Le prix de la gratuité
vendredi 22 février 2008
Le débat sur la gratuité de certains services se relance au travers de la campagne. C’est toujours un sujet difficile car fondamentalement, il part d’une bonne intention, c'est-à-dire l’accès à tous à un service. Cela dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions et il faut se méfier des recettes toutes faites sur le sujet.
Par nature, chaque service à un coût. La question est donc de savoir si c’est à l’ensemble de la collectivité d’en porter le coût global, quelque soit l’usage que chacun en fait, ou alors si c’est à l’utilisateur, à l’usager d’en payer le prix (ou une partie du prix).
Dans le cas de la gratuité, la totalité du coût est portée par un collectif, sans rapport avec l’utilisation qu’il en fait. Si cela a des effets positifs immédiats sur les populations fragiles financièrement, cela a aussi des effets induits sur les populations solvables (statistiquement plus nombreuses sur l’ensemble de la population).
Donc, lorsque la collectivité finance la gratuité sur un service, le financement part en majorité vers des populations qui auraient les moyens de se payer ce service, contrairement à l’action sociale d’une collectivité qui cible ses financements en fonction des besoins réels de populations fragiles. La gratuité est donc une clé de distribution automatique de financements publics, en fonction d’un usage particulier.
Le second défaut de la gratuité est que l’usage d’un service n’est pas nécessairement exclusif aux contribuables d’un territoire. La gratuité revient donc à faire payer les habitants d’un territoire donné (impôts), pour des usagers qui n’appartiennent pas à ce territoire, mais qui utiliseront le service. C’est d’autant plus vrai sur les « villes-centre » qui servent de locomotive à l’ensemble d’un territoire bien plus large de communes.
Le troisième défaut de la gratuité est qu’il induit un mécanisme psychologique collectif de perte de la valeur sur un service. C’est extrêmement marqué avec la santé : on perd la valeur des dépenses de santé remboursée par la sécurité sociale et les mutuelles, mais par contre, on nous rabâche journellement le poids des charges sociales que nous payons sur les salaires. Si la mutualisation des financements sur une politique telle que la santé est bien-sur une excellente chose, on le voit aujourd’hui, la dé-corrélation du coût de l’acte médical avec le prix à payer en prélèvement a largement participé à la fragilisation de tout le système.
La gratuité n’est donc jamais gratuite ! ! En dehors d’un affichage de campagne bon-enfant, la vrai question qu’il faut se poser reste la même : celle du bon usage de l’argent public en fonction des politiques que l’on développe, mais aussi celle des effets induits dans le temps, qui peuvent s’avérer parfois contre-productifs par rapport aux effets escomptés initialement.