négociation en posant un ultimatum : « j’irai négocier avec une marge nulle », n’est pas la meilleure façon d’obtenir des résultats longs terme. C’est juste sa méthode de gouvernance : imposer ses vues aux autres … mais quand les armes sont égales, cela ne marche pas !
Qui peut croire à son jeu d’acteur sur sa « pudeur naturelle » face à ses souffrances personnelles refoulées dans ces temps de crises. Quand on connait le caractère colérique et cassant du personnage à l’égard de son entourage. On aurait dit un « poor lonesome cowboy » faisant front, face à toute la misère du monde ! Yatch, Fouquet, villa de milliardaires, jets privés, etc … oublions ce gout compulsif pour le luxe, maintenant nous avons Frère Nicolas, sa sobriété et son amour pour aider son prochain démuni.
Qui peut croire à tout cela ? Certainement pas moi.
Monsieur Sarkozy a bien étudié les sondages, bien étudié les retours presse : on lui reproche de ne pas avoir demandé de contreparties aux banquiers, il insiste sur la juste nécessité de demander des contreparties aux secteurs de l’automobile … C’est facile, il suffit de chercher ce que l’autre veut entendre et de lui servir sur un plateau … avec la conviction simulée qui va bien !
Pour autant, sa politique de base reste belle et bien là, sous l’emballage, mais il faut aller la chercher, la décrypter.
Ainsi, quand on lui demande : « Allez-vous faire comme Obama en plafonnant les salaires des patrons d’entreprises recevant de l’aide de l’état ? ». Réponse du Président : « ce serait prendre un risque que de plafonner les salaires des patrons qui font des résultats. » Belle pirouette pour contourner la question : à priori, les patrons qui font des résultats ne sont pas ceux qui demandent l’aide de l’état (en tout cas j’espère !) Donc, il élude la question dès que l’on tente de rentrer sur des questions précises de régulation de l’économie, auxquelles il porterait l’entière responsabilité.
D’accord pour aller négocier (à marge nulle) des actions très ambitieuses avec les autres pays. Si cela plante, il faudra chercher les coupables ailleurs, Nicolas Sarkozy aura tenté l’impossible. Mais lui, sur mon prés carré politique, il ne prend pas trop d’initiative contraire au bon avis de madame Laurence Parisot !
Autre exemple de populisme ultralibéral : parlant du poids des fonctionnaires sur l’économie, il nous dit : « quand j’embauche un fonctionnaire, je l’embauche pour 40 ans et après, je dois aussi payer sa retraite sur les comptes publics » insinuant qu’un fonctionnaire pèserait deux fois plus qu’un salarié du privé sur l’économie. Mais, Monsieur le Président, les salariés du privé financent aussi leur retraite sur le salaire qu’ils perçoivent et qui rentre dans la détermination des coûts. Rien de révolutionnaire là dedans …mais juste une formulation pour laisser à penser que les fonctionnaires sont des charges supplémentaires pour l’économie !
Enfin, parlant d’économie, je l’ai trouvé assez silencieux sur les raisons qui font que la France se porte plutôt mieux que les autres pays dans cette crise. La redistribution, le secteur public, les retraites par répartition sont des éléments indéniables d’amortissement de cette crise, défendu par la gauche depuis longtemps comme étant de bons usages économiques. Mais évidemment, vu que c’est le modèle qu’il combat, il n’en a pas parlé malgré sa récente conversion au keynésianisme !
Difficile de rester silencieux face à cette grande entreprise de désinformation d’un l’ultralibéralisme en crise. Nicolas Sarkozy reste un leader incontesté dans ce domaine.