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Brice Hortefeux, le boutefeu du Président – Analyse de texte

L’été de la honte et de l’incertitude

Flickr blogcpolitic Le début de l’été fut largement dévolu à l’affaire Woerth-Bettencourt, son déballage sur le monde et les mœurs de l’hyper richesse et de ses connivences avec certains politiques. Le milieu de l’été sonna le retour en force du discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy et de ses portes-flingues, comme pour mieux étouffer ce qui n’aurait pas du être vu … quelques semaines plus tôt. La fin de l’été prend l’allure d’une gueule de bois face au ravage d’un discours que nous prenons trop à la légère, qui engage l’image de la France dans le reste du monde, mais aussi dans les esprits de nos concitoyens.

Il y a un principe en sociologie qui dit que l’être humain a besoin pour son équilibre, de savoir qu’il y a quelqu’un en dessous de lui, qu’il n’est pas « le dernier ». C’est vrai à tous les niveaux. Chacun cherche à ne pas s’estimer « en dessous de tout », souvent en trouvant une forme de démarcation singulière.

En remettant le couvert sur l’insécurité, l’immigration et les Roms dans le discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy n’a rien fait d’autre que d’utiliser ce principe pour calmer le mécontentement des français et tenter, encore une fois, de semer le trouble dans les esprits.

Cet été, la presse a mis en lumière que la France fonctionnait à deux vitesses, qu’il y avait bel et bien une caste cachée très au-dessus des autres et un fossé infranchissable entre les deux. Une caste « d'intouchables », mais à l’envers !

Cette vision est par nature inacceptable aux yeux des citoyens. Elle est révoltante tant l’écart est grand entre le vécu de ceux qui subissent la crise, et ceux qui finalement ont très largement tiré profit de la période qui l’a engendrée. Ceux-là même qui maintenant se retrouvent à l’abri, en laissant aux autres le soin de rétablir la situation. De plus, il a été aussi largement montré que le pouvoir en place travaillait plus pour le maintien de cette situation et de ces privilèges, que dans le sens du rétablissement d’un équilibre et pour une justice collective.

Qui dit faits révoltants, dit risque de révolte. Face à ces deux castes qui se sont implicitement constituées au gré de ces derniers évènements, Nicolas Sarkozy en a créé une troisième de toute pièce : celle de ceux à qui l’on peut retirer les droits ; celle de ceux qui seraient moins que les autres ; celle de ceux que nous pourrions mépriser pour passer notre rage et notre frustration de n’être que dans la classe moyenne et potentiellement, de ne jamais pouvoir en sortir (sauf par le bas … peut-être).

En lisant les propos du Président dans son discours de Grenoble, j’avoue avoir eu honte d’être de cette nouvelle France-là. Toutefois, je me disais que les français n’étaient pas comme cela et les réponses de tous bords dans la presse pour s’offusquer de la teneur des propos me rassuraient. Mais les français ne sont pas ceux qui s’expriment dans la presse et les sondages qui ont suivi ont montré qu’ils adhéraient largement aux propos tenus et ne voyaient, ni la dangerosité du dérapage ni forcément l’obscénité du calcul politique sous-jacent (même à gauche). Ils tombaient dans le piège.

Je ne crois toujours pas que les propos tenus cet été par Nicolas Sarkozy et sa garde rapprochée soient représentatifs de la droite républicaine française. Il s’agit là d’un discours qui enfreint les textes fondamentaux donnant sens à notre république et bâtissant le socle d’un vivre ensemble apaisé. Le discours de Grenoble est le produit d’un travail marketing, sur les failles et les faiblesses sociologiques de la société française, afin de reprendre la main dans une période où rien ne va plus pour le gouvernement.

L’histoire montre, quelques semaines plus tard, que son discours n’a finalement pas fait mouche sur la durée et qu’au contraire, il l’affaiblit encore une fois de plus dans l’opinion public français et international. Il nous avait promis la rupture, il n’est capable de produire que l’usure !

Depuis plusieurs mois, je me dis que le plus dur pour Nicolas Sarkozy ne sera pas de gagner 2012, mais sera de ne pas partir haïs par les français. Aujourd’hui, à moins de deux ans de l’échéance, le bilan du Président qui avait tant promis est quasiment un échec sur tous les fronts et l’image que l’actualité donne de lui est loin d’être flatteuse, tant sur ses façons de faire que sur sa relation au pouvoir.

Le vrai risque est là, maintenant. Aujourd’hui, l’attitude du Président s’apparente à celle d’un animal traqué, près à tout pour s’en sortir. N’arrivant pas à faire ce sur quoi il s’était engagé, le Président peut choisir d’aller vers une forme de radicalisation, en déconstruisant par morceau le socle de notre république, sous couvert de faire de nouvelles réformes attendues par la population. Face à un peuple qui souffre de la crise et d’une perspective difficile, autant sur le plan économique que social ou environnemental, c’est une option jouable sur le plan d’une stratégie personnelle, mais cela serait une stratégie catastrophique pour la France et peut-être même bien au-delà.

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