Pierre Rosanvallon dans l'émission A voix nue
lundi 23 février 2015
Je suis tombé par hasard sur cette émission que j’apprécie de France culture : A voix nue. La journaliste recevait Pierre Rosanvallon. Je trouve que son propos (retranscrit ci-dessous) fait significativement écho à celui développé dans la contribution dans ma précédente note.
A écouter en entier ici !
« Les tensions concernant l’univers démocratique restent toujours en place. Il y a une contradiction par exemple dans le principe représentatif, entre la représentation comme ce qui donne de la présence, la « représentation-figuration » du monde social et la représentation simplement comme mandat. Entre le mandat et la figuration, il y a un écart. Parce que l’on peut dire que l’élection est capable de produire du mandat, parce que l’élection nomme des personnes qui peuvent agir pour autrui. Alors que l’élection produit, on le voit aujourd’hui, de moins en moins de la figuration. Donc l’historien peut montrer pourquoi dans l’histoire, alors qu’au moment de la révolution française, ces deux dimensions de figuration et de mandat étaient très séparées, pourquoi peu à peu, elles ont été agglomérées, avec le développement des grands partis politique de masse et de classe et pourquoi aujourd’hui, il y a cette dissociation qui est devenue croissante. Cette dissociation croissante produit des effets explosifs dans l’ordre politique.[…]
Il faut développer une autre dimension de la vie démocratique. C’est que la vie démocratique elle est intelligibilité de ses problèmes et que la vie démocratique elle est une façon de faire vivre la réalité de la société pour la rendre appropriable.[…]Etre aliéné, c’est deux choses. La première, c’est d’avoir les idées de l’adversaire dans la tête. Mais la deuxième façon d’être aliéné, c’est justement d’avoir le sentiment que l’on vit dans le brouillard, que l’on vit dans un monde opaque, que l’on ne sait pas mettre des mots sur ce que l’on vit. Et ça je pense que c’est fondamentalement un travail démocratique aussi. C’est de contribuer socialement à ce que dans la société, des gens aient l’impression qu’ils comptent pour quelque chose et que leur histoire ne soit pas simplement sur le bord de la route, mais être quelque chose pris en compte, qui est raconté et qui ait une importance pour autrui. »