Quelques explications sur l’assignation
Deux contrevérités et un aveu du maire

Réponses aux réactions des deux articles de juin

Réponses aux réactionsPour faire suite à ma précédente note (ici) qui décrivait l'action en justice que j'ai engagé, je souhaite poursuivre par deux notes qui répondent aux réactions induites. En effet, les deux articles du Ouest-France et du Télégramme donnent (logiquement) aussi la parole aux principales personnes concernées. La lecture de ces réactions est plutôt instructive sur l'état d'esprit qui se met en place à l'intérieur d'un parti politique. Aussi, je me permets de faire quelques observations en réponses, afin d’alimenter la réflexion.

-/-

La première réaction intéressante à observer est sur la motivation de mon action. Il est objecté dans l’article du Télégramme par le maire que je serais « animé par un ressentiment inimaginable de ne pas être devenu maire de Brest » !

Ainsi, je serai mû par un « ressentiment I-NI-MA-GI-NABLE » ! Peut-être conviendrait-il de m’enfermer, de me « ficher S » ? Serais-je devenu un danger public ? L’échec à cette désignation m'aurait-elle rendu fou ? On peut le croire en lisant ce propos du maire.

Eh bien non, je ne suis pas devenu fou, n'en déplaise à certains. Comme d’autres personnes ayant choisi le même chemin que moi, refusant l’inacceptable, je peux même témoigner que ma santé mentale s'est significativement améliorée depuis que j'ai rompu avec certaines pratiques toxiques qui existent dans les partis politiques aujourd'hui (et je ne parle pas là d'un parti en particulier).

Il est toujours amusant de voir comment les personnes mises en défaut d'une règle, d'un comportement, d’un acte, commencent par produire des jugements disqualifiant sur ceux qui en ont été victimes, plutôt que d'apporter des éléments de preuve vis-à-vis de propos soi-disant mensongers. Chercher à décrédibiliser leur contradicteur, chercher à retourner la preuve de la faute, semble être devenu le seul mode de réponse de ceux qui, profitant d’un statut public, se croient au-dessus des règles, des lois ou simplement des faits.

Au-delà de la folie que pointe le terme « inimaginable », on m'oppose du ressentiment, de la rancœur, engendrée par des irrégularités et des tromperies à mon encontre. Eh bien oui, je l’avoue, je suis humain. Je suis fait de chair et de sang, mais aussi d’émotions et sentiments. Je n’éprouve aucune gratitude pour ceux qui ont organisé sciemment tout cela. Comme toute personne trompée, comme toute personne trahie par des proches, avec qui j’ai partagé une longue histoire que je croyais sincère, j’ai ressenti de la tristesse, de la déception et aussi de la rancœur lorsque tout cela est arrivé. Mais le ressentiment devient un poison lorsqu’il s'installe et empêche de poursuivre. Je ne crois pas souffrir de ce mal et ce n'est en aucun cas ce qui conduit mon action aujourd'hui. L'action que j'ai engagée ne vise d’ailleurs pas à trouver des coupables, mais à rendre visible ce que certains voudraient cacher dans les arrière-cuisines des partis politiques. Faire prendre conscience des mécanismes qui minent notre démocratie, pour engendrer des réactions institutionnelles saines et salutaires, tel est mon objectif politique aujourd’hui. Les bons sentiments, comme les mauvais, resteront au vestiaire.

Dans cette affaire, les seules choses « inimaginables » sont celles que l’on a caché, à moi comme aux autres militants sincères et aux citoyens en général. En matière d’actions politiques et publiques, il est bien de savoir répondre de ses actes. Pour certains, devant un juge est le bon endroit, puisque la vérité ne s’exprime pas d'elle-même. C’est la base de l’éthique et d’une probité réelle, pas seulement affichée.

-/-

Second point, concernant l’interdiction statutaire de faire un quatrième mandat pour un maire, il est juste objecté dans l'article que c’est la première fois que cette règle est utilisée et que d’autres maires en France ont fait pareil. Comme argumentation politique, on repassera ... c'est un peu du niveau cours de récréation, comme système de défense !

A entendre cette objection, je me demande si ces brillants élus ne proposeront pas, lors d’un prochain congrès du Parti socialiste, de mettre en préambule des statuts la fameuse phrase de Jacques Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. » Au moins, cela apporterait un peu de sincérité sur l’application qu’ils imaginent, des articles qui suivent.

Cela étant dit et puisque je semble être le premier (d'après eux) à m’élever contre le contournement de la règle que le Parti socialiste s'est lui-même fixé sur le non-cumul des mandats dans le temps, je suis heureux d’innover en la matière ! L'histoire de la gauche n'a jamais été écrite par ceux qui se cachent derrière une étiquette pour mieux contourner dans l’ombre les idées affichées, mais grâce à ceux qui se sont battus pour mettre en application les idées progressistes. Je crains que le non-cumul en soit une essentielle !

-/-

Troisième point concernant le fait que l’un des deux candidats ait pu ne pas être à jour de ses cotisations, le contre-argumentaire exprimé dans l'article se fait à deux voix.

Avec une certaine habileté oratoire, François Cuillandre ne contredit pas mon propos, il répond juste : « J’ai fait ma déclaration d’impôts la semaine dernière. De mémoire, je déclare 5 800 € de cotisations au PS ! » A priori, il ne ment pas (enfin, je l'imagine). La somme qu’il dit avoir déclaré pour ses cotisations d’élus en 2021 correspond peu ou prou aux 8% des indemnités d’élu que l’on retrouve dans sa déclaration à la HATVP. C’est cohérent. L’ayant questionné avec insistance en octobre et novembre 2019 sur le paiement de ses cotisations, il est raisonnable d’imaginer qu’il se soit mis à jour les années qui ont suivi.

Mais, si c’est sa réponse, ce n’est pas la question. La contestation que je pose n’est pas sur les années 2020, 2021 ou même 2022, mais sur les années de 2014 à 2019, comme l’exige la règle statutaire pour chaque candidat, lors d’une désignation interne.

François Cuillandre élude ainsi habilement la question posée, mais envoie au charbon son 19ème vice-président, en charge des déchets, le premier secrétaire de la fédération du Parti socialiste en Finistère, Tristan Foveau. Comme du temps d’Alain Masson et de Jean-Luc Polard, le soin de l'explication, est laissé à d’autres qui auront à répondre de leurs paroles.

Dans le Ouest-France, Tristan Foveau se porte garant de la régularité de la désignation que je conteste. Il argue que « La désignation a été validée par les instances nationales du PS. À partir de là, les statuts ont été respectés. […] On va examiner tous les arguments juridiques soulevés mais, de notre côté, tout a été respecté. » Dans le Télégramme, il contestera même le non-paiement des cotisations entre 20014 et 2019 : « Une affirmation que conteste Tristan Foveau, l’actuel patron du PS 29 qui a vérifié que François Cuillandre était bien dans les clous. »

Sommes-nous là face à un cas typique de fuite en avant, comme on a pu en voir dans l’affaire Vivre à Brest, par exemple ? Nier jusqu’au bout, même face à des évidences, des preuves qu'ils connaissent parfaitement eux-mêmes.

Le document prouvant les faits que j’affirme est déjà dans les mains de la justice, puisqu’il s’agit d’un procès-verbal de synthèse établi le 24 mai 2019 par un Commandant de Police judiciaire.

Document rédigé à la suite d’une réquisition au Parti socialiste du Finistère, demandée par la Juge d’instruction, dans le cadre de l’affaire Vivre à Brest. Fait intéressant, ce procès-verbal est une analyse d'un relevé des cotisations entre 2007 et 2018, transmis par le précédent premier fédéral, Yohann Nédélec. Sauf à ce que ce dernier ait produit un faux dans le cadre de l'enquête (ce dont je doute fort), il va être difficile de plaider que la fédération du Finistère n’était pas au courant, c’est elle qui a fourni les éléments que j’avance aujourd’hui.

Ce document fourni par la fédération elle-même est donc dans une procédure accessible aux parties civiles de l’affaire Vivre à Brest, dont je fais partie avec ladite fédération, mais aussi avec tous les élus socialistes de Brest membres de l’association Vivre à Brest. Et ils sont encore quelques-uns. Donc il parait un peu rapide de dire, qu’aujourd’hui, personne ne serait au courant de ce que j’affirme. Toutes ces personnes ont le même accès que moi au dossier d’instruction, qui réserve bien d’autres surprises.

Ce procès-verbal de police judiciaire fait l’état des cotisations d’adhérent, d’élu et des dons versés à la fédération du Parti socialiste par messieurs Masson, Polard et Cuillandre. Concernant ce dernier, la fédération du Finistère ne fait état d’aucune cotisation d’élu versée en 2014 et 2015 et d’un versement cumulé de 6 300 € pour les années 2016, 2017 et 2018, soit un montant très éloigné des 8% statutairement attendus, si on se réfère aux déclarations de revenus faites par François Cuillandre en 2020 à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (document HATVP disponible en ligne ici).

A titre de comparaison, sur la même période 2014-2018, tous versements confondus en cotisations, j’ai versé 60% de plus que François Cuillandre, alors que je n’ai eu qu’une indemnité de vice-président la majeure partie du temps, comme d’autres élus d’ailleurs.

De même, Alain Masson, mis au banc des accusés en premier dans l’affaire Vivre à Brest, réussit à payer 20% de plus sur ses cotisations que François Cuillandre, alors qu’il n’était ni maire, ni président de la métropole. Comment tout cela a-t-il été possible et surtout comment tout cela a-t-il été caché et l’est encore, semble-t-il ?

Malgré ces documents connus de la fédération (ce sont eux qui les ont produits, plus de 4 mois avant la désignation) et connus aussi de quelques élus socialistes dans les confidences de l’association Vivre à Brest, le premier secrétaire de la fédération du Parti socialiste affirme encore en juin dans la presse que « tout a été respecté » et que « François Cuillandre était bien dans les clous ». Ce faisant, il confirme bien ce qui m’a été dit en 2019, lorsque que j’ai questionné les responsables du Parti socialiste. C’est bien cette contrevérité qui m’a été dite en 2019 et qui est encore dite dans la presse aujourd’hui par des responsables du Parti socialiste que je conteste aujourd’hui, ainsi que les conséquences qui en ont découlées.

Une situation qui ne date pas du dernier mandat

Je profite de ce propos pour ouvrir une parenthèse vis-à-vis de l’assignation, pour aller un peu au bout de ce que ce procès-verbal de la police judiciaire révèle.

Sur la question du paiement de ses cotisations d’élu, ce que l’on apprend du procès-verbal sur les cotisations et du complément d’enquête judiciaire de l’affaire Vivre à Brest, dépasse largement le cadre de cette assignation dans le cadre de la désignation. Ainsi, alors que François Cuillandre garde ses indemnités de maire et de président de la métropole pour lui, et ne verse rien à l’association Vivre à Brest, François Cuillandre s’est servi de la caisse de « mutualisation » des autres élus socialistes pour payer certaines de ses propres cotisations d’élu au Parti socialiste.

En 2008, année de sa réélection pour son second mandat, non seulement il n'a là encore payé aucune cotisation d'élu, mais il a bénéficié d'une déduction fiscale pour un « don » de 3 000 € au parti socialiste . D’après l’audition de François Cuillandre, ce « don au parti socialiste » versé en 2007 était en fait une somme que l'association Vivre à Brest lui avait prêté, pour alimenter ses comptes de campagne. De son coté, en tant que trésorier de l’association Vivre à Brest ayant versé la somme, Jean-Luc Polard affirma lors de son audition qu’il s’agissait d’une avance remboursable à François Cuillandre, pour payer sa cotisation d’élu. Le remboursement de ces 3000 € ne sera jamais fait, mais François Cuillandre déclarera bien cette somme dans ses impôts, pour bénéficier d’une déduction fiscale l’année suivant. Déduction qu’il qualifiera lui-même de « indue », 12 années plus tard face à la juge d’instruction .

Au bilan de 2008, en comptant la déduction fiscale « indue », François Cuillandre aura perçu un bénéfice de plus de 1000 € sur ses cotisations au Parti Socialiste. Grace à l’association Vivre à Brest et aux largesses de ses deux adjoints, François Cuillandre fut probablement le seul « adhérent socialiste » ayant fait un profit sur sa cotisation au parti, alors qu'il aurait dû s'acquitter statutairement de plus de 6 000 € de cotisations, issus de ses propres indemnités de maire/président.

Si 2008 fut une année particulière du fait de cette déduction fiscale pour le moins choquante, l'absence totale de cotisation d'élu durera 7 années, entre 2007 et 2015 (l’enquête ne donne pas la visibilité avant 2007). L’autre usage de la caisse de l’association Vivre à Brest dans le cadre de ses cotisations d’élus sera un prêt remboursé de 2000 €, correspondant à ce qu’il versera au titre de sa cotisation d’élu en 2016.

On comprendra donc que les propos dans la presse, en 2022, du premier secrétaire de la fédération du Finistère, paraissent un peu décalés par rapport à la réalité que l’enquête de l’affaire Vivre à Brest a mis à jour depuis quelques mois déjà, sur la base de document issus de ... la fédéraration du Finistère.

Pour la petite histoire, rappelons qu'au Parti socialiste, lors des votes pour les congrès ou les désignations que je vécu pendant plus de 20 ans, assis à côté de l'urne, siégeait le trésorier de la section. Il vérifiait scrupuleusement que chaque adhérent soit bien à jour de ses cotisations d’adhérent et d’élu, avant de l’autoriser à pouvoir voter. Y compris pour les militants les moins fortunés, qui payaient alors 20 € de cotisation. Je ne crois pas me souvenir que François Cuillandre ait oublié de voter de nombreuses fois et encore moins qu’un trésorier s’y soit opposé. Le socialisme finistérien semble bien pratiquer deux poids, deux mesures, en fonction de la notabilité de ses adhérents.

-/-

Que dire de telles irrégularités sur une aussi longue période ? Que veut dire « avoir sa carte à un parti politique », lorsque l’on ne s’acquitte pas de sa cotisation et donc de sa contribution financière à l’effort collectif du parti ? Que penser d'un élu ayant été adjoint, député et maire, grâce à un parti et les moyens mis à sa disposition, mais qui s'affranchi des règles basiques de cotisation ? Que penser d'une fédération, d’un parti et de ses dirigeants, ne pouvant ignorer le fait que le maire de la plus grosse agglomération ne paie pas ses cotisations, mais qui se taisent vis-à-vis des autres adhérents ? Enfin, que penser du premier fédéral de l’époque qui, en connaissance de cause, a soutenu publiquement cette personne lors de la désignation, alors que deux articles des statuts et du règlement intérieur s'opposaient à ce qu'il se présente … et que ces mêmes statuts, ne permettaient tout simplement pas de considérer François Cuillandre comme adhérent au Parti socialiste, puisqu'il aurait du être radié depuis longtemps ?

Est-ce que cette solidarité à défendre un « grand élus » (comme il est dit au PS), qui semble avoir abusé son propre parti en ne payant pas sa cotisation est le témoignage d’une situation plus généralisée, d’un arbre qui cache toute une forêt ? Je ne saurai dire. Mais « quand il y a un flou, il y a un loup » ne disait pas elle-même Martine Aubry ?

-/-

Cette expression de juin dernier dans la presse est donc révélatrice. Elle témoigne bien de la force qu'ont les partis politiques à vouloir collectivement imposer une croyance qui ne se fonde pas sur des faits, même connus des protagonistes dans ce cas. Même poussés devant l'évidence, ils continuent à raconter une histoire qui leur est favorable. Il devient alors nécessaire d'aller devant la justice pour faire reconnaitre la vérité. Nous sommes en plein dans la fabrique d'une #FakeNews collective, pourtant issu d'un parti dit « républicain », qui devrait avoir compris qu’il est urgent de se vacciner de cette maladie qui tire tant de pays vers les extrêmes.

Je reviendrai dans une dernière note sur les propos étonnants de François Cuillandre, rapporté par le journaliste et qui concluent l’article du Télégramme de juin. Ils sont là encore riches de significations et même, en révélations inattendues.

Abonnement Newsletter

Commentaires