Un jugement de forme, qui oublie le fond
jeudi 19 octobre 2023
Je comprends bien que le Parti Socialiste de Brest soit joyeux de la décision de justice qui est tombée aujourd’hui, concernant l’assignation que j’avais lancée il y a plus d’un an (Précédentes notes sur le sujet ici). Mais regardons un peu plus le fond de cette victoire de papier, qui en dit long sur nos vieux partis politiques … patriarcaux.
La Justice considère simplement irrecevable ma demande et ne prend même pas la peine de regarder les arguments de fond. Elle ne retient qu’un argument de forme et donne raison au Parti Socialiste qui s’appuie sur l’article 4.3.1 de ses statuts :
« À défaut de saisine des premiers secrétaires fédéraux ou du Premier secrétaire et d'épuisement des voies de recours internes, aucune contestation des décisions du Parti et de ses instances ne pourra faire l’objet d’un recours juridictionnel. »
Un petit article dans des longs statuts, qui semble être la botte secrète des partis français (a priori la droite a le même dans ses statuts), pour ne pas être inquiétés de toutes dérives à leur fonctionnement interne, par des adhérents indélicats.
Pour résumer cet article, tant que vous n’avez pas épuisé toutes les voies de recours internes à votre parti (et cela peut être très long et épuisant, vu les pressions internes qui frolent ce que l'on qualifie de harcellement dans les entreprises lorsque vous contestez), vous ne pouvez faire valoir aucun de vos droits devant une justice indépendante. C’est un peu comme, si dans le cas d’un couple, une femme ne pouvait divorcer sans avoir l’accord de son mari ! En fait, cet article emprisonne les adhérents au bon vouloir des responsables du parti, sans possibilité de recours à une vraie justice. Pour un parti « démocratique » et de « gauche », c’est très désaligné des fondamentaux !
Toutefois, il est faux de dire que je n'ai rien fait à l'intérieur du Parti Socialiste pour m'opposer aux dysfonctionnements qui avaient cours. Simplement, le jugement ne considère pas cela comme suffisant.
La Justice ne retient pas le fait que j’ai saisi par courrier le Premier secrétaire, Olivier Faure, pour lui demander de garantir la régularité de la désignation que je mettais en doute, avant même le vote.
La Justice ne retient pas non plus le fait que j’ai demandé par mail à Pierre Jouvet, Secrétaire national qui avait été nommé par Olivier Faure pour garantir la régularité de la désignation à Brest, de vérifier si François Cuillandre était à jour de ses cotisations. Pierre Jouvet ne me répondra jamais, préférant sûrement le silence à la transparence. Difficile donc de contester sans preuves (cela s'appelle de la diffamation), quand les faits vous sont masqués par les responsables.
La Justice ne retient pas non plus l’exigence qui me sera faite de démissionner du Parti Socialiste, alors que j’avais demandé par courrier à Olivier Faure de rester adhérent. Une exigence de démission faite par Yann Guével, parce que je ne soutenais plus François Cuillandre (mis en examen), mais une liste écologiste qui fusionna avec eux après, d’ailleurs. Notons que cela n’empêcha pas Yann Guével et François Cuillandre de soutenir une candidature hors NUPES aux dernières législatives, sans se faire inquiéter par le Parti Socialiste, eux ! Logique, ce sont eux qui en sont responsables à Brest.
La Justice ne retient donc pas qu’il est plutôt très difficile, voire impossible, de saisir les recours internes d’un parti, dont on s’est fait éjecter ! C’est étonnant, moi cela me semble évident.
En revanche, la Justice met un voile pudique sur le fond du dossier, c'est-à-dire tous les faits bien réels que j’ai dénoncés sur les dysfonctionnements internes d’un parti, dit républicain et donc censé respecter les règles :
- François Cuillandre n'était pas à jour de ses cotisations au Parti Socialiste, pour des sommes au-delà de 50 000 €, procès-verbal de police judiciaire à l’appui. Les statuts disent qu’il aurait dû faire l’objet d’une radiation du Parti Socialiste, depuis des années. Mais, il semble qu’au Parti Socialiste brestois, comme dans l’association Vivre à Brest, ceux qui gagnent le plus sont ceux qui cotisent le moins … et qui en cachent le plus à leurs petits « camarades » !
- De plus, François Cuillandre ne pouvait pas se présenter à un quatrième mandat par suite des statuts « rénovés » en 2012, mais pas appliqués, mis en place par Martine Aubry lorsqu’elle était Première secrétaire.
Non seulement le Parti Socialiste a laissé se présenter un candidat non recevable statutairement, mais ce candidat mentait publiquement en affirmant qu’il payait ses cotisations. Mensonges réitérés dans la presse par le Parti Socialiste, affirmant en 2022 que François Cuillandre était à jour de ses cotisations.
Alors oui, aujourd’hui ma demande a été jugée irrecevable pour une question de forme. Dont acte.
En première instance, sans le vouloir j’espère, la Justice vient de donner raison à ceux qui pensent que les tripatouillages internes, les basses-œuvre des arrière-cuisines de notre République, doivent se régler entre « camarades » et non devant une justice impartiale. Cette Justice ferme les yeux sur le fait que les militants attachés à plus d'éthique se font éjecter avant toute contestation officielle, par ceux qui mentent et s'assoient sur les règles.
En termes de recherche d’exemplarité et d’amélioration des pratiques des partis qui ensuite gouvernent, j’ai connu mieux comme décision de Justice.
Au-delà de ce jugement, cet épisode témoigne bien que notre pays a un gros problème d'éthique dans la sphère publique, justement parce que les partis politiques sont corrompus dans leurs propres pratiques internes et que rien ne vient plus les déranger. Les problèmes commencent par-là, bien-sûr. Ne venons pas nous étonner ensuite qu’il y ait tant de responsables politiques devant les tribunaux, pour des fautes bien plus graves après. Si la Justice considère irrecevable la lutte contre les mensonges et les pratiques déviances dans les partis français, c'est une prime aux plus tordus et aux plus malhonnètes. A Brest, je suis sûr que le message a bien été entendu.
Me concernant, le combat continue pour plus d'éthique, de sincérité et de transparence dans notre vie publique. Je ne vais pas m’arrêter ainsi. J'ai bien conscience que c’est une lutte sans fin vers un progrès sociètal, que cette « gauche aux Affaires » ne défend plus.
Mes détracteurs voudraient en faire une question de sentimentalité de ma part. Il m’accuse de rancune ou d’amertume. Qu’ils se détrompent, je suis bon perdant. Le sens de mes actions n’est pas de gagner (même si j'aurai préféré que la justice arbitre contre les dysfonctionnements, bien-sur), mais de combattre les pratiques et les élus qui abiment jour après jour notre démocratie et font monter l’abstention, comme les extrêmes.
Et à Brest, nous avons matière à poursuivre le combat !