Tour de France
mercredi 16 juillet 2008
En début de mois, le Tour de France était à Brest pour le démarrage de la grande boucle, qui n’en n’est plus une au premier sens du terme, d’ailleurs !
Il faut reconnaître que cette manifestation sportive est un évènement populaire au bon sens du terme : cela fait toujours du bien de voir tous ces spectateurs de tous âges, joyeux et enthousiastes au passage de la caravane, avant d’attendre en trépignant d’impatience le passage des coureurs. Dans l’esprit de tout un chacun, c’est clairement une fête qui rappelle autant le carnaval avec sa caravane du Tour, qui sait créer de l’exploit sportif et humain avec ces hommes qui se lancent dans des étapes aux kilométrages insensés et aussi qui évoque la vie légendaire des cirques lorsque l’on voit le nombre de personnes qui gravitent autour du Tour, en se déplaçant d’étapes en étapes avec lui.
Pour autant, je crois qu’il faut rester très critique à l’égard du Tour car, ce qu’il pourrait être, sans renier à ce que nous aimons en lui, est bien loin de ce qu’il est devenu. Parce que nous aimons tous cette fête locale et nationale, nous tournons la tête face aux dérives qu’elle sous-tend.
Je ne reviens pas sur l’aspect dopage qui me semble largement traité par ailleurs et qui m’apparaît plus comme la conséquence d’une autre dérive. Ce qui m’interpelle est plus sur l’aspect économique et médiatique du Tour.
D’abord, lorsque l’on a la chance de voir passer le Tour physiquement, comme ce fut le cas à Brest, il est étonnant de constater le décalage entre la partie sportive de l’évènement (quelques secondes) et le déploiement publicitaire et logistique qui l’accompagne. La diffusion TV rend mal de cette distorsion qui fait du Tour, en terme de moyens humains, d’abord une organisation médiatique et publicitaire. C’est l’importance de ce duo dans la fête qui finit par me gêner et m’interpelle sur les vraies logiques d’organisation et de direction de celle-ci.
Pour ce qui est de la publicité, c’est une évidence, elle est partout. D’abord dans la caravane, même s’il faut aussi lui reconnaître son coté ludique et festif pour certaines voitures savamment customisées. Ce sont ensuite les gadgets publicitaires que l’on jette aux spectateurs pour qu’ils se transforment en vecteurs publicitaires au passage des caméras, la majorité des spectateurs ne supportent pas des coureurs, mais des marques ! Et ce sont enfin les coureurs eux-mêmes, étiquetés jusqu’aux fesses, pour ne pas laisser un espace libre non vecteur d’un message publicitaire, aux caméras omniprésentes.
Vu de loin ce mélange de couleur peut faire joli, mais avec du recul, je le trouve finalement assez dégradant pour tout ceux qui participent de près ou de loin à l’évènement, par curiosité ou par passion.
L’aspect médiatique est surement plus complexe à décrypter. Il repose en grande partie sur la construction de l’évènement, par la voie journalistique. Quand on entend Gerard Holtz tout excité, juste après l’arrivée d’étape, lancer dans son micro : « … il s’est passé énormément de choses aujourd’hui dans cette étape … on se retrouve pour le récapitulatif de la journée … » et que l’on se prend dix minutes de pages de pub, on comprend rapidement que la stratégie de Patrick Le Lay pour vendre du cerveau humain disponible aux publicitaires n’est pas très loin, même si l’on est sur France 2 !
S’il fallait en apporter la preuve, les études médiamétriques le feront mieux que moi, le Tour 2008 dope les audiences de France 2, comme ce fut le cas pour le Tour 2007 ! !
Comment à partir d’un matériau de base assez neutre : les courses cyclistes, maintenir une attention … voire créer de la passion auprès de personnes qui ne sont pas, à priori, des vélocipédistes effrénés en puissance. On est là dans le vrai core-business médiatique contemporain : fabriquer de l’évènement, y compris parfois à partir de rien. La figure emblématique du genre reste bien-sur le Loft et la TV-réalité, mais les médias ont su décliner ce style dans d’autres domaines : presse people, sport, actualité et même politique. Le rôle du média n’est plus autant de retranscrire l’info que de la scénariser afin qu’elle capte durablement l’attention des téléspectateurs.
Je trouve vraiment dommage que l’on détourne ces grands évènements populaires pour des raisons purement économiques et commerciales. On y perd le sens et la signification en termes d’aventure humaine et d’exemplarité qu’ils représentent encore dans nos sociétés.