Président de la métropole et/ou Maire de Brest ?
lundi 17 juin 2019
Depuis 2014, aucune commune d’une métropole ne peut disposer de plus de la moitié des sièges au Conseil de métropole. Cette évolution anodine a conduit à des changements structurants sur Brest.
En effet, contrairement à beaucoup de métropoles, nous avons la particularité d’avoir une ville centre qui pèse 66,7% de la population, avec un peu moins de 140i000 habitants sur 209 000. Le poids de Brest dans la démographie de la métropole a conduit à ce que le Président soit bien souvent le Maire de Brest (sauf dans les premiers temps, avec des résultats parfois « mouvementés »).
Ce choix a permis une intégration rapide des compétences du bloc communal et une dynamique d’entrainement sur tout le pays de Brest, et même au-delà. Ainsi, bien que notre Communauté urbaine ait eu moins de 210 000 habitants, nous remplissions déjà en 2015 les exigences demandées pour passer au statut de métropole, quand beaucoup d’autres ont dû accélérer leurs mutualisations pour y prétendre. Enfin, nous avons su développer un réseau d’acteurs publics qui rayonnent bien au-delà de notre frontière métropolitaine et qui intéressent un territoire de coopération à 400 000 habitants : sur l’eau, les déchets, le tourisme, l’urbanisme, l’énergie, les pompes funèbres, etc.
On le voit, le cumul des fonctions de Maire et de Président aura permis cette cohérence et donc une efficacité dans la gestion du bloc communal (salué par un rapport de la Cour des comptes). La possibilité d’une différenciation entre Maire de Brest et Président de la métropole reste cependant possible. Pourquoi n’est-ce pas souhaitable ?
D’abord budgétairement cela serait étrange que le Président de la métropole ne soit pas le Maire de Brest. En effet, si la loi tord le cou à la proportionnalité de la représentation du Conseil, ce n’est pas le cas du budget. Une large majorité du budget de la métropole (et des projets qui vont avec) reste affectée sur le territoire de Brest. A la fois les projets en lien avec la proximité des 140 000 habitants, mais aussi du fait d’une logique de centralité (grands projets métropolitains). Tout comme les Maires autres que celui Brest demandent aujourd’hui à avoir leur mot à dire sur les budgets de la métropole affectés à leur territoire communal, l’inverse serait vrai. Il y a donc une logique que le Président de la métropole soit issu de la commune qui a les plus gros enjeux sur son territoire.
Ensuite, il s’agit de deux fonctions complémentaires dans les politiques menées, mais aussi (on l’oublie) dans les représentations. Un Maire agit sur des politiques de quotidienneté, de proximité, de solidarité. Des politiques avec une forte visibilité et un besoin de réactivité. Ainsi, les Maires sont les personnalités politiques les plus proches des citoyens. Au contraire, un Président de métropole doit gérer des politiques structurantes, sur le temps long, mais aussi la relation avec le reste du territoire. Il agit sur des politiques moins visibles, mais néanmoins essentielles pour l’attractivité du territoire. Couper le bloc communal en deux sur une métropole comme celle de Brest, déjà plus petite en taille et excentrée, cela serait se tirer une balle dans le pied. Tant en termes de visibilité que d’action publique vis-à-vis du reste des communes, le territoire de Brest a le plus grand besoin d’exister dans la compétition nationale instaurée par l’Etat et ses modes de financement par appels à projets. Le Maire de Brest est bien la personnalité qui incarne encore aujourd’hui le mieux un territoire.
Enfin, il y a l’indépassable facteur humain ! Croire que deux personnalités (souvent à forts égos, on n’arrive pas là tout à fait par hasard !) vont cohabiter indépendamment pendant 6 ans avec les mêmes Services, les mêmes Directeurs, le même Cabinet et avec une gestion mutualisée des personnels est juste un doux rêve ! Rendre autonome les deux fonctions est, d’une façon ou d’une autre, acter le risque d’un détricotage des mutualisations qui ont donné l’efficacité à notre modèle (souvent envié d’ailleurs). L’histoire de Brest a toujours été dans le sens de plus d’intégration, de mutualisation et de coopération territoriale. Cela a été notre histoire, c’est notre force, cela trace notre avenir. Aller dans l’autre sens serait un non-sens si l’on ambitionne un jour de construire ce territoire de coopération à 400 000 habitants à la pointe bretonne.
Mais certains ont le droit d’y penser. C’est probablement un discours électoraliste porteur, axé sur l’attente légitime sur le non cumul des mandats. Mais ce n’est pas le bon échelon. Oui au non cumul aux différents échelons territoriaux : Département, Région, Etat, Europe. Mais non à un affaiblissement volontaire du bloc communal. Notons toutefois que ceux qui réfléchissent aujourd’hui à défendre le non cumul des mandats de Maire et de Président … cumulent tous les deux leurs mandats dans leur commune et la métropole, avec un autre à la Région Bretagne !
La ville centre ne doit pas être une entité surpuissante et dominante dans le bloc communal. Un équilibre est nécessaire et souhaitable. Il peut être obtenu par d’autres moyens.
La sous-représentation de la commune de Brest au Conseil de métropole (1 élu pour 4 000 habitants, ce sera 1 pour 5 000 au prochain mandat) et la sur-représentation des autres communes (1 élu pour 2 000 habitants) qui leur accorde la moitié des voix en conseil, instaure déjà une capacité de contre-pouvoir face à la ville centre. Le Président n’est pas un décideur tout puissant avec une majorité assurée. Il est bien le chef d’un exécutif divers. S’il impulse les politiques, il ne peut s’affranchir des équilibres de son Conseil. C’est ainsi que cela a fonctionné depuis des années et c’est probablement la façon de faire la plus pertinente à notre taille de métropole.
L’intercommunalité a été pensée pour dépasser un échelon communal trop émietté, pas pour créer une fracture territoriale supplémentaire. Puisque la loi le permet, peut-être un jour aurons-nous un Maire de Brest qui ne sera plus Président de la métropole, mais il y a fort à penser que cela entrainerait sans le dire bien d’autres conséquences qu’il est difficile de prévoir aujourd’hui. Et ce n’est pas certain que cela renforce notre territoire de vie.