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Radicalisation

Faut-il taxer la consommation pour sauver l'emploi ?

Caddies Jeudi dernier, le Monde posait la question : « Faut-il taxer la consommation pour sauver l’emploi ? » Le temps d’une chronique, il serait intéressant d’oser se projeter pour voir les grandes lignes qui se dessinent à l’horizon.

Dans quel monde vivons-nous ? Un monde où les équilibres historiques qui ont structuré les rapports de force entre nations, entre grandes masses de population sont en train d’évoluer significativement.

Cette année, nous avons pu découvrir que la Chine possédait des trains à grande vitesse capable de rivaliser avec notre TGV national, qu’elle disposait du second ordinateur le plus rapide du monde après celui des Etats Unis, etc … Si toutes ces annonces sont pour partie anecdotiques, elles ne sont pas pour autant anodines. Sur toutes les technologies, la Chine rivalise avec celles des « pays développés. »

Les ex-pays en voie de développement montent en gamme. Certes, ils ont encore une part de retard historique à combler, mais ils ont su mettre en place une stratégie offensive concrète. Ils développent massivement des cursus de formations de haut niveau. De plus, ils exigent des transferts de techno, soit en obligeant les usines à s’implanter chez eux, soit en mettant des compensations commerciales directes sur les appels d’offres internationaux qu’ils lancent. Cette stratégie porte ses fruits sur le moyen terme. 

Ces dernières décennies, l’équilibre commercial entre pays développés et pays en développement s’était fait sur la base d’un commerce de technologies, vendues chers, contre des produits de grande consommation, low-cost. Globalement, l’équilibre se structurait entre le haut de gamme à larges marges vendu aux pays en développement sur la base de technos qu’ils ne possédaient pas, contre des produits low-cost de grande consommation, produits avec des salaires bas qu’il n’était plus possible d’avoir dans nos pays développés.

Mais ce monde est pour partie déjà révolu. On le voit avec l’exemple de la Chine, les pays en développement accèdent au high-tech. Dans quelques années, ils risquent d’avoir leur propre production, tout en continuant à disposer massivement d’une production d’entrée de gamme attractive.

Face à cela, la stratégie des pays développés est … pour le moins figée. Nous semblons plus subir cet état de fait et nous n’anticipons pas.

Il est probable que ces ex-pays en développement préféreront un jour tout produire chez eux et achèteront de fait moins chez nous (d’autant que nos salaires resteront plus élevés par rapport aux leur, pour encore quelques temps). Sauf pour des produits de niches, nos ventes à l’export risquent d’en souffrir fortement … et nos emplois avec.

Que risque-t-il de se passer ? Le premier scénario est le scénario catastrophe, celui où nous restons sur notre modèle passé : les ex-pays développés n’arrivant plus à vendre à l’export, mais continuant toujours à acheter à l’export pour profiter des produits low-cost vont s’appauvrir. Ce cercle vicieux conduirait fatalement à une spirale engendrant chômage et difficultés économiques croissantes. Le second scénario (qui apparait plus souhaitable) est que les pays développés réagiront collectivement en rééquilibrant artificiellement les échanges, pour éviter la paupérisation de leurs économies et la spirale du chômage pour leur population.

Dans un monde largement basés sur le modèle compétitif, une des réactions risque d’être de se mettre à égalité en se réappropriant l’ensemble de la gamme, du low-cost au high-tech, mais à notre façon. Il est peu vraisemblable que cela se fasse par une baisse des salaires afin d’arriver à ceux des ex-pays en développement (tension sociale non acceptable dans nos pays aujourd’hui). Cela se fera donc par une hausse du prix des biens de grande consommation, générée par des nouvelles formes de protectionnisme.

Sans le vouloir, la taxe carbone a fait tomber un tabou économique fort, l’idée de ne plus seulement taxer un bien sur sa fonction ou son usage, mais à partir d’un élément constitutif de sa production : la quantité de carbone générée. Il est probable que la notion de « qualité sociale » de la production puisse émerger ensuite plus facilement. Cela donnera alors aux législateurs deux outils pour valoriser une production d’entrée de gamme, réalisée dans nos pays développés. Sans être du « protectionnisme pur » il s’agira plutôt d’une règle de « libre concurrence juste », intégrant des paramètres au-delà du seul prix de vente.

Alors à la question : « Faut-il taxer la consommation pour sauver l’emploi ? », je crains que cela ne fasse pas tant débat que cela. Le mythe de la consommation à tout va est fini. La vraie question est celle des nouveaux outils pour rééquilibrer les échanges commerciaux et éviter les pertes d’emplois au-delà d’un seuil où il sera réellement difficile de s’en sortir. Mais pour cela, il faut que les pays développés aient une vraie stratégie et pas seulement celle qui leur a permis de prospérer et de gagner en compétitivité sur le dos d’autres.

Chronique écrite pour les Chroniques des abonnés du Monde ici.

Image : orangemaniac, "French cancan de paniers".

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