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Dialogue de sourds avec RTE

RTE Il y a quelques jours, j’ai rencontré le Directeur régional de RTE avec d’autres élus de BMO. Il s’agissait d’une rencontre, suite à une sollicitation de leur part, pour nous expliquer la situation bretonne sur l’alimentation électrique. Ayant participé au B15 Energie il y a un an, je ne partais pas de zéro en la matière. Au bilan, un dialogue de sourds entre acteurs qui ne se comprennent plus.

La position de RTE est claire et n’a étonnamment pas variée depuis l’an passé. J’ai retrouvé, quasi mot pour mot, la présentation que RTE avait faite en début de travail du B15. Une présentation synthétique des problèmes qu’ils rencontrent pour soutenir les pointes d’appels de courant sur la Bretagne, quelques jours par an. Le problème ne vient pas de cet état de fait, mais de la façon dont RTE présente le problème, puis y répond.

 

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D’abord sur la forme du problème posé, tout est fait pour simplifier l’aspect technique et décupler le caractère anxiogène de la situation, parfois de façon quasi comique, avec des grands graphiques de Manhattans rouge flashy qui montent au ciel, au cas où les élus n’auraient pas perçu le caractère désespéré de la situation ! Ensuite, quelques petits mensonges, égrenés insidieusement au fil de la discussion comme : « compte tenu de l’augmentation de la demande, il ne sera plus possible techniquement de l’amener par des réseaux » … ce qui est évidemment faux, il suffirait de construire une ligne supplémentaire. Idem sur l’efficacité réelle de l’effacement diffus sur les pointes de consommation. Enfin, le caractère infantilisant de l’échange qui grosso modo se décline comme suit : « vous (élus) avez un problème pour alimenter votre territoire. Nous (RTE, EDF & Co) avons le savoir et les solutions pour vous … faites nous confiance et allez nous aider à convaincre les citoyens du bien-fondé de notre discours ». Evidemment, pour des personnes qui n’y connaitraient rien, la technique de com. est infaillible, mais face à des personnes un peu au courant, cela passe mal comme discours.

Pour ce qui est des solutions mises sur la table par RTE, elles restent aussi inchangées : la consommation d’électricité augmente de façon inexorable en Bretagne, la consommation de pointe deux fois plus vite encore, conclusion : il faut construire rapidement des éléments de production de pointe, si l’on ne veut pas que la Bretagne effondre le réseau. Energies renouvelables ou économies d’énergies sont balayés du revers de la main comme actions insignifiantes face au problème et par ailleurs, déjà intégrées dans leurs savants calculs. Quand aux projections post Grenelles de l’environnement où la production d’électricité était affichée comme quasi stable jusqu’en 2020 … cela apparait comme de la science-fiction, issue de cerveaux surement trop créatifs des ministères ! En résumé, il faut des unités supplémentaires, pour une production lors des pointes.

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La position de la collectivité que nous sommes est aussi limpide et n’a pas varié non plus. Nous sommes les élus d’une population de plus en plus soucieuse des problèmes environnementaux (les européennes et les régionales ont envoyé des signaux forts sur le sujet). Sur le plan énergétique, nos collectivités se sont engagées depuis maintenant plusieurs années dans des plans d’économie d’énergie, tant sur les consommations propres de la collectivité que sur celles de ses habitants. Dans le cadre des agendas 21 locaux, nombre d’entre nous se sont aussi engagées dans des plans climats territoriaux visant autant à réduire les émissions de GES qu’à préserver les ressources non renouvelables. Enfin, au regard de ces ambitions, nous nous sommes dotés de services techniques en charge de répondre à ce type d’enjeux et donc capable de développer une véritable expertise sur l’énergie et tous les enjeux liés.

Face à RTE qui n’apporte qu’une réponse court terme, via une production supplémentaire d’électricité dans une France déjà en surcapacité (quand bien même cette production ne serait qu’en pointe), sans aucune prospective dans le temps à l’horizon 2020 et sans aucune vision de la répartition nationale, notre attitude ne peut être que méfiante et donc peu encline à l’action.

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Les problèmes posés par RTE sont réels et surement que l’anxiété qu’ils affichent trahie autant une volonté de convaincre (maladroite, c’est certain) qu’une anxiété interne face à un problème dont ils ont la responsabilité. En effet, si un jour le réseau s’effondre, c’est bien d’abord vers eux que les pouvoirs publics se tourneront pour demander des comptes et certaines têtes pourraient risquer de passer sur le billot, en cas d’incident important !

Pour autant, ce que RTE n’a pas compris, c’est de quoi les élus avaient le plus peurs. En effet, il est probable que les élus aient aujourd’hui moins peur d’un effondrement du réseau, dont nous seront tous responsables (Etat, Collectivités, RTE, consommateurs, etc…) , que d’être accusés de ne rien faire sur la question du changement climatique. La différence entre les enjeux et la pression populaire, médiatique et politique pour y répondre façonne durablement le rapport de force entre un risque de coupure de courant de quelques heures et l’engagement d’une catastrophe climatique pour les générations futures, si rien n’est fait.

Cela étant dit, la question est-elle perdue d’avance pour RTE ? Je ne le crois pas et il ne le faut pas d’ailleurs, car l’aménagement du territoire sur le plan énergétique reste évidemment un enjeu important. Pour autant, il faut que RTE et plus largement les grands énergéticiens et l’Etat qui en a aujourd’hui la compétence, changent radicalement de façon de faire.

Premièrement, il faut acter que la compétence technique énergétique est plus partagée qu’avant. RTE ne peut plus arriver en croyant avoir des béotiens en face, qui souhaitent boire leurs bonnes paroles. Les différents acteurs, tant associatifs que politiques ont acquis un bagage technique qui leur permet de saisir les grands enjeux et de comprendre quand on leur raconte des histoires ou quand on les prend pour des gens sérieux. Arrêtons les approches anxiogènes, simplistes, voire borderline au regard de la vérité technique et cherchons des consensus sur la base d’une compréhension partagée et globale du problème.

Deuxièmement, nous nous situons dans une période charnière sur le plan des énergies non renouvelables. Il y a l’Avant, où la croissance continue de la consommation (et de la production) était le seul paradigme au futur énergétique. Il y a l’Après, avec des engagements à 2020, puis à 2050 vers une réduction d’un facteur 4 de nos consommations. Aujourd’hui, les élus sont dans l’Après, quand EDF est encore dans l’Avant (Cf. entretien de M. Matheu, directeur d’étude à la direction stratégie groupe d’EDF, qui prédit « une hausse d’un peu moins de 10% de la consommation dans les 10 ans à venir », dans le supplément Développement durable du Monde du 8 avril dernier [ici]). Face à ce constat, l’Etat doit : soit contraindre EDF à rentrer dans la logique définie par les Grenelles, soit y renoncer et redéfinir les objectifs nationaux à 2020 et 2050. Après, il est impératif que EDF et RTE définissent ensemble une perspective cohérente au regard de ces objectifs, tant sur l’évolution nécessaire des consommations que sur les productions pour y répondre. Aujourd’hui, il n’existe aucun document prospectif pour appuyer qu’une construction de centrale en Bretagne rentre bien dans le cadre d’un scénario national répondant aux objectifs à 2020. En l’absence de ce type de document, la gestion d’un débat public est impossible, tant pour RTE que pour les collectivités. Nous resterons dans une posture de décisions étatiques fortement critiquées ou pire, dans un blocage d’ensemble (Cf cas de Ploufragan).

Troisièmement, un vrai travail doit être fait pour repenser les outils autour de ces questions et non plus seulement penser les réponses qu’en terme de productions supplémentaires. Les efforts sur les économies d’énergies, l’effacement diffus et même la grille tarifaire pour les pointes par exemple doivent être rapidement regardés. La politique sur les énergies renouvelables semble aussi bien maigre au regard des ambitions portées par nos plus proches voisins (All et UK). Nous restons avant tout un pays guidé par une stratégie nucléaire aveuglante pour tout le reste. C’est très dommage.

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Pour conclure, la Bretagne a besoin de renforcer son potentiel de production d’électricité et pas seulement que sur les pointes comme voudrait le laisser croire RTE. Le développement des productions de pointe est en effet inéluctable, car complémentaires aux énergies renouvelables presque toujours liées à des paramètres météorologiques fluctuant et non contrôlables (température, vent, soleil). Pour autant, un vrai débat doit s’instaurer sur la question de l’alimentation électrique de la Bretagne, fondé sur une confiance réciproque et une gestion intégrée cohérente globale. Si l’état doit garder sa compétence nationale sur la question de la cohérence d’ensemble (entre régions et frontalière), la subsidiarité doit pouvoir jouer son rôle dès que c’est possible pour aménager les territoires. De vrais partenariats pourront ainsi se construire entre RTE et les collectivités.

C’est à ce prix que nous remplirons les objectifs à 2020 et 2050. C’est aussi à ce prix que les dirigeants de RTE passeront de meilleures nuits en Bretagne !

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