Reportage Toxic Somalia
mercredi 25 mai 2011
Presqu’une semaine après la fin de Safer Seas, il y avait hier soir une émission d’ARTE consacrée à la Somalie [ici] et notamment à la question de la piraterie en mer. Le reportage « Somalie, pirate ou piratée ? » par Paul Moreira apporte un regard nouveau sur cette question dont il a largement été question lors des journées Safer Seas à Brest.
L’enquête du journaliste met à jour les réseaux mafieux européens qui prospèrent sur l’élimination des déchets toxiques de nos sociétés : chimiques ou nucléaires. Le reportage montre comment des futs ou des containers de déchets hautement toxiques sont arrivés sur les cotes somaliennes, largués par des bateaux en provenance d’Europe [Infographie]. Il montre aussi les dégâts irréversibles de ces produits sur la santé des habitants, avec notamment des naissances avec des malformations particulières. Il montre enfin comment les pêcheurs de Somalie ont fini par prendre les armes, pour devenir de vulgaires pirates, faute de ne pouvoir combattre ceux qui les détruisaient lâchement depuis le large.
Le gouvernement somalien semble impuissant face à cela, pris dans des conflits internes au pays et n’ayant aucun bateau pour contrôler ses cotes. Les navires mafieux importent à la fois déchets toxiques et armes. Cela favorise ainsi les conflits armés internes qui jettent le pays dans le chao, tout en rendant la situation confortable pour tous ceux qui souhaitent se débarrasser de produits dangereux, à moindre coût.
J’ai peine à croire que tout cela ne soit pas connu en haut lieu, mais comme le dit le journaliste : les pays riches ne veulent pas voir, ils tournent la tête. On ne peut pas dire que nos pays soient demandeurs de tels comportements, mais la complexité de la situation pour y faire face est importante et ils ne s’y attaquent pas. Nous sommes juste fainéants quand nous n’avons pas d’enjeu propre. Mais c’est une fainéantise qui coute très cher.
L’émergence de la piraterie vis-à-vis de bateaux occidentaux n’est pas une bonne chose, mais dans l’écosystème somalien, elle n’est pas la pire. Espérons que cela oblige les pays riches, que cela nous oblige, à regarder en face nos responsabilités, afin de chercher des réponses.
Il est inacceptable que nos déchets chimiques ou radioactifs atterrissent dans les pays pauvres ou fragilisés. Ces comportements entachent lourdement toute notre collectivité de nations et nous feront honte pour de longues années. Si nous utilisons nos forces militaires pour lutter contre la piraterie locale, il serait bien que nous soyons au moins aussi attentif à celle qui vient de nos propres pays.
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Reportage à voir pendant une semaine encore sur ARTE+7