Marie GUEYE, candidate à Recouvrance
Politique : les conflits d’usages

Le journalisme bisounours du Télégramme !

Marine Aubry Samedi, je suis tombé par hasard sur l’éditorial d’Hubert Coudurier : « Le projet bisounours d’Aubry ». Ayant lu l’interview de martine Aubry dans le Monde quelques jours auparavant, j’ai été un peu étonné du propos de ce Point de vue, pour le moins caricatural. Etant abonné du Télégramme, je me suis donc fendu d’un commentaire un peu critique sur le site du dit journal. A aujourd’hui, le commentaire en question n’a pas été affiché, bien qu’il ne relevait en rien de caractères injurieux. Par contre, figurent en bonnes places quatre autres commentaires qui vont dans le sens du propos de l’édito.

Je pense que je n’aurai pas fait de commentaire si, ce weekend, je n’avais pas été choqué (comme beaucoup d’autres) par l’annonce du sondage sur le FN, arrivant en tête au premier tour des élections présidentielles. Mais les faits sont là (conforté ce soir ici), nos concitoyens finissent par adhérer, doucement mais surement, aux appels du FN. Certains diront que c’est de la faute du politique et de la médiocrité des propositions et ils n’auront pas tout à fait tord là-dessus, je crois à l’exigence vis-à-vis du politique. Mais le pouvoir politique n’est surement pas que le seul maillon dans ce système, le quatrième pouvoir, les médias, jouent un rôle déterminant dans le fonctionnement politique d’un pays.

Deux points me semblent choquants dans l’édito en question qui sont aussi symptomatiques d’un journalisme actuel.

D’abord, le fait politique n’y est pas abordé sous un angle politique, mais de commentateur sportif. La place des idées est réduite à la conclusion et les deux tiers du propos commentent les stratégies de placement et de rivalités politiques, à la façon d’un tour de France ou d’une coupe du monde. Que la politique soit un haut lieu de la compétition entre personnalité, ce n’est pas un scoop, c’est le cœur opératoire de notre démocratie et de son fonctionnement par l’élection. La règle est celle du « Que le meilleur gagne ! », au travers du suffrage universel. Quelles vertus y a-t-il donc à commenter le back-office politique (si ce n’est à jouer à faire du people). Les guéguerres n’ont rien d’honteuses, elles sont le mode opératoire voulue par le système démocratique pour faire émerger les meilleurs. Par contre, si se focaliser sur le back-office favorise les ventes, cela empêche de rendre lisible le front office, c'est-à-dire le débat d’idées.

Le second point est sur ce débat d’idées. On peut ne pas être d’accord avec la position d’Aubry, mais tomber dans la caricature pour les moins de trois ans : "les bisounours, ne sert ni le débat politique, ni la démocratie. Etre sans arrêt sur de la déconstruction du propos politique, sans propositions critiques constructives alternatives empêche toute perspective politique. Or, c’est la base d’un projet de société que de pouvoir se projeter, adhérer et ensuite agir collectivement dans un sens donné. Si toute phrase est méticuleusement ridiculisée, sans autres perspectives, les citoyens ne pourront jamais se positionner sur un projet collectif.

Ainsi, le fait de vouloir mettre « du sens, de l’éthique et de la vérité » en politique apparait comme une idée has been dans l’édito, au profit d’un propos fort responsable « le projet socialiste peine à accepter l’étroitesse des marges de manœuvre » : entendez « Mes amis, la messe est dite, on ne peut rien faire ! » Avec de telles perspectives politiques, on comprend mieux que l’ambitieux programme du FN cartonne !

L’éthique est au cœur du sujet et la gauche à là-dessus une réelle longueur d’avance sur la droite au pouvoir. Pour ceux qui en doutent, comparez le gouvernement Jospin aux 10 remaniements des gouvernements Fillon. Combien d’affaires dans l’un et l’autre ! Qu’on le veuille ou non, nous n’aurons pas de capacité de réforme à la hauteur des enjeux, sans une exigence d’éthique. Ce n’est pas une cerise optionnelle sur le gâteau, c’est un pré-requis à tout projet politique. Personne ne consentira à faire un effort sans règle juste. Les PDG qui ont réduit leur salaire pour demander un effort à leurs salariés et redresser leur entreprise l’avaient bien compris. C’est une règle basique de management.

Enfin, sur les marges de manœuvre, il est faux de dire que nous n’en avons pas. Il est surement vrai de dire que certains n’ont pas l’ambition d’en avoir, mais un projet collectif peut tout s’il est porté par des ambitions et une vision construite du futur. Je ne crois pas à la résignation, sinon autant arrêter tout de suite, vu ce qui nous attend dans ce XXIème siècle. Nous avons surmonté des moments bien pire, mais jamais sans volonté.

Voilà ce que j’avais à dire. Je suis surement un peu dur dans mon propos sur la base d’un seul édito, mais je crois dans l’exigence réciproque. J’enfreins surement là une règle qui est, pour un homme politique, de ne pas critiquer un journaliste. Mais sincèrement, je ne crois pas que cette règle soit bonne. Respectons-nous, critiquons-nous de manière constructive, de manière à élever le débat ensemble, car nous sommes chacun un des bouts de l’équilibre du pouvoir démocratique. Mais ne laissons pas l’un ou l’autre tomber dans la facilité qui mènerait la démocratie vers des heures bien sombres.

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