Intervention en conseil de Métropole - Contactualisation Macron
vendredi 22 juin 2018
Ce soir en Conseil de métropole, nous avons voté sur la contractualisation entre l'Etat et la Métropole de Brest sur des objectifs financiers fixés unilatéralement par l'Etat central. Cette camisole financière n'a rien à envier aux précédentes mesures de restrictions budgétaires ayant permis à l'état de faire baisser le déficit public de 11,5 milliards d'euro. Le dispositif actuel prévoit quant à lui de contraindre les collectivités à hauteur de 13 milliards.
Ce contrat est en fait un marché de dupes puisqu'il ne s'agit aucunement d'une négociation, bien que l'on y fasse croire par une signature forcée des collectivités. Dans les faits, ne pas signer reviendrait à amplifier les sanctions contre nous. Comme je l'ai rappelé en Conseil, "tant qu'à se faire taper sur les doigts, mieux vaut choisir une petite règle qu'une grande règle !" Il n'y a donc pas vraiment de choix, sauf à souhaiter afficher une posture purement politique, mais en faire payer le prix aux habitants de la métropole par une baisse des dotations de l'Etat pour notre territoire.
Ce soi-disant " contrat de confiance " comme l'appelle ses instigateurs est bel et bien une re-centralisation des pouvoirs par le gouvernement actuel. C'est non seulement contre-productif puisque cela laisse croire que l'Etat redresse ses comptes alors qu'il n'en est rien, mais surtout, cela freine l'initiative locale.
--- Intervention faite en Conseil ---
Je ne reviendrai pas sur les éléments techniques de ces contrats qui sont déjà développés dans le corps de la délibération. Je crois qu’il est important d’exprimer ici les incohérences et expliquer pourquoi nous sommes contraints aujourd’hui à proposer une signature du contrat qui vous est présenté.
Tout d’abord, il me semble qu’il faut rappeler que l’Association des Maires de France a justement souligné que la logique de ces contrats tend à faire supporter la réduction du déficit public essentiellement et injustement par les collectivités locales, alors que dans le même temps, l’État aggrave son déficit.
Le Comité des Finances Locales a d’ailleurs émis un avis négatif à l’unanimité de ses membres sur ce dispositif.
La soumission au contrôle du représentant de l’État de l’évolution du budget d’une collectivité constitue à l’évidence une profonde remise en cause de la libre administration des collectivités locales. Rappelons ici-même en Conseil de métropole que l’autonomie de gestion et de décision des élu.e.s du suffrage universel est une composante essentielle de la décentralisation.
De plus, bien qu’ayant contesté la méthode précédente de baisse des dotations, il fallait lui reconnaître la liberté laissée aux collectivités d’arbitrer dans l’ensemble de leur budget les éléments de réduction des dépenses. Dans la copie qui nous est proposée aujourd’hui, seuls sont ciblées les dépenses de fonctionnement. Il s’agit donc bien là de l’expression d’une vision politique, qui considère les dépenses de personnel et les subventions aux acteurs locaux comme une charge à contraindre, contrairement à l’investissement sur lequel aucune contrainte ne pèse. Un investissement public qui soutient aussi le secteur privé marchand. Nous sommes en désaccord profond avec cette vision tranchée et caricaturale de la dépense publique qui transparait de ces contrats.
Par ailleurs, cette façon de faire laisse apparaître une très grande méconnaissance des fonctionnements de nos collectivités. La seule prise en compte des dépenses et non des équilibres budgétaires conduira à sanctionner les collectivités allant chercher des financements extérieurs. Pour un Président appelant régulièrement les acteurs à se responsabiliser et à ne pas tout attendre de l’Etat, c’est un comble ! Cette contractualisation s’apparente à une « camisole financière », bridant toute initiative nouvelle et toute recherche de financements alternatifs par nos collectivités. Une camisole que le Président ne s’applique même pas à lui-même puisque l’on apprend que les dépenses de l’Elysée augmenteront du double de l’objectif fixé aux collectivités dès 2018 !
Enfin, alors que notre métropole a pris depuis de nombreuses années le chemin d’une mutualisation des services et des fonctions avec ses communes membres, décrit partout comme une pratique vertueuse en matière de gestion des collectivités, ces contrats refusent de prendre en compte cette spécificité et compteront par deux fois les effectifs mutualisés. Malgré nos demandes répétées et une soi-disant possibilité de négociation, il n’a pas été possible de faire prendre en compte cette particularité locale dans le calcul des objectifs à tenir dans le futur contrat.
Concernant le second engagement de ce contrat : l’incitation au désendettement, nous avons atteint des sommets dans le non-sens. Compte tenu de la réalité d’un endettement déjà très bas sur le budget principal (que nous venons de voir lors de la présentation du Compte Administratif 2017 – 3,4 années), nous avons demandé à poser un objectif de désendettement nul. Cela nous a été refusé. Ce sera un paradoxe de ce contrat absurde visant au désendettement national. Le respect des textes nous a conduit à afficher une trajectoire fictive de reprise de l’endettement pour les trois prochaines années !
Bien loin des discours affichés de réduction des déficits, notre proposition d’absence de nouvel endettement, accepté au niveau local par l’Etat, aura été retoqué à Paris. Alors que ce n’était pas le sens de notre première proposition, cela nous conduit aujourd’hui à proposer à la signature un contrat (validé à Paris) plus défavorable au déficit de la France !
Pour toutes ses raisons, nous pensons que ces contrats Macron sont une très mauvaise façon de coopérer, entre un état central et des collectivités locales. Ces contrats font porter l’effort de réduction des déficits publics sur un petit nombre de collectivité qui jouent pourtant un rôle moteur pour l’ensemble du territoire. Et nous pouvons souligner que les brestois.es subiront la double peine avec deux « contrats sur la tête » ! Un à la ville et un autre à la métropole.
Nous constatons aussi que l’écriture de ces contrats ne s’est nullement faite dans une logique de négociation prenant en compte la situation réelle de notre métropole, mais sous la contrainte directe d’une sanction financière. Au final du contrat, nous aboutissons à un objectif inverse de celui recherché au niveau national en matière de réduction des déficits. Nous sommes donc en désaccord profond avec la méthode et les objectifs posés.
La question qui nous est posée aujourd’hui n’est donc pas celle de l’adhésion au contenu d’un contrat fixé en totalité à Paris, mais sur la prise de risque financière d’une majoration de la sanction, en cas de non tenu des objectifs qui nous sont assignés. Il s’agit bien d’une prime à la signature proposée par le gouvernement pour laisser croire à une adhésion, plus que d’une démarche portant sens et vertus dans la gestion de nos collectivités.
Après de nombreuses discussions, il nous semble donc qu’une signature limitera l’impact coercitif de cette contractualisation. Malgré notre désaccord profond, dans l’intérêt des brestoises et des brestois, la façon de faire la moins impactante pour notre ville est de signer ce contrat.
Aussi, je vous propose Monsieur le Président, d’apposer la signature de la collectivité sur le contrat qui nous est transmis en annexe de la délibération.
Merci.
Texte de la délibération sur la signature du contrat Etat-Métropole