Les 4 leçons des régionales 2010
mercredi 24 mars 2010
Chronique envoyée ce matin sur le site du monde.fr [ici].
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La première grande leçon est bien-sûr l’abstention, au premier comme au second tour. Un français sur deux ne s’intéresse plus ou fait le choix de ne plus participer au débat démocratique. La majorité du monde politique commente sans grande conviction ce qui devient un non-événement dans nos élections. Les totaux électoraux ne prenant en compte que les votes exprimés, les résultats affichés ne pâlissent pas de l’abstention. Pour autant, cela reste de loin la plus forte expression, mais ce qui n’est pas compté fini par ne plus compter.
Le travail sur l’abstention devrait être un chantier prioritaire du politique (quel que soit la couleur). Dans une démocratie, le vote est la boucle de rétroaction qui contrôle que tout le système ne dérive pas, ne diverge pas. C’est un des éléments clé du fonctionnement démocratique. Que la classe politique ne réagisse pas fortement face à ce taux d’abstention est clairement un indicateur inquiétant sur la santé réelle de notre démocratie. Cela témoigne tout autant d’une peur, d’un manque d’ambition, d’un manque d’innovation et d’envie d’innover que d’un certain conservatisme.
Si l’une des qualités revendiquées de la gauche et particulièrement du PS est d’être une force de progrès, alors nous devons nous adapter et réfléchir aux messages que lance l’abstention. Car au-delà des beaux discours sur la diversité et la complexité des raisons et des causes de celle-ci, la réalité est souvent bien plus simple et brutale … pour ceux qui souhaitent l’entendre. Mais faut-il encore avoir le courage de combattre.
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La seconde grande leçon est l’échec cuisant de Sarkozy. Nombre de candidats de droite l’avouent sous le manteau, l’élection était cuite d’avance à cause du Président. Ajouté à la prime au sortant, quand les bilans sont bons, c’était mission impossible !
La « marque Sarkozy » est usée, dépassée, tant dans l’image que dans la méthode. Trop de choses ont été dites, trop de personne y ont cru et se sont laissées bercer puis berner par le discours. Le retour de manivelle sera nécessairement violent face à la réalité de la politique menée. Faire du marketing sur ce que veulent entendre les français et faire l’inverse par derrière, ne pas supporter de contre-pouvoir et tout faire pour brouiller les cartes entre les visions politiques, c’est cela qui marquera sa mandature.
La méthode Sarkozy, c’est de l’anti-durable, c’est un « courtermisme autodestructeur ». Sarkozy restera dans les livres des sciences-politique, mais sûrement pour donner l’exemple ce qu’il ne faut pas faire !
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La troisième leçon de cette élection est clairement l’expression d’une attente en terme d’écologie politique. Le « vote écolo » est une expression citoyenne au vrai sens du terme. Les partis écologistes n’ont pas d’existence propre sur le terrain au regard de l’électorat qu’ils mobilisent. En dehors du grand leader sympathique, Dany l’ex-rouge devenu vert-orangé, Europe écologie existe trop peu pour expliquer le score. Le vote écolo est donc bien un vote en recherche d’un sens politique qui ne se retrouve pas dans les autres partis.
La plus-value du PS pour avoir intégré des écologistes sur ses listes, dès le premier tour comme en Bretagne, est quasi nulle. Les électeurs restent sur une image du PS faisant du marketing vert et non comme un parti ayant intégré en profondeur l’écologie dans ses approches idéologiques (ce qui n’est pas totalement faux d’ailleurs, mais à relativiser tout de même aujourd’hui, sur pas mal de sujets).
Dans tous les cas, le PS pêche à ne pas se fonder une vrai doctrine d’écologie politique, laissant ainsi un espace large aux écolos parfois louf ou même autori’vert. Ceux-ci recueillent des voies sans vrai programme cohérent dans la globalité, rendant ainsi très difficile un travail d’ensemble dans la gestion des collectivités.
L’écologie politique est un virage incontournable. Ce n’est en aucun cas une concurrence face à une vraie politique sociale et solidaire. Au contraire, leur complémentarité est une évidence. Nous devons nous lancer dans ce chantier et y acquérir nos lettres de noblesse comme nous avons su faire avec le monde économique et la gestion dans les villes. C’est à ce prix que nous redeviendrons crédibles face à cet électorat qui se réfugie aujourd’hui dans un vote écolo.
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La dernière leçon de ces régionales est la dynamique militante du PS. Cette élection marque un tournant (à minima une trêve, l’avenir nous le dira) dans le cahot de Solferino. Les tensions se sont apaisées et les militants ont pu s’investir pleinement dans la campagne, sans avoir à se justifier d’un climat délétère imposé par leurs dirigeants. C’est une excellente nouvelle et un vrai plaisir retrouvé que de retravailler ainsi.
Pour autant, il est à constater que cette campagne s’est un peu jouée dans l’entre soi. Au regard des forces militantes mobilisées, le « retour sur investissement » en terme de population touchées apparaît bien maigre. Les réunions étaient remplies de convaincus, les tracts distribués nombreux mais toujours aussi peu lus, les collages tiennent plus lieu de guerre de territoire inter-partis que de communication efficace et le porte-à-porte n’est plus un temps d’échange privilégié avec les habitants. Il est temps d’oser dresser un bilan objectif de nos façons de faire campagne et de réfléchir la façon d’investir nos forces dans des actions à plus grande valeur ajoutée, soit en terme de lutte contre l’abstention, soit en terme de re-politisation du débat politique, sur des bases plus lisibles pour la population.
Nous avons largement gagné la bataille contre la droite, mais à aucun moment nous ne devons parler de victoire aux français. Il est temps d’oser se remettre en question. Il est temps de réfléchir et d’innover. Il est grand temps d’aller vers ceux qui ne veulent plus de nous, les politiques.