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Liberté, Egalité, Fraternité, un nouveau cap pour la gauche

Img_0648Notre devise républicaine est inscrite partout dans la cité, mais fait-elle partie de notre pensée politique comme elle le devrait ? Ces trois mots continuent à nous questionner, car ils recèlent encore bien des réponses aux maux d’aujourd’hui.

DE LA REVOLUTION FRANÇAISE …

Issue de la pensée des Lumières au moment de la révolution française, notre devise est probablement à replacer dans son contexte. Loin d’être un programme politique, elle est le socle de ce qui est apparu à nos ancêtres (révolutionnaires) comme les valeurs nécessaires pour sortir d’une domination politique. La révolution française de la fin du XVIIIème siècle est l’expression de la contestation du pouvoir royal, d’une « monarchie absolue de droit divin » ayant institué une hiérarchie du pouvoir sur le peuple, par le biais de la noblesse et du clergé. Notre devise républicaine est à reprendre dans ce contexte et à lire comme une boussole pour s’extraire de toute forme de domination dans l’exercice d’un pouvoir.

Les termes de liberté, d’égalité et de fraternité peuvent aussi être lus de deux façons différentes. Ils sont tout à la fois l’expression de trois valeurs essentielles prises séparément, mais aussi un chemin, un cap pour fonder une société en dehors d’un pouvoir autoritaire et arbitraire.

On a eu tendance à cliver ces trois termes dans des débats politiques, comme s’ils abritaient en leur cœur une forme d’incompatibilité. Liberté et égalité devenant en quelque sorte chacun les portes étendards des deux bords politiques. La droite affirmant plutôt la primauté de la Liberté, quand la gauche s’attachait à revendiquer l’impératif d’Egalité. La Fraternité, moins facilement discernable dans les débats, apparait comme plus abstraite et moins objectivable. La connotation chrétienne du terme Fraternité l’aura aussi probablement desservi dans les temps de tension entre pouvoir religieux et pouvoir politique.

Près de 230 ans après la prise de la Bastille, que peuvent nous dire encore ces trois mots sur le chemin d’une meilleure gouvernance politique ? Sommes-nous encore sur la route fixée par nos ancêtres, où avons-nous déviée ? Avons-nous bien pris toute la mesure du message de ces trois valeurs signifient aujourd’hui ?

… A AUJOURD’HUI

Au sortir de la Révolution, la question de la Liberté était nécessairement majeure. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que l’objectif est en grande partie atteint, voire même dépassé. Si la liberté est un prérequis à toute forme d’émancipation sociale d’un peuple, c’est aussi ce qui fonde le libéralisme et l’individualisme par exemple. Quand la liberté des uns s’oppose à celles des autres et que les richesses s’accumulent entre peu d’individus, la liberté trouve une limite au bien-être d’un peuple.

L’égalité est plus complexe à mettre en œuvre. Elle vient en complément à la Liberté, comme une modalité de régulation de celle-ci. L’Egalité pose l’exigence de l’équilibre entre les individus, d’une nécessité de justice dans le traitement de chacun. L’Egalité, c’est le fondement du droit sur la protection des plus faibles. C’est une vertu sociétale essentielle au maintien de la cohésion sociale. Malgré tout, comme la Liberté, l’Egalité trouve aussi ses limites lorsqu’elle est appliquée sans regarder ce qu’elle produit et de façon trop verticale.

L’égalité trouve ses limites dans une application stricte qui tendrait à s’affranchir des différences. Si nous naissons théoriquement libres et égaux en droit, nous sommes encore loin de naitre égaux pour autant. Par ailleurs, notre dimension culturelle nous fait aussi différents, avec des besoins et des attentes qui ne sont pas identiques. Une doctrine égalitariste qui nie ces différences peut devenir rapidement autoritaire, non plus sous la contrainte d’un individu ou de plusieurs, mais sous celle d’une idée. Ce qui n’est pas moins dangereux.

Liberté comme égalité sont deux valeurs essentielles qui peuvent aussi devenir toxiques si on ne leur pose pas de limites. C’est probablement la raison d’être du terme Fraternité dans notre devise. Que nous dit-il aujourd’hui ?

La fraternité est un état d’unité entre plusieurs personnes qui fait écho à la notion de famille : « d’une même fratrie ». La Fraternité est un terme clé de la révolution français où des citoyens se saluaient par un : « Salut et Fraternité ». Ainsi, lors de la Fête de la Fédération le 14 juillet 1790, La Fayette l’évoque avec force lorsqu’il prête serment : « Nous jurons de (...) demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ».

Mais la Fraternité trouve aussi rapidement ses propres limites durant la période de la Terreur de la Révolution Française avec la devise : « la fraternité ou la mort », selon l'adage « Sois mon frère ou je te tue » affirmant une fraternité qui n’est plus vue comme une vertu universelle inclusive, mais comme une façon de designer un autre à combattre.

En posant la Fraternité comme principe à la nation, notre devise scelle une unité au corps que représenterait cette famille de la Fraternité.

SOMMES-NOUS AUJOURD’HUI UNE SOCIETE QUI A REMPLI L’OBJECTIF DE FRATERNITE ?

Nous ne pouvons pas nier que face à la monstruosité nous sachions nous unir, au-delà de nos différences. Les crimes commis lors d’attentats ou lors d’évènements qui touchent des français ailleurs dans le monde sont des exemples d’unité et de Fraternité. Mais cela s’arrête-là. Sauf ponctuellement, notre société ne s’est pas organisée globalement pour être fraternelle.

La croissance persistante d’inégalités rend palpables les tensions qui s’opèrent entre groupes sociaux, ou même entre individus dans un même groupe. La compétition ou la concurrence restent encore les modes d’arbitrage principaux, que cela soit sur les domaines économiques, l’éducation, ou même les élections politiques. Porté par une société de consommation, l’individualisme crée de l’isolement dans la société qui éloigne des logiques de confiance, de partage et de don qui sont pourtant les fondamentaux d’une famille. Même la loi peut être utilisée à des fins agressives. Il est clair que nous sommes encore bien loin d’une société fraternelle. Pourquoi ?

Probablement parce que nous avons préféré travailler d’abord sur la liberté et l’égalité, sans trop nous soucier de la Fraternité. Posant l’idée que cela allait de soi. En l’état actuelle, repenser la Fraternité et la replacer dans le cadre de notre société moderne et de notre espace mondialisé est probablement ce qui nous fera le plus avancer dans les prochaines années. La Fraternité recoupe de nombreuses valeurs que nous avons laissées sur le bord de la route de notre développement, caressant l’espoir que celui-ci finirait par entrainer le reste dans son sillage (le vieux rêve libéral). Il n’en est rien.

AU-DELA DE LA FRATERNITE …

Vu dans un langage contemporain, la Fraternité c’est le respect de l’autre. Une altérité que nous traiterions comme nous souhaiterions l’être nous-mêmes. C’est aussi des logiques de partage et de don. C’est enfin l’objectif de paix, de non-violence. Cela ne signifie pas l’absence de désaccord, au contraire, mais l’existence d’une volonté de coopérer (et de se doter des outils qui le permettent). Et pour que tout cela soit possible, c’est la logique de confiance qui est au cœur de l’idéal de Fraternité. C’est-à-dire l’appartenance à quelque chose de plus grand dans lequel nous puissions nous sentir en sécurité, pour nous-même et pour nos proches.

Ces valeurs nous devons les réaffirmer. Nous devons travailler à assainir notre société de ses contradictions et de ses aberrations. L’idéal que porte la gauche depuis longtemps est dans cette direction.

Notre devise est partout, mais nous ne la voyons plus, nous ne l’a réfléchissons plus. Pourtant le troisième terme de notre devise est probablement la prochaine marche à franchir, le degré de maturité à acquérir pour accéder à une société plus apaisée, plus juste et plus équilibrée.

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Image réalisée par Mathieu Molinaro : Triptik

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