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La stratégie du Projet

Macron parce que cest mon projet 2En 2017, Emmanuel Macron résuma sa vision politique par ces mots magiques « parce que c’est notre projet » et il fut élu. Avec l’habileté orale que nous lui connaissons, il projeta ses troupes et son électorat dans une perspective plus désirable que ces concurrents. Avant, il avait su s’affranchir du passif des partis et avait su rompre avec celui qui l’avait mis sur les rails politiques, un François Hollande au plus bas.

Cette stratégie du projet, utilisée en 2017, il est difficile de la lui reprocher. C’est le propre d’une campagne d’établir une compétition entre projets. Même s’il est vrai que certains partent avec plus d’handicaps que d’autres en la matière, Emmanuel Macron a su s’affranchir de cela et faire des propositions intéressantes, tranchantes, marquantes … notamment sur les retraites puisqu’il s’était engagé à ne pas relever l’âge.

Petit retour en arrière, quand Emmanuel Macron qualifiait d’hypocrite le fait de reculer l’âge légal à 64 ans.

Cette semaine, dans son allocution télévisée, le Président a dégainé à nouveau la stratégie du projet. Une stratégie politique très efficace, mais qui dévoyée, ne fait que creuser la défiance des Français envers ceux qui les dirigent.

La stratégie du projet est vieille comme le monde. Lorsqu’il y a un problème ou une tension dans le présent, elle permet de projeter les regards vers l’avenir. Basiquement, c’est l’habileté des meilleurs prestidigitateurs : distraire pour mieux passer son tour de passe-passe.

De façon assez amusante, ce fut aussi la stratégie des religions, du temps où religion et politique ne faisaient qu’un. Dans une de ses conférences, Marcel Gauchet avait exprimé cela avec brio dans une phrase qui m’est restée en mémoire. Il avait dit :

« Le religieux fonde sa légitimité dans les livres et sa croyance dans l'au-delà.

La politique fonde sa légitimité dans l'élection et sa croyance dans le projet.

Mais le futur n'est pas moins insondable que l'au-delà ! »

En renvoyant les Français et les syndicats à de futures négociations, de futures discussions, Emmanuel Macron tente de nous faire oublier le présent en nous projetant vers une promesse d’avenir qu’il n’aura aucune obligation à tenir. Il nous promet un au-delà meilleur, comme le faisaient les rois, représantants des dieux sur terre.

Comme par hasard, il demande 100 jours aux Français. Cent jours qui lui permettent de jouer à saute-mouton au-dessus de deux dates marquantes dans l’histoire de la France : mai 68 et le fameux 14 juillet 1989 (trois dates pour les bretons, si l’on considère la révolte de bonnets rouges qui commença aussi en avril 1675 et qui dura tout l’été). Le printemps a toujours été une période explosive pour les pouvoirs en place.

Dans son allocution, Emmanuel Macron a promis deux réflexions sur le travail. Une première sur le sens du travail, une autre sur les inégalités. Exactement les deux sujets que je pointais dans ma précédente note quelques jours avant (promis, je ne rédige pas les discours du Président). Cela prouve juste qu’il connait parfaitement les vrais sujets qui posent problèmes. Mais au lieu de les traiter, il s’en sert pour appâter les organisations syndicales afin de les faire revenir à la table des discussions et faire croire à un apaisement. En posant des sujets graves sur la table, il contraint les organisations responsables à s'y asseoir.

Mais toutes ses belles paroles ne l’avaient pas empêché de promulguer sa loi, avant même que l’encre du Conseil Constitutionnel ne sèche, alors que les syndicats demandaient un « délai de décence ».

Tout cela relève de la carricature. Il faut arrêter cela. La stratégie du projet est une vieille ficelle de politiques qui n’en font qu’à leur tête. Elle est aussi très bien utilisée sur les questions environnementales où, après la stratégie des petits pas, les objectifs sont successivement repoussés, jusqu’au jour où ils deviendront irréalisables.

Les problèmes doivent se traiter au présent, pas dans la promesse d’un avenir toujours meilleur, qui a de moins en moins de chance de se produire.

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