Notre civilisation va-t-elle s'effondrer ?
jeudi 14 février 2013
Grace à internet, quasiment plus aucune de nos questions ne restent sans réponse. Grace aux réseaux sociaux, l’information nous arrive en temps réel d’un bout à l’autre de la planète. Grace à nos moyens de transport modernes, nous pouvons être demain à Paris ou à New York en seulement quelques heures. Grace à la médecine moderne, nous greffons des cœurs et produisons des bébés avec des éprouvettes. Grace à des petits écrans tenant dans une poche, nous pouvons voir et discuter avec presque n’importe qui dans le monde, quand nous le voulons.
Don d’ubiquité et omniscience, capacité à produire du vivant et à le réparer, repoussant ainsi les limites de la mort, serions-nous devenus des Dieux ?
Un article du Monde de dimanche dernier nous invite à plus de retenue : Notre civilisation pourrait-elle s’effondrer ? Personne ne veut y croire. De plus en plus de scientifiques pensent que notre civilisation est sur le chemin de l’effondrement, mais n’osent le dire de peur de passer pour des cassandres. « Erosion rapide de la biodiversité ; exploitation irraisonnée des océans ; destruction accélérée des insectes pollinisateurs, qui assurent la reproduction de 80 % du règne végétal ; épuisement des sols et des eaux souterraines ; formation de vastes zones mortes dans les océans, à l'embouchure des grands fleuves qui charrient les effluents agricoles. Avec, surplombant et déterminant partiellement le tout, deux phénomènes globaux liés à nos émissions de gaz à effet de serre : le réchauffement climatique et l'acidification des océans. L'humanité a donc devant elle un certain nombre de difficultés... […] La prestigieuse revue Nature a par exemple publié, au printemps 2012, deux vastes synthèses de la littérature scientifique, menées collectivement par une quarantaine de spécialistes du fonctionnement des écosystèmes. Leurs conclusions sont glaçantes : non seulement l'ensemble de la biosphère terrestre connaîtra une "bascule abrupte et irréversible" dans les prochaines décennies, du fait des transformations apportées par l'homme à l'environnement, mais les services rendus aux économies par ce dernier vont perdre en efficacité du fait de l'érosion de la biodiversité. […] Probablement trop déprimantes, ces deux synthèses de la littérature, résumant le savoir accumulé par des centaines d'études, ont été relativement ignorées par les médias. Elles sont passées inaperçues. A peu près autant que l'avis commun rendu en juin 2012 par les 106 académies des sciences, intitulé "Population et consommation" et qui, en termes prudents, n'en valide pas moins les inquiétudes anciennes de Paul Ehrlich. "Les accroissements simultanés de la population et de la consommation non durable font que le monde se trouve face à deux de ses plus grands défis, assurent les académies des sciences. La population mondiale est de 7 milliards d'habitants, et la plupart des projections indiquent qu'elle sera de 7 à 11 milliards en 2050, sachant que l'accroissement de la population se fera surtout dans les régions à faible revenu. Globalement, les niveaux de consommation sont à un niveau jamais atteint, largement en raison de la forte consommation par individu dans les pays développés."
En nous plongeant dans le déni d’une situation où nous mettons en danger les fondations mêmes de notre développement, nous nous enfonçons nous-même dans un piège dont les parois abruptes nous condamnent un peu plus chaque jour à ne plus pouvoir en ressortir. En tournant la tête aux alertes régulières qui nous sont envoyées par les scientifiques, nous profitons encore pour quelques temps d’une rente toxique qui détruit la promesse d’un futur meilleur, une sorte d’addiction mortifère.
Cette technologie qui nous entoure développe en nous une névrose, un complexe de supériorité qui nous éloigne d’une réalité moins reluisante. Nous devenons les fossoyeurs de notre propre civilisation. Nous pouvons nous en sortir, mais il faut se réveiller et nous mobiliser ensemble, afin de dessiner un horizon plus prometteur.
Photo : André Fromont sur Flickr : Un monde parfait