Motions pour Reims … l’analyse du fond
jeudi 16 octobre 2008
Le travail militant consiste à lire les motions et à s’en faire une analyse (qui vaut ce qu’elle vaut, restons humble !) Je profite donc de l’espace de liberté d’expression que m’offre ce blog, pour vous donner les grandes lignes de mon analyse.
Pour moi, il y a deux types de contributions dans ce congrès, 3 ont vocation à départager des premiers secrétaires et 3 ont vocation à poursuivre le travail de contribution, sur une base déjà plus consolidée.
Sachant que le congrès de Reims est là pour définir une ligne politique et choisir notre 1er secrétaire, je me suis surtout attaché aux 3 premières :
- La motion A, dont le premier signataire est le camarade Bertrand
- La motion D, dont la première signataire est la camarade Martine
- La motion E, dont la dernière signataire est la camarade Ségolène
Il faut creuser un peu (voire beaucoup) pour trouver des vraies divergences de fond sur ces 3 motions. Ce qui existe plutôt, c’est un développement différent de certains arguments, mais sur une ligne globale plutôt cohérente entre les trois.
J’ai aimé beaucoup de choses communes aux 3 motions. Elles savent se rejoindre sur plus de 90% de leur exposé. Pour ne retenir que le meilleur, traité par les trois : j’ai particulièrement apprécié leur façon de parler de l’immigration avec force et respect, leur expression de la nécessité d’un travail collectif à faire dans le parti ainsi que le bilan tiré de la cacophonie ambiante actuelle.
Ce qui m’aura manqué dans les trois concerne :
- la consommation et la croissance auxquelles il me manque une vrai critique et une vraie perspective : quelle société voulons nous en substitution d’une société de consommation ? Quid de la pub ? Quid de la croissance à tout prix ? Cela me semble une question centrale aujourd’hui et il n’y a pas de vision sur un changement de cap clairement exprimé.
- le traitement du problème de la santé en ne le prenant que du coté du patient, rarement du coté des professionnels de santé : salaires, carrières, adéquation du niveau de qualification à la pratique quotidienne, etc … Il me semble qu’il y aurait là pourtant beaucoup à travailler.
- Le renforcement des partenaires sociaux par des mesures (quand il y en a) témoignent d’une méconnaissance de ces acteurs. Le chèque syndical me semble plutôt une bonne chose, mais il faut aller bien plus loin, notamment vis-à-vis des PME qui représentent une grande proportion des salariés (concept d’Unité Economique et Sociale Territorialisée, par exemple).
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En ce qui concerne les 3 motions …
Ce que j’ai plus particulièrement aimé dans la motion D :
- Le fait de se servir de l’impôt sur les entreprises pour influer sur les paramètres sociaux en leur sein. J’aurai même aimé qu’elle aille encore plus loin en instaurant un bonus-malus sur l’impôt, assis sur une forme de « reporting social », via les partenaires sociaux. Une telle mesure donnerait plus de force aux partenaires sociaux face aux directions, en garantissant, de part et d’autre, la nécessité d’un véritable dialogue social équilibré.
- L’idée de créer une « Small business administration » à la française, pour faciliter la vie des PME sur le plan administratif.
- L’idée forte de redessiner une école autour de l’enfant, en laissant plus de marges de manœuvre aux compétences et à l’initiative locale des professeurs, tout en leur mettant des moyens à hauteur des ambitions portées. L’idée aussi d’en finir avec une école élitiste, faite pour un élève idéal et non pour tous les enfants me semble salutaire.
- Le chapitre « Agir pour le Sud, maintenant ! ».
- Le propos sur un nécessaire travail d’anticipation de futures re-localisations (inverse des délocalisations) suite à la monté en puissance des coûts logistiques dans le monde. Il nous faut nous préparer à ré-accueillir les entreprises, délocalisées dans les pays émergents, qui souhaiteront réduire la distance avec leurs consommateurs finaux.
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Ce que j’ai plus particulièrement aimé dans la motion A :
- La réflexion sur une proposition de directive cadre européenne sur les « services d’intérêts généraux ».
- Le discours sur la fiscalité et l’affirmation d’un parlé franc aux français concernant la baisse des prélèvements en période de fort déficit et la question d’une plus juste répartition.
Ce qui m’a moins plu dans la motion A :
- Le chapitre sur la laïcité que je ne trouve pas clair et qui tente un complexe amalgame avec le « vivre ensemble ». La laïcité est déjà un sujet suffisamment vaste pour qu’on n’y mêle pas : le genre, l’age, la condition physique ou la situation sociale.
- Le chapitre sur l’Internationalisme qui traite sur 25 lignes du terrorisme et sur 3.5 lignes du co-développement avec l’Afrique … L’un étant pour partie le résultat des lacunes de l’autre, je trouve cette répartition pas très constructive.
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Ce que j’ai plus particulièrement aimé dans la motion E :
- L’instauration d’un « Small Business Act » permettant aux PME d’accéder à la commande publique.
- Le chapitre sur la fiscalité qui met l’accent sur le rétablissement de la vérité fiscale pour l’ensemble des contribuables (thème soutenu aussi, mais moins clairement, par la motion D et aussi le calcul de l’impôt sur le revenu individuel, avec un crédit d’impôt identique par enfants.
Ce qui m’a moins plu dans la motion E :
- Ce ne sera pas un scoop : cette vision de la démocratie participative, utopique et trop peu organisée à mon goût, qui risque d’aboutir en fait à une forme de démocratie sondagière, où le politique piocherait dans la masse de « l’opinion publique » la réforme qu’il souhaite faire passer.
- Mais ce sont aussi des propos du type : « Elle [la démocratie participative] contribuera à abolir la frontière entre les « sachants » et les obéissants » qui me font hérisser le poil ! Nous sommes tous à la fois des « sachants » et des « obéissants ». Le jeu me semble plutôt être de coordonner les énergies pour détecter les meilleurs sachants (qui ne soient pas des lobbies cachés !) partout où ils se trouvent et en tirer parti collectivement … non pas pour faire obéir, mais pour faire adhérer !
- Certaines mesures que je trouve un peu irréaliste ou en tout cas pas suivi d’effet comme la présence de 30% de représentants des salariés dans les CA des entreprises, ou comme la redistribution des profits de Total pour financer « l’après pétrole » !
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Voilà tracé en quelques lignes l’analyse que je porte sur le fond de ces trois motions. Si je me sens plus proche de la motion D, il n’en reste pas moins qu’elle a comme les autres aussi des lacunes. S’il ne devait y avoir que cela comme analyse, je pense que je serai en difficulté pour choisir car chacune de ces motions reste imparfaite, incomplète mais complémentaire aux autres. Elles sont l’inspiration de confrontations et de débats et dans ce cadre, chacune d’entre elle remplie son rôle et a sa raison d’être dans ce congrès.
Mais le choix de la motion étant aussi porteur d’un premier secrétaire, je crois qu’il faut y chercher autre chose. Les motions restent un exercice de style, avec des règles non-dites. Je pense que ce qui peut faire sens dans le choix d’une de ces trois motions, c’est l’énergie et le type d’énergie qu’elles dégagent.
Le fond des propositions sera de toute façon un élément à construire et à débattre durant les trois prochaines années (là-dessus, il y a consensus des motions). Ce qui peut donc guider notre choix, c’est l’énergie qui portera cette transformation … et là, il y a de vraies différences !
A suivre …