Communiqué suite à l'article sur les « sentinelles » du centre-ville.
Repenser la gauche, face aux deux droites

Repenser la gauche

Au lendemain de l’élection européenne, on voudrait nous faire croire que le résultat de dimanche en France est une révolution du FN. Il n’en est rien et au lieu de se focaliser sur l’extrême droite, nous ferions mieux de nous lancer dans une introspection plus profonde des causes de notre décrochage.

A Brest par exemple, malgré des pourcentages historiquement haut pour le FN à cette dernière élection, le FN n’a pas obtenu plus de voix qu’à la présidentielle, loin s’en faut(1). Il est d’ailleurs très loin derrière la gauche consolidée(2), qui devrait être la base de l’analyse dans une élection à la proportionnelle, ou par nature, chaque parti se présente.

Au-delà de son socle idéologique, le FN n’est pas un parti comme les autres. Ce n’est pas un parti aux responsabilités, il ne déçoit pas par son action puisqu’il ne se situe que dans la critique du pouvoir en place, une critique populiste qui plus est. A l’inverse on le voit, les autres partis tanguent du fait de leur exercice du pouvoir dans un contexte difficile au niveau national. Le FN dispose donc d’un socle de voix plus stable dans le temps, l’abstention travaille moins sur leurs résultats électoraux. Le score du FN joue donc au yoyo pas tant de son fait, que de celui des partis de gouvernement.

 

Il faut stopper cette dramatisation des résultats qui tente maladroitement de masquer un vide de la pensée de gauche et qui nous fait basculer peu à peu dans des logiques de rejet de l’autre et de fragmentation du corps social. Non, les abstentionnistes ne sont pas de mauvais citoyens. Non, les électeurs du FN ne sont pas tous des fachos. C’est un raisonnement trop facile. Tomber dans ce piège, c’est reprendre les mécaniques de l’extrême droite et faire de l’autre, la réponse aux problèmes, au lieu de les regarder en face. Ce que fait le FN avec l’étranger, nous ne devons pas le faire avec des citoyens dont les expressions heurtent nos valeurs, nous insécurisent, mais qui ne sont pas moins légitimes que les nôtres dans le système démocratique.

Par ailleurs, le résultat d’hier était attendu. Cette campagne a été médiocre (pour rester gentil !) Y compris au sein des partis la motivation n’y était pas. Il ne fallait pas s’attendre à ce que les électeurs sautent sur les urnes.

La communication sur l’Europe entre les élections n’est pas au niveau. La désignation de nos candidats a plus démotivée que mobilisée. Le projet européen est toujours beau dans les discours et sur le papier, mais il n’est pas incarné positivement dans le vécu des citoyens. Enfin, et c’est ce que témoigne le grand virage de nombreux pays d’Europe vers les partis eurosceptiques, l’Europe n’a pas convaincu : trop administrative, trop libérale, l’Europe est collectivement vu comme un risque social et non une opportunité par les peuples qui la constituent.

L’Europe ne peut se construire sur le seul motif d’éviter les guerres passées et d’asseoir une puissance économique par une monnaie, elle a besoin de sens : une orientation qui soit comprise et qui se traduise concrètement dans la vie des citoyens.

Au moment où le Politique est tant critiqué de toutes parts, notons au passage que c’est pour partie le manque de politisation du projet européen qui en fait sa plus grande fragilité aujourd’hui. Laisser l’administration à la tête de l’Europe, pilotée par des états qui continuent de jouer le « I want my money back », au lieu de construire un vrai projet collectif et l’on arrive là où l’on en est aujourd’hui : un repli des nations, une aspiration à une réduction de voilure sur l’ambition européenne. Comme les partis dominants restent sourds à ce discours, c’est par les extrêmes que le vote trouve un exutoire à son expression, mais il ne faut pas se tromper d’interprétation.

Le message envoyé dimanche par les jeunes ou les ouvriers est un message pour casser l’oublie de ces populations et de leurs préoccupations bien légitimes. C’est la peur de l’avenir, la peur du déclassement, la peur de ne pas transmettre à ses enfants dans une société où les inégalités sont posées de plus en plus comme une règle du jeu économique acceptable. Il s’agit d’un message de révolte face à l’absence de prise en compte d’une réalité qui ne trouve pas d’écho dans les politiques actuelles. Le sentiment d’impuissance mène à la colère dit-on. Elle s’est à nouveau exprimée dimanche.

Ce n’est pas en perdant notre temps à taper sur le FN que nous trouverons des réponses, mais bien en repensant l’apport de la gauche dans ce présent qui est le nôtre.

(1) Sur Brest, le FN obtient 4807 voix aux européennes de 2014 quand il totalisait 7656 à la présidentielle de 2012.

(2) Sur Brest, le pourcentage consolidé des voix de gauche aux européennes est de 43,8% (PS, EELV, PC, Front de gauche et Nouvelle donne), loin devant les 14,5% du FN.

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